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PKP: le sort de ses actions de Québecor demeure incertain

PKP: le sort de ses actions de Québecor demeure incertain
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QUÉBEC - Contrairement à ce qu'il a déclaré le mois dernier, Pierre Karl Péladeau pourrait devoir placer ses actions de Québecor dans une fiducie sans droit de regard. Le Commissaire à l'éthique et à la déontologie déposera ses recommandations pour chacun des députés à la fin du mois de septembre.

Pierre Karl Péladeau a affirmé en juin que l'obligation d'avoir une fiducie révocable s'applique uniquement aux ministres. Puisqu'il est député de l'opposition, la règle ne s'applique pas à lui, concluait l'actionnaire de contrôle du plus grand groupe de médias au Québec.

En entrevue, le commissaire Jacques Saint-Laurent confirme la règle générale au sujet des ministres, mais souligne qu'il détient un pouvoir discrétionnaire pour les députés. Sans se prononcer sur le cas précis de Pierre Karl Péladeau, le commissaire a accepté de commenter les règles s'appliquant à l'ensemble des députés.

Le commissaire peut faire des recommandations à tous les députés en vertu de l'article 18 du Code d’éthique et de déontologie des membres de l’Assemblée nationale. Celui-ci lui permet d'exiger des mesures spéciales pour un député qui obtient, via sa compagnie, des contrats du gouvernement. «[...] il n'y a pas une interdiction absolue, il y a une interdiction qui est soumise à un contrôle, à une vérification du commissaire», dit Jacques Saint-Laurent.

Le commissaire décide alors si le député peut, ou non, continuer de transiger avec le gouvernement par le biais de sa compagnie. «Si jamais j'en viens à la conclusion que c'est possible de garder ses intérêts dans l'entreprise et de continuer le contrat [NDLR: avec le gouvernement], il est fort possible que je mette des conditions, comme l'article 18 le prévoit», explique Jacques Saint-Laurent, sans se prononcer précisément sur le cas de PKP.

Ces conditions vont de la fiducie sans droit de regard à une interdiction d'intervenir dans la gestion de l'entreprise.

Présent dans le domaine des médias d'information, du livre, de la musique, de la téléphonie cellulaire et bien d'autres, Québecor interagit de diverses façons avec le gouvernement. Par exemple, Nurun, son entreprise de marketing interactif, reçoit des contrats gouvernementaux.

Pierre Karl Péladeau étant député de l'opposition, son influence sur le gouvernement est limitée, convient le commissaire. Mais son rôle de porte-parole en matières économiques pour le PQ complique le tableau. «C'est un élément dont je dois tenir compte», note-t-il.

Dossiers en cours d'analyse

Le commissaire a tenu récemment une première rencontre avec les députés pour réviser leurs déclarations d'intérêts. Ces rencontres se sont terminées le 2 juillet et le commissaire procède présentement à l'analyse des dossiers. Jacques Saint-Laurent prévoit annoncer ses recommandations vers la fin septembre, au moment de publier les sommaires des intérêts des députés. «Dans le contexte de cette préparation-là, dit-il, je n'ai pas complètement terminé l'analyse».

«Je n'ai pas encore fait de recommandations officielles», ajoute-t-il.

L'avis donné au député de Saint-Jérôme était le même que le commissaire transmet à tous les élus, avant même que l'analyse de leurs dossiers ne soit complétée. «C'est bien sûr qu'au moment de notre rencontre, on a déjà abordé un certain nombre de points, pour lesquels je lui ai fait le même genre de suggestions que je fais à tous les députés pour essayer d'être attentifs aux risques de conflits d'intérêts», explique le commissaire au sujet de sa rencontre avec le député de Saint-Jérôme.

Pierre Karl Péladeau n'a pas souhaité commenter pour cet article. Au moment de publier, Québecor n'avait pas retourné nos appels.

Conflit d'intérêts?

