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Colombie : d'anciens chefs de milices bientôt libérés, les victimes inquiètes

Colombie : d'anciens chefs de milices bientôt libérés, les victimes inquiètes

En Colombie, au moment même où les victimes sont enfin entendues dans les pourparlers de paix avec la guérilla des Farc, une autre perspective les inquiète: la possible libération de quelque 150 anciens membres de milices paramilitaires d'extrême droite, dont plusieurs de leurs chefs.

Certains d'entre eux, notamment 11 ex-dirigeants de milices, sont responsables de milliers de victimes, mais ils n'auront au final passé que huit ans derrière les barreaux, au nom de la "justice transitionnelle", une loi votée en 2005 sous le gouvernement conservateur d'Alvaro Uribe (2002-2010).

Les milices paramilitaires, formées dans les années 80 pour faire face aux guérillas comme les Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), ont été officiellement dissoutes en 2006.

De nombreux responsables politiques de l'ère Uribe ont été accusés, et pour certains condamnés, pour collusion avec ces milices.

Entre 2003 et 2006, 32.000 de leurs membres ont accepté de rendre les armes et 1.700 d'entre eux ont été mis en prison, avec l'assurance d'en sortir au bout de huit ans s'ils remplissaient une série de conditions.

"Ce n'est pas une sortie automatique", explique Hector Moreno, coordinateur de l'unité de justice transitionnelle.

Les candidats à la libération devront prouver qu'ils ont "contribué à la découverte de la vérité", qu'ils ont "offert des biens comme compensation aux victimes", qu'ils n'ont pas "commis des délits postérieurs" et qu'ils ont eu "une bonne conduite dans l'établissement pénitentiaire".

Une procédure qui vise à s'assurer d'une véritable volonté de réconciliation. Elle va de pair avec les négociations de paix entre le gouvernement colombien et la guérilla des Farc, afin de trouver une sortie au conflit qui mêle depuis 50 ans en Colombie l'armée, des guérillas mais aussi des bandes de narcotrafiquants, composées en partie des anciennes milices paramilitaires.

Mais l'annonce de cette prochaine libération (dont la décision sera prise au cas par cas par un groupe de 15 magistrats) survient à un moment particulièrement sensible : celui de la question des victimes et de leur dédommagement, au coeur du nouveau chapitre des négociations de paix qui s'est ouvert mardi à Cuba.

Un moment très attendu par les populations ayant souffert du conflit armé, qui a fait plus de 220.000 morts et entraîné le déplacement de cinq millions de personnes.

Lors du premier Forum national dédié aux victimes du conflit armé, co-organisé par l'ONU, près de 1.500 d'entre elles se sont réunies récemment à Cali.

"Il en est sorti un grand désir d'avoir la vérité sur ce qui s'est passé, sur les circonstances historiques, mais aussi d'en savoir plus sur les personnes enlevées et disparues", selon Fabrizio Hochschild, coordinateur de l'ONU en Colombie.

Un espoir qui se mêle désormais à l'inquiétude de recroiser dans les rues certains de leurs anciens tortionnaires.

Parmi les candidats à la sortie cette année, se trouvent par exemple Uber Banquez, dit "Juancho Dique", à qui l'on attribue 5.669 victimes. Freddy Rendon, alias "El Aleman", qui en dénombre 4.301. Ou encore Rodrigo Pérez et Ivan Duque ("Julian Bolivar" et "Ernesto Baez"), jugés responsables de 1.544 décès.

"Les personnes que nous représentons, dans différents endroits du pays, craignent le retour de ceux qui ont exercé un pouvoir illégal ici, qui ont des gens qui les appuient et une capacité coercitive forte", raconte Gustavo Gallon, directeur de l'ONG Commission colombienne de juristes.

En 2006, une partie des anciens paramilitaires ayant rendu les armes ont repris des activités criminelles, selon les autorités, se réorganisant en bandes spécialisées dans le trafic de cocaïne, dont la Colombie est parmi les premiers producteurs mondiaux.

Au total, cette année, sur les 161 ex-paramilitaires pouvant demander leur remise en liberté, 47 en ont fait la requête. Cinq ont déjà été relâchés.

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