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"I am": un chorégraphe des îles Samoa commémore la guerre de 14-18 à Avignon

"I am": un chorégraphe des îles Samoa commémore la guerre de 14-18 à Avignon

Né aux îles Samoa, le chorégraphe Lemi Ponifasio a créé pour le Festival d'Avignon, en France, une oraison funèbre aux 20 millions de morts de la Première Guerre mondiale, dans une "cérémonie" qui mêle les rituels de l'Occident et du Pacifique.

La scène, souvent plongée dans les ténèbres, s'ouvre sur l'hymne français, "La Marseillaise", et l'image d'un soldat du Pacifique, incongru dans son uniforme militaire, planté devant une paroi noire qui pourrait être une pierre tombale. Elle se ferme sur un homme couché les bras en croix sur cette même pierre, tandis qu'une voix interprète -magnifiquement- l'appel à la prière musulmane.

Entretemps, incantations en maoris, textes et cris (Heiner Müller, Antonin Artaud) montent vers le ciel de la cour du Palais des Papes d'Avignon, dans une sorte de communion avec le cosmos.

"Je prépare les acteurs à servir l'espace et la cérémonie, comme s'ils étaient sur le point d'être sacrifiés, parce qu'il faut essayer d'établir une communication avec le divin", explique Lemi Ponifasio. "Malheureusement, les dieux ne font plus partie du théâtre, nous les avons exclus", ajoute-t-il.

Dans ce monde crucifié par la guerre où les dieux sont absents, l'homme est parfois ravalé au rang de singe évoluant sur scène à quatre pattes. Mais le plus souvent, hommes et femmes traversent la scène immense à pas très lents, en procession.

"L'image que j'avais en tête en venant était celle des artistes, des anciens, des poètes et des prophètes de mon pays venant en canoë à la rencontre de l'Empire", explique-t-il en souriant. Le point de départ de "I am", conçu pour le centenaire de la Grande Guerre, est l'engagement des peuples du Pacifique dans la tuerie de 14-18, enrôlés par des empires qu'ils ne connaissaient même pas.

"I am" sera présenté au Festival d'Edimbourg du 4 au 12 août, à la Ruhrtriennale en Allemagne du 25 au 31 août et à Auckland en février 2015.

Voix singulière dans la danse contemporaine, Lemi Ponifasio est né dans un village d'une des deux îles principales des Samoa occidentales (indépendantes depuis 1962). Il est certes nourri de sa culture d'origine mais refuse les étiquettes: "Quand je fais quelque chose, les gens disent: +il vient des Iles Samoa+; mais quand c'est Bob Wilson qui le fait, c'est de l'avant-garde", ironise-t-il.

Ce chef samoan a fait des études de philosophie et de sciences politiques et ne se voit guère comme chorégraphe. Il s'agit plutôt pour lui d'"enflammer quelque chose" sur scène, d'entretenir "une conversation" avec le monde.

Citoyen engagé, il travaille partout où il passe avec des populations locales, souvent en marge de la société. Pour "I Am", il a choisi des jeunes d'un quartier sensible d'Avignon, pour la plupart issus de l'immigration.

"C'est un grand moment pour eux d'être dans la Cour d'honneur du Palais des Papes. Pour la première fois ils sont à la table de négociation, la table où se négocie leur avenir".

"Les gens issus de l'immigration ont un imaginaire extraordinaire, ils sont pleins d'espoirs quand ils viennent et nous les parquons dans des boîtes, des prisons, des camps, comme dans le Pacifique, ou à l'extérieur des remparts. Nous devons commencer à parler à ces gens, ils doivent pouvoir accéder à ce qu'il y a de meilleur dans la société", dit-il.

Le spectacle suscite l'adhésion .... ou l'incompréhension, certains quittent la cour. "Les gens partent souvent dans mes spectacles", reconnaît-il avec une grande simplicité. Atypiques, ses productions n'expliquent rien, elles s'offrent comme des "cérémonies". "C'est comme un jardin zen, il n'y a pas de fleurs, tu es assis et tu commences à ressentir que tu existes".

mpf/pjl/alc/abk

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