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En Irak, pas de répit au cimetière de "la Vallée de la Paix"

En Irak, pas de répit au cimetière de "la Vallée de la Paix"

Tôt le matin, dans la ville sainte chiite de Najaf, le lieu le plus animé est le cimetière, l'un des plus grands au monde où sont enterrés les dizaines de victimes du dernier cycle de violences en Irak.

De tristes cortèges de familles se succèdent, accompagnant les corps de jeunes hommes dans des cercueils de fortune attachés sur le toit de voitures ou transportés dans des camionnettes, vers cette ville située à 150 km au sud de la capitale irakienne.

Cette fois, les corps proviennent de Jurf al-Sakhr, une localité plus au nord où les forces de sécurité avaient combattu quelques jours auparavant les insurgés sunnites menés par les jihadistes de l'Etat islamique (EI) qui ont lancé le 9 juin une vaste offensive en Irak.

"On ne nous a remis le corps que maintenant, après cinq jours au soleil. De l'acide a été versé sur son visage", raconte Ammar Karim, 27 ans, au sujet de son cousin Amer Kazem, 25 ans, policier fédéral tué.

"Nous n'avons pu l'identifier que grâce à son uniforme", dit-il au cimetière, connu sous le nom de Wadi al-Salam, ou "Vallée de la Paix".

Une fatwa de l'ayatollah Ali al-Sistani, plus haut dignitaire chiite d'Irak, a rallié la majorité chiite irakienne contre les jihadistes, et des milliers de jeunes volontaires, souvent mal formés et mal équipés, se sont engagés dans les nombreuses milices, l'armée, la police, ou les unités de protection des lieux saints.

"Nous recevons toutes sortes de corps: des cadavres brûlés, juste une tête dans une boîte ou un sac contenant des kilos de chair", déclare, consterné, Sayed al-Yasseri, 47 ans, chef de la morgue de Najaf dans l'enceinte du cimetière.

Depuis la chute de Mossoul (nord), première ville à être tombée aux mains de l's insurgés le 10 juin, "nous recevons beaucoup plus de corps de jeunes nés dans les années 1990, la plupart originaires du Sud", ajoute-t-il dans son bureau, où s'entassent des piles de linceuls blancs.

Dans une pièce austère, les morts sont, selon la tradition, lavés sur une dalle noire. Du détergent stocké dans de vieilles bouteilles d'eau minérale sert à nettoyer la plupart des cadavres. Mais pour les organes en décomposition ou brûlés, on utilise de la terre, gardée dans un sac, pour purifier rituellement les restes.

"Nous lavons nos frères, des compatriotes irakiens. C'est douloureux", se lamente Hussein Jabbour, 29 ans, un employé de la morgue qui dit devoir travailler 24 heures d'affilée.

"Nous avons vu pire", ajoute-t-il. "Des corps empilés et brûlés ensemble de sorte que nous ne pouvons pas les identifier".

Certaines familles, déjà éprouvées par le deuil, reçoivent des appels téléphoniques ou des SMS de ceux qui ont tué leur fils, leur frère ou leur père.

Ammar Karim raconte que les insurgés qui ont tué son cousin ont utilisé son téléphone portable pour menacer sa famille.

La famille d'un autre jeune policier tué à Jurf al-Sakhr, Ahmed Dhia, a reçu un appel anonyme depuis le téléphone d'un collègue mort, la mettant au défi de récupérer le corps "si vous êtes des hommes".

Debout près de la tombe de Dhia, un voisin en larmes, Ahmed Hussein, dit avoir reçu des appels téléphoniques du jeune policier, blessé au combat, avant qu'il ne soit abattu. Son corps a finalement été récupéré, le visage brûlé à l'acide.

Après le lavage, le corps est transporté dans un cercueil sur les épaules des parents et amis autour du mausolée de l'imam Ali, cousin et gendre du prophète Mahomet, et importante figure du chiisme.

Tandis que des haut-parleurs diffusent des textes religieux, le corps est porté autour du dôme doré du sanctuaire avant d'être enterré dans le cimetière.

Les tombeaux s'étendent à perte de vue, décorés de guirlandes de fleurs en plastique et de photos de jeunes hommes. Sur la tombe de Dhia, perdue au milieu des autres stèles, flotte un drapeau irakien.

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