Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Des étudiants thaïlandais se mobilisent pour résister à la junte

Des étudiants thaïlandais se mobilisent pour résister à la junte

Dans la cafétéria d'une université de Bangkok, six étudiants thaïlandais rédigent une lettre d'informations soutenant la démocratie. Une activité anodine il y a encore deux mois, mais qui peut désormais les envoyer en prison.

Même si leur nombre est encore limité, les étudiants sont de plus en plus nombreux à se mobiliser pour résister à la junte militaire qui a largement limité les libertés civiles depuis le coup d'Etat du 22 mai.

"Nous devons écrire sur ce qui n'est pas rapporté", explique Achara, étudiante en langues de 24 ans, qui veut lutter contre la censure imposée aux médias nationaux.

Les droits démocratiques, les étudiants et le coup d'Etat, la légalité de la prise de pouvoir... Elle jette en vrac des idées sur un cahier.

Les quelques actes sporadiques de résistance de jeunes thaïlandais comme elle font partie des rares expressions publiques d'opposition à la junte, du lancement de publications alternatives à l'organisation de lectures de "1984", roman antitotalitaire de George Orwell.

Pour eux, les risques sont grands: les rassemblements politiques sont interdits et la limite entre ce qui est permis ou interdit est de plus en plus floue.

Paradorn, 20 ans, a été arrêté le mois dernier pour avoir distribué des sandwiches après un pique-nique politique empêché par la police.

"J'ai vu l'autoritarisme en Thaïlande par le passé. Mais j'ai été choqué quand 350 policiers sont arrivés", raconte l'étudiant en sciences politiques lors d'une rencontre anti-putsch dans une autre université.

Comme d'autres, il a dû s'engager par écrit à abandonner toute activité politique, sous peine d'être traduit en cour martiale. Mais cela ne l'a pas découragé.

"Je n'ai pas été arrêté parce que je faisais quelque chose de mal (...). Mes droits et ma liberté m'ont été enlevés. Je ne peux pas accepter un système qui veut détruire la démocratie", martèle-t-il.

Les opposants au putsch ont fait preuve de créativité, se heurtant à une répression de plus en plus stricte.

En juin, un étudiant solitaire lisant "1984" en mangeant un sandwich a été interpellé, tandis que d'autres étaient arrêtés pour avoir fait le salut à trois doigts des films "The Hunger Game", devenu un symbole de résistance à la junte.

Les réseaux sociaux sont aussi devenus une cible des militaires et les autorités offrent une récompense contre toute preuve aidant à identifier un opposant.

Alors pour éviter d'être repérés, les étudiants utilisent des applications pour crypter leurs messages, des groupes Facebook secrets, de fausses identités, et changent lieux et horaires de leurs rencontres.

"Mais c'est de plus en plus difficile", lâche Anapit, 20 ans, intercepté en juin par la police avant le début d'une manifestation.

Le jeune homme, membre d'un collectif de 30 étudiants auxquels s'ajoutent des dizaines de sympathisants, est observé de près par l'armée qui l'appelle souvent directement en guise de dissuasion.

Ces militants n'ont pas oublié le massacre d'étudiants par les autorités lors d'une manifestation politique en 1976 à l'université Thammasat de Bangkok.

Mais ils sont encouragés par cette tradition estudiantine de lutte pour la démocratie dans un royaume qui a connu 19 coup d'Etat ou tentatives depuis 1932.

"Je suis prêt à aller devant un tribunal militaire, mais cela doit valoir la peine, pour quelque chose de grand", poursuit Anapit.

L'armée a expliqué avoir pris le pouvoir pour restaurer l'ordre public après sept mois de manifestations meurtrières contre le gouvernement de Yingluck Shinawatra, soeur de Thaksin Shinawatra, renversé par le précédent putsch en 2006.

Mais certains accusent la junte d'avoir utilisé cette situation comme prétexte pour se débarrasser de l'influence de Thaksin, qui reste malgré son exil le facteur de division du royaume englué depuis huit ans dans des crises politiques à répétition.

Alors qu'aucune solution à ce conflit n'est en vue, les étudiants ne sont pas prêts à abandonner leur droits sans rien dire.

Dans la cafétéria, le débat est animé, les étudiants tentent de trouver un moyen de faire parvenir leur lettre d'information hors de Bangkok.

Subitement, Achara s'arrête au milieu d'une phrase. Un officier en civil serait à proximité. Heureusement, fausse alerte. "Continuez à parler".

(Les noms des étudiants ont été changés pour protéger leur identité).

pj/dr/abd/ml

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.