Lorsque Pierre Karl Péladeau s'est lancé dans la campagne électorale, Québecor a publié un communiqué affirmant «[...] dans l’éventualité où monsieur Péladeau serait élu à l’Assemblée nationale du Québec le 7 avril prochain, ce dernier s’est engagé à mettre en place une fiducie ou un mandat sans droit de regard dans lequel il placerait ses intérêts économiques».

Le député affirme aujourd'hui que cette éventualité s'appliquait uniquement s'il devenait ministre.

Pierre Karl Péladeau a remis sa démission pour tous les postes qu'il occupait au sein de l'entreprise, mais demeure le détenteur de 72% des actions de contrôle de Québecor.

Cette situation inusitée a valu plusieurs articles dans le Canada anglais la semaine dernière. Le Globe and Mail a même publié un éditorial pour dénoncer le conflit d'intérêts potentiel aux «énormes proportions» du propriétaire de Québecor.

Les éditorialistes du Globe and Mail écrivent: «La politique canadienne et québécoise n'a jamais rien vu de tel. C'est un conflit d'intérêt potentiel énorme à deux niveaux. En tant que membre du gouvernement, ou même comme député de l'opposition, M. Péladeau a le pouvoir d'influencer les lois, règlements et politiques qui ont un impact sur la valeur de ses actifs. Et en tant que politicien contrôlant une immense portion du marché des médias, il a la capacité sans précédent d'influencer l'opinion publique en sa faveur.»

À Québec, la CAQ trouve «questionnable» le choix de ne pas mettre ses avoirs dans une fiducie sans droit de regard. «Déjà, comme député, être actionnaire du plus grand groupe de presse, il y a des questions [qui se posent]», dit le porte-parole en matière de Réforme des institutions démocratiques, Benoit Charette. Il ajoute: «Sans parler de conflit d'intérêts, on pose des questions». Toutefois, le parti s'en remet aux conclusions du Commissaire à l'éthique.

Benoit Charette souligne que la situation changera si Pierre Karl Péladeau se lance dans la course à la chefferie, voire devient chef du Parti québécois. «On sera vigilant à ce moment-là».

De son côté, le gouvernement Couillard ne souhaite pas commenter l'affaire.

Au Conseil de presse du Québec (CPQ), le tribunal d'honneur des journalistes, on se réfère aux commentaires faits au moment de l'entrée en politique de PKP. Le Conseil avait alors «exhorté» Québecor à regagner les rangs de l'organisme, l'entreprise ayant quitté le conseil d'administration depuis plusieurs années. «Étant donné qu'il peut y avoir des doutes quant à l'intégrité ou à l'indépendance des médias de Québecor, on estimait que la situation rendait la présence de Québecor au sein du conseil d'autant plus importante et urgente», explique le directeur des communications du CPQ, Julien Acosta.

Pas besoin de fiducie, dit un éthicien

L'éthicien René Villemure, lui, ne croit pas que PKP doit placer ses actifs dans une fiducie. Selon lui, on ne peut créer des règles exceptionnelles pour un individu, comme ce serait le cas avec Pierre Karl Péladeau. Il qualifie même la mesure de «discriminatoire». À l'inverse, René Villemure affirme qu'obliger tous les députés à mettre leurs actifs commerciaux dans une fiducie sans droit de regard serait exagéré.

Il ajoute que l'influence d'une personne de la stature de Pierre Karl Péladeau demeurerait, même si ses actifs se retrouvent dans une fiducie sans droit de regard. «Le risque existe, nonobstant le mur de Chine qu'on pourrait mettre», dit René Villemure. Personne ne va oublier qui est monsieur Péladeau, ajoute-t-il.

«À force de mettre des règles, des commissaires et des surveillants partout, on n’a pas empêché grand-chose», souligne René Villemure. L'éthicien reconnaît qu'il s'inscrit en faux par rapport à ses collègues sur cette question.

«À un moment donné, conclut-il, on élit des gens parce qu'on leur fait confiance.»

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