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La Cambodge attend le verdict du premier procès emblématique du régime khmer rouge

La Cambodge attend le verdict du premier procès emblématique du régime khmer rouge

Trente-cinq ans après la chute des Khmers rouges, Ung Simonavy est toujours hantée par la mort de 46 membres de sa famille. Elle espère trouver un peu de réconfort dans le premier verdict attendu jeudi contre les deux plus hauts dirigeants du régime encore vivants.

L'idéologue du régime Nuon Chea, 88 ans, et le chef de l'Etat du "Kampuchéa démocratique" Khieu Samphan, 83 ans, comparaissent depuis 2011 devant le tribunal de Phnom Penh parrainé par l'ONU pour leurs responsabilités dans la mort de quelque deux millions de personnes au Cambodge entre 1975 et 1979.

Mais pour tenter d'obtenir au moins un verdict avant la mort d'accusés octogénaires, la procédure complexe a été découpée.

Le jugement de jeudi concerne le premier "mini-procès" qui s'est concentré sur les crimes contre l'humanité constitués par l'une des plus grandes migrations forcées de l'Histoire moderne.

Après leur prise du pouvoir en avril 1975, les Khmers rouges vident en effet les villes du pays, en application d'une utopie marxiste délirante visant à créer une société agraire, sans monnaie ni citadins.

Ung Simonavy fait alors partie des quelque deux millions d'habitants de la capitale forcés de partir pour aller travailler dans des fermes collectivistes.

Et si elle a survécu à près de quatre années de travail forcé dans les rizières, exécutions et famine ont décimé sa famille.

Les soldats khmers rouges "ont battu ma tante à mort avec trois branches sous mes yeux, mes grands-parents sont morts de faim", raconte la quinquagénaire à l'AFP, des larmes coulant sur ses joues.

En octobre, à l'issue d'audiences qui ont duré deux ans, l'accusation avait requis la perpétuité contre les deux accusés, soit la peine maximale prévue par le tribunal. Les deux octogénaires nient de leur côté toutes les accusations, au grand dam des survivants.

"Comment peuvent-ils dire qu'ils ne savaient pas pour ces crimes?", s'insurge Ung Simonavy, qui comme beaucoup de survivants espère que justice sera enfin rendue. "Ils doivent finir leur vie en prison".

Poch Sophorn, qui a notamment perdu son père sous le régime, avait 12 ans lorsque des soldats sont entrés dans sa maison en banlieue de Phnom Penh et ont ordonné à sa famille de partir.

"J'ai mangé des rats, des chats, des lézards, des cafards (...). Nous mangions tout ce que nous trouvions pour survivre", se rappelle-t-il en évoquant ses années dans un camp de travail.

Comme beaucoup d'autres Cambodgiens, il se rendra jeudi au tribunal pour entendre ce verdict symbole dont la lecture sera retransmise en direct à la radio et à la télévision.

"C'est la première fois qu'un verdict sera rendu contre quelqu'un ayant eu une position au sein de la direction nationale des Khmers rouges", commente le porte-parole de la Cour Lars Olsen.

Au total, quelque deux millions de personnes, soit un quart de la population, sont mortes d'épuisement, de maladie, sous la torture ou au gré des exécutions sous le régime de Pol Pot, décédé en 1998 sans avoir été jugé.

A l'ouverture symbolique du procès en juin 2011, avant son découpage, quatre anciens responsables étaient dans le box des accusés.

Mais la ministre des Affaires sociales du régime Ieng Thirith, considérée inapte à être jugée pour cause de démence, a été libérée en 2012. Son mari Ieng Sary, ancien ministre des Affaires étrangères, est décédé l'an dernier à 87 ans.

Le tribunal, critiqué pour ses lenteurs, n'a rendu jusqu'à présent qu'un verdict, contre Douch, de son vrai nom Kaing Guek Eav, chef de la prison de Phnom Penh S-21, ou Tuol Sleng, où 15.000 personnes ont été torturées avant d'être exécutées. Il a été condamné en appel en 2012 à la prison à perpétuité.

Le deuxième procès de Nuon Chea et Khieu Samphan s'est ouvert la semaine dernière. Il doit couvrir les accusations de génocide --qui concernent uniquement les Vietnamiens et la minorité musulmane des Chams--, les mariages forcés et les viols commis dans ce cadre, ainsi que les crimes commis dans plusieurs camps de travail et prisons, dont S-21.

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