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Pakistan: premiers témoignages sur des dizaines de civils tués dans l'offensive

Pakistan: premiers témoignages sur des dizaines de civils tués dans l'offensive

Lorsque ses jets ont fait pleuvoir les bombes sur un village des zones tribales du nord-ouest, l'armée pakistanaise a salué un nouveau succès sur les talibans. Mais aujourd'hui, de nombreux témoignages soulignent au contraire que des dizaines de civils y ont été tués.

L'aviation pakistanaise avait pilonné mercredi dernier la vallée de Shawal, dans le Waziristan du Nord, dans le cadre de son offensive "Zarb-e-Azb" destinée à éradiquer les talibans et Al-Qaïda dans ce secteur considéré comme l'épicentre de la mouvance jihadiste dans la région.

"Tôt ce matin, 35 terroristes en fuite ont été tués par des frappes aériennes dans la vallée de Shawal", a annoncé l'armée dans un communiqué comme elle en publie chaque jour depuis le début de l'offensive.

Dans cette opération, qui a aussi jeté sur les routes des centaines de milliers de waziris, les autorités affirment avoir jusqu'ici tué plus de 500 insurgés, sans mentionner de victimes civiles, malgré les nombreux bombardements.

L'offensive jouit d'un important soutien au sein de la classe politique et des médias pakistanais.

Mais dans le village de Zoi Saidgai de la vallée de Shawal, c'est plutôt la fureur et la défiance vis-à-vis des autorités qui dominent.

D'après de nombreux témoignages recueillis par l'AFP, ce sont en fait 37 civils - 20 femmes, 10 enfants et 7 hommes - qui ont été tués dans ces frappes.

Et à l'heure où les villageois pleurent leurs morts, des chefs de tribus menacent de marcher jusqu'à Islamabad pour demander justice et la fin de l'opération militaire.

Ce jour là, les bombardements avaient commencé vers 1H00 du matin, peu avant le "Sehri", le repas qui précède l'aube pendant le mois musulman du Ramadan.

"Ils se sont poursuivis pendant des heures et ont visé onze maisons", soutient Malik Mirzai Khan, chef de tribu local qui dit y avoir perdu sa fille de 13 ans, son frère, et trois autres proches.

Les victimes "n'étaient pas des rebelles locaux ou étrangers mais des civils innocents, des hommes, des femmes, des garçons et des filles", a-t-il indiqué par téléphone à l'AFP, ajoutant qu'une bombe avait détruit deux maison à elle seule.

Noor Wali Khan, un chauffeur de camion de 27 ans, dit lui que sa mère et deux belles-soeurs sont mortes lorsque les bombes ont frappé la résidence familiale.

Trois autres témoins interrogés par l'AFP ont confirmé les affirmations des deux hommes.

L'armée pakistanaise refuse elle de commenter officiellement cette affaire.

Une source sécuritaire requérant l'anonymat a toutefois affirmé que des rebelles se trouvaient bien dans le village à ce moment là, et qu'ils utilisaient leur famille comme bouclier humain pour échapper aux bombardements.

"Si un terroriste sur lequel nous avons de solides informations utilise sa famille comme bouclier humain, que pensez-vous que l'armée va faire?", a-t-il ajouté, suggérant que les familles avaient eu amplement de temps pour quitter le village avant les frappes.

L'argument ne convainc pas le doyen Malik Mirzai Khan. "Lors de nos rencontres avec des responsables civils et de l'armée, on nous avait assurés que notre secteur était sûr et pas contrôlé par des insurgés", peste-t-il.

Et sa colère ne s'apaise pas: "Les Etats-Unis sont notre ennemi, mais ils n'ont jamais été aussi cruels envers nous que le gouvernement du Pakistan, notre propre pays".

Après le bombardement, aucun secours n'a été envoyé, forçant les villageois à transporter eux-mêmes les cadavres sur des tracteurs avant les funérailles qui ont réuni 500 villageois en pleurs, attisant le sentiment d'hostilité envers les autorités, selon de nombreux témoignages.

A Bannu, ville à la lisière du Waziristan du Nord où se sont réfugiés des milliers d'habitants des zones tribales, les anciens ont tenu cette semaine une "jirga" (assemblée traditionnelle) pour dénoncer les frappes dans la vallée de Shawal, qu'ils ne considèrent pas comme un événement isolé.

"Nous voulons la fin de l'opération militaire le plus vite possible car ce sont les civils qui en souffrent le plus", a déclaré Malik Nasrullah, chef du conseil des tribus du Waziristan du Nord.

"Vous ne pouvez pas cacher le soleil avec votre doigt", philosophe Wali Muhammad, un commerçant de Zoi Saidgai, citant un proverbe pachto dont le sens se résume à ceci près: la vérité finira par se savoir.

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