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Le combat continue pour retrouver 400 bébés volés de la dictature argentine

Le combat continue pour retrouver 400 bébés volés de la dictature argentine

Estela Carlotto embrassera bientôt son petit-fils, bébé volé de la dictature (1976-1983) en Argentine, mais pour elle, la "longue bataille" initiée voici 36 ans continue, car le sort de 400 enfants reste encore inconnu.

Tout a basculé en novembre 1977 quand sa fille Laura Carlotto, étudiante en histoire de 23 ans, enceinte de deux mois sans qu'elle le sache, a brusquement disparu.

Cette institutrice de 47 ans et mère de quatre enfants vivait jusque là une existence paisible à La Plata, une ville située à 60 km de Buenos Aires, étrangère à toute culture militante.

En avril 1978, elle se joint aux Mères et aux Grands-mères de la Place de Mai, qui réclament à la junte des nouvelles de leurs enfants et petits-enfants disparus. En août, les militaires lui remettent la dépouille de sa fille.

Dès lors, elle poursuivra sans relâche les dignitaires de la junte militaire soupçonnés d'avoir arraché les enfants à leurs parents pour les remettre à des familles proches du régime et fera la sourde oreille aux manoeuvres d'intimidation, comme quand sa maison de La Plata a été criblée de balles en 2002.

"Je n'étais pas une femme héroïque, dit-elle. Je n'avais jamais participé à quoi que ce soit. J'étais une femme de classe moyenne, je n'aurais jamais imaginé que j'allais passer ma vie à ces recherches".

Présidente de l'organisation des Grands-mères de la Place de Mai depuis 1990, elle a parcouru le monde comme ambassadrice de la cause.

A Paris, à Washington ou à Madrid elle dénonçait "un plan systématique de vol" de nouveaux-nés.

L'organisation a été proposée au prix Nobel de la Paix à cinq reprises et a reçu d'innombrables prix et reconnaissances que Mme Carlotto considérait comme des "aliments pour nourrir la lutte".

Pour Graciela Fernandez Meijide, ancienne ministre, le vol de bébés "est un outrage des plus pervers. Il n'y a pas de pire châtiment que de ne pas savoir qui on est, ils ont dissimulé cette vérité (...) La vérité ne blesse pas et ne tue pas. C'est le mensonge qui blesse. Les Grands-mères ont toujours été très modérées, elles se sont installées au centre de la société, c'est pour cela que les gens s'identifient à leur souffrance et leur lutte".

En 2003, Estela Carlotto a trouvé un allié au palais présidentiel, Nestor Kirchner (2003-2007), qui a fait traduire devant la justice des centaines de militaires, dont les chefs de la junte.

Avec comme point d'orgue la condamnation à 50 ans de prison du général Jorge Videla, à la tête de l'Argentine de 1976 à 1981, reconnu coupable d'avoir participé à ce que la justice a qualifié de "plan systématique" de vols et d'appropriation par des proches du régime d'enfants d'opposants nés en détention.

Le procès en 2000 à Rome du général Carlos Suarez Mason, jugé responsable de la mort de Laura Carlotto et d'autres opposants et de trafic de bébés, a particulièrement marqué Estela Carlotto.

Près de 37 ans après la création des Grands-mères, en octobre 1977, 114 enfants ont été "récupérés", selon leur terminologie.

Chaque jeudi à 15H30, les Mères et les Grands-mères de la Place de Mai continuent de manifester, gardant l'espoir d'élucider des milliers de disparitions non expliquées.

Elles ont pris des rides - la doyenne a eu 100 ans en juillet - et leurs pas se font plus hésitants, mais leur détermination reste intacte.

Deux idoles de l'Argentine, les footballeurs Diego Maradona et Lionel Messi, ont régulièrement apporté leur soutien à Estela Carlotto et aux Mères et Grands-mères.

Mercredi, en sortant de sa maison de La Plata, près de Buenos Aires, Estela Carlotto a assuré qu'elle restait mobilisée: "Ce n'est pas terminé, la lutte continue. Je vais poursuivre avec les Grands-mères pour rechercher tous ceux qui manquent".

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