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La fin de Mare Nostrum, un enterrement de première classe qui inquiète

La fin de Mare Nostrum, un enterrement de première classe qui inquiète

Avec la fin annoncée, d'ici novembre, de l'opération italienne "Mare Nostrum", destinée à secourir les migrants en perdition en Méditerranée, l'inquiétude grandit au sein des associations et dans les rangs des militaires impliqués sur le terrain, qui redoutent une "hécatombe".

Depuis des mois, l'Italie, devant l'afflux toujours plus grand de migrants - plus de 100.000 arrivées en 2014 - et le coût de cette opération, réclamait l'aide de ses partenaires européens.

Début juillet à Milan (nord), devant ses homologues européens, le ministre italien de l'Intérieur Angelino Alfano avait plaidé sa cause, en affirmant que "+Mare Nostrum+ est exceptionnelle" et donc "doit prendre fin". "Nous demandons qu'une opération européenne avec Frontex (l'Agence européenne de gestion des frontières, ndlr) la remplace et cela le plus vite possible", avait-il lancé.

La mort de quelque 300 migrants ce week-end et une situation chaotique en Libye, ont accéléré les choses et l'Italie, qui assure la présidence semestrielle de l'UE, a réussi à arracher une solution de solidarité européenne.

Mercredi à Bruxelles, aux côtés de la commissaire européenne aux Affaires intérieures Cecilia Malmstroëm, M. Alfano s'est réjoui de "la création de +Frontex Plus+" (...), qui pose les bases pour un retrait de +Mare Nostrum+".

Lancée le 18 octobre, à la suite de deux naufrages au large des côtes italiennes qui avaient fait plus de 400 victimes, "Mare Nostrum" regroupe d'importants moyens navals et aériens.

Au sein du centre opérationnel, au nord de Rome, 24 heures sur 24, des informations sont recueillies, en coordination avec une trentaine de pays, sur tous les mouvements dans un espace de 73.000 km2, pour détecter les trajectoires suspectes et les "anomalies", les analyser et décider de l'envoi de moyens appropriés. Un système permet même de visualiser la silhouette des navires suspects.

C'est là qu'arrivent les appels de détresse des réfugiés venus d'Afrique qui, à 94%, partent des côtes libyennes.

En dix mois, quelque 113.000 personnes ont été sauvées, essentiellement venues de Syrie et d'Afrique sub-saharienne, soit une moyenne de 270 par jour, selon la Marine italienne.

Des hommes dans une écrasante majorité, mais aussi 10% de femmes et 14.000 mineurs, dont 8.600 non accompagnés, selon l'association Save the Children.

"Mare Nostrum" a également permis d'arrêter 453 passeurs.

Mais cette opération coûte cher: "entre 6 et 8-9 millions d'euros par mois" rien que pour la Marine, avait affirmé début juillet son chef d'état-major, l'amiral Michele Saponaro.

N'empêche, "la fin de +Mare Nostrum+ serait une hécatombe", s'est inquiété jeudi l'amiral Giovanni Pettorino, du commandement général des Capitaineries des ports, impliquées dans l'opération, en Une du Fatto Quotidiano.

"La loi de la mer est la seule à pouvoir sauver les migrants", a-t-il estimé.

Mais cet engagement humanitaire assumé par l'Italie aura du mal à être repris intégralement par "Frontex Plus", dont l'ampleur sera moins importante que "Mare Nostrum".

Bernard Cazeneuve, ministre français de l'Intérieur, a été très clair mercredi soir: le fait que la nouvelle opération soit "portée par Frontex" montre qu'elle sera "d'une autre nature" que Mare Nostrum.

"Pour nous, +Frontex Plus+ ne sera pas un dispositif de sauvetage mais de contrôle des frontières", a-t-il affirmé.

Selon un diplomate européen, plusieurs pays de l'UE estiment que "la poussée migratoire est la faute de l'Italie mais ne peuvent pas le dire car c'est politiquement trop sensible".

Du côté des associations, on se déclare "très préoccupé": pour Daniela Pompei, responsable en charge des problèmes d'immigration à la communauté catholique Sant'Egidio, la fin de l'opération va avoir pour conséquence la plus grave "l'augmentation du nombre de naufrages".

"Ce qu'il faudrait, explique Mme Pompei à l'AFP, c'est élever le débat et enfin lancer l'idée d'un système d'entrée légale en Europe, via une agence officielle", basée dans les pays d'origine des migrants, "comme cela se fait aux Etats-Unis".

Pendant ce temps, les arrivées se poursuivent: 750 migrants, secourus mercredi dans le canal de Sicile, sont attendus vendredi dans des ports du sud de l'Italie.

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