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Sommet É-U/Afrique à Washington: échanges commerciaux, menace islamiste, droits de l'homme et Ebola

Un sommet États-Unis-Afrique, pour quoi faire?
AFP

Le président Barack Obama reçoit lundi 04 août à Washington une quarantaine de dirigeants africains pour un sommet sans précédent dans l'histoire des États-Unis.

Au moment où les yeux sont tournés vers l'ouest du continent, frappé par une redoutable épidémie d'Ebola, la première puissance mondiale tentera notamment de combler une partie de son retard commercial en Afrique, où elle est distancée par l'Union européenne et la Chine. Il sera aussi question de la menace islamiste sur le continent et de droits de l'homme.

Refaire une partie de son retard commercial

L'objectif central de ce sommet de trois jours dans la capitale fédérale américaine est clair: il s'agira de tisser des liens économiques plus solides entre les États-Unis et le continent africain, région prometteuse dont la croissance est supérieure à celle du reste du monde (le FMI table sur 5,8% en 2015). Les États-Unis ne pointent qu'à la troisième place au tableau des échanges commerciaux avec l'Afrique, loin derrière l'Union européenne, dont plusieurs membres ont des liens post-coloniaux avec des pays africains, et la Chine, assoiffée des ressources naturelles du continent.

La Maison Blanche assure que son initiative n'est en rien une riposte tardive à la "Chinafrique". Tout, pourtant, dans les propos américains, démontre que la fulgurante offensive de Pékin sur le continent au cours de la décennie écoulée est dans tous les esprits. Will Stevens, porte-parole du Bureau des Affaires africaines du département d'Etat américain, nie également que ce Sommet de trois jours à Washington soit destiné à contrer le rôle croissant des autres pays sur le continent. "Plus on est nombreux, mieux c'est", a-t-il assuré.

Les (discrets) efforts américains sur le continent sont pourtant largement éclipsés par les grands projets menés par la Chine en Afrique. "Mon conseil aux dirigeants africains est de s'assurer que si la Chine construit des routes et des ponts, d'une part ils embauchent des travailleurs africains, d'autre part que les routes ne relient pas seulement les mines au port qui permettra de rallier Shanghaï mais que les gouvernements africains aient leur mot à dire dans la façon dont ces infrastructures seront bénéfiques sur le long terme", soulignait d'ailleurs Barack Obama dans The Economist.

"De plus en plus, nous voyons un effort des États-Unis pour tenter de revenir dans la course, par exemple, via des tentatives de développer les capacités énergétiques sur le continent", confirme Christopher Wood, de l'Institut sud-africain des Affaires internationales. La prolongation de l'Agoa, le programme américain accordant des avantages commerciaux à certains produits africains, ou encore l'initiative "Power Africa", qui vise à doubler l'accès à l'électricité en Afrique subsaharienne, seront notamment au menu des discussions lors du sommet.

Il s'agit donc durant ces rencontres de modifier l'image de l'Afrique, perçue comme ravagée par la guerre et où l'essentiel des liens se limite à de l'aide. "L'objectif n'est plus l'aide et l'assistance humanitaire (...) nous avons trop longtemps tardé à faire évoluer cette relation vers la sphère économique, où l'on peut quasiment arriver à un partenariat", a expliqué à l'AFP la ministre kényane des Affaires étrangères Amina Mohamed.

Poursuivre la coopération contre la menace islamiste

La lutte contre les groupes armés islamistes sera également au cœur du sommet, la coopération avec les Africains en matière de sécurité ayant souvent viré au casse-tête pour les Américains.

Contre Boko Haram au Nigeria ou les shebab somaliens, les États-Unis ont tenté différentes approches de l'ouest à l'est du continent, avec une préférence au soutien à des forces multinationales africaines plutôt qu'aux armées nationales. Pour réduire l'engagement financier des États-Unis tout en assurant aux États africains "une sécurité à long terme", l'objectif de Barack Obama sera de consolider les liens avec des "partenaires forts" disposant de forces de sécurité déjà «efficaces".

Mais les partenaires ne sont pas toujours aussi solides qu'espéré et pour avoir un impact sur les points chauds du continent, Washington doit coopérer avec certaines des armées les moins fréquentables d'Afrique.

Depuis des années les responsables américains répètent qu'ils sont prêts à aider le Nigeria à combattre Boko Haram, dont le soulèvement depuis 2009 a fait des milliers de morts dans le pays le plus peuplé du continent. Le rapt en avril de plus de 200 lycéennes a amené les États-Unis à proposer une aide militaire et en matière de renseignement. Le Nigeria a accepté, mais en dehors d'une aide marginale à la formation et à la surveillance, quasiment rien n'est sorti de cette coopération, regrettent les experts.

A l'autre bout de l'Afrique, les insurgés shebab poursuivent leurs attentats en Somalie et élargissent leur action aux pays voisins, posant des bombes à Kampala en 2010 ou attaquant le centre commercial Westgate à Nairobi en 2013. Sur ce front, l'approche multilatérale a prévalu pour les États-Unis qui procure aux troupes de l'Union africaine (UA) en Somalie (l'Amisom), une assistance financière et logistique (renseignement, entraînement, etc...). C'est sur ce type d'aide que l'administration américaine voudrait s'appuyer, a déclaré le conseiller adjoint à la sécurité nationale, Ben Rhodes.

Mais si la mission de l'UA a réussi à chasser les shebab de Mogadiscio et les a empêché d'y renverser le fragile gouvernement soutenu par les Occidentaux, les forces africaines ont suscité leur lot de critiques. Des salaires de soldats auraient été empochés par leurs supérieurs et des armes destinées à l'Amisom auraient pu se retrouver entre les mains des shebab. La force est aussi dominée par l'Ouganda, pays dont les relations avec les États-Unis se sont détériorées (l'armée est étroitement contrôlée par le président Yoweri Museveni et ses fidèles, qui sont accusés de détournement massif de l'aide américaine).

Enfin, un petit détachement de forces spéciales américaines est stationné depuis 2011 en Centrafrique pour traquer le chef de l'Armée de résistance du Seigneur (LRA), Joseph Kony, poursuivi pour crimes de guerre par la Cour pénale internationale. Née en Ouganda, cette guérilla, l'une des plus cruelles d'Afrique, a essaimé dans des pays voisins. Selon la conseillère américaine à la sécurité nationale, Susan Rice, ses exactions ont baissé de 75% depuis l'intervention des États-Unis.

Aujourd'hui, les États-Unis n'apparaissent pas directement menacés par les groupes armés opérant en Afrique. Mais, avertit Ben Rhodes, Washington "s'inquiète des efforts de groupes terroristes pour prendre pied" dans des régions déliquescentes comme la Somalie, le nord-est du Nigeria ou le nord du Mali.

Les droits de l'homme et Ebola

La composition de la liste des invités a fait un peu grincer des dents. Seuls les dirigeants de quatre pays, jugés infréquentables, n'ont pas été conviés: la Centrafrique, l'Erythrée, le Soudan et le Zimbabwe. Les indéboulonnables présidents de la Guinée équatoriale (Teodoro Obiang Nguema), du Cameroun (Paul Biya) ou encore de l'Angola (Eduardo dos Santos) ont en revanche reçu un carton d'invitation.

Si Barack Obama n'a prévu aucune rencontre bilatérale, la Maison Blanche mettant en avant un casse-tête logistique et diplomatique, un grand dîner à la Maison Blanche aura lieu mardi soir. Le nouveau président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, a décliné l'invitation à Washington et fera partie des absents remarqués.

Pour l'organisation Human Rights Watch, Barack Obama ne peut pas rester silencieux sur les droits de l'homme et doit en particulier insister sur le cas de la Guinée équatoriale, où "la pratique de la torture est monnaie courante".

Le chef de l’État ougandais, Yoweri Museveni, a, lui, soigné sa venue. La Cour constitutionnelle ougandaise a opportunément annulé vendredi une loi anti-homosexualité qui avait suscité un tollé international et déclenché des sanctions américaines.

Mais c'est une crise sanitaire, celle du virus Ebola, à l'origine de plus de 700 morts en Afrique de l'Ouest, qui pourrait occuper le devant de la scène. Accaparés par la gestion de ce qui est, de loin, la plus grande épidémie en près de 40 ans d'histoire de cette maladie, le président sierra-léonais Ernest Bai Koroma et son homologue libérienne Ellen Johnson Sirleaf ont renoncé à venir aux États-Unis.

Des contrôles médicaux seront mis en place à l'arrivée sur le sol américain pour les délégués venant de pays affectés, des mesures de précaution pour des personnes qui auraient couru un "risque marginal, infinitésimal d'exposition", a assuré Barack Obama qui s'est voulu rassurant.

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