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Japon: le gouvernement décidé à réinterpréter la Constitution, malgré l'opposition populaire

Japon: le gouvernement décidé à réinterpréter la Constitution, malgré l'opposition populaire

La tentative de suicide par le feu d'un Japonais dimanche et des manifestations prévues lundi viennent rappeler l'opposition d'une bonne partie de l'opinion nippone aux projets gouvernementaux de "réinterpréter" la Constitution pacifiste du pays.

Assis en tailleur sur une poutrelle métallique au dessus d'une passerelle piétonnière près de la gare de Shinjuku, un quartier très fréquenté de Tokyo, un homme en costume cravate d'une soixantaine d'années a tenté dimanche de s'immoler par le feu après avoir harangué la foule pendant une heure pour exprimer son opposition à la réforme de la Constitution pacifiste du pays.

Lundi matin, le porte-parole du gouvernement, Yoshihide Suga, s'est abstenu de tout commentaire sur ce fait divers amplement relayé sur les réseaux sociaux, et a bien confirmé que le gouvernement entendait aller de l'avant mardi et donner son feu vert à la nouvelle doctrine du pays: le droit à l'"auto-défense collective".

Cette évolution impulsée par le nationaliste Premier ministre Shinzo Abe et approuvée par Washington constitue un tournant majeur dans l'histoire du pays depuis la fin de la dernière guerre, car derrière ce concept plutôt barbare se cache le droit pour l'armée de participer à des opérations militaires extérieures afin d'aider des alliés, au premier rang desquels les Etats-Unis.

Se fondant sur un épais rapport d'un panel d'experts qu'il a lui-même nommés, Shinzo Abe veut ainsi imprimer sa volonté de voir l'armée japonaise jouer un plus grand rôle extérieur et de ne plus être cantonnée à l'auto-défense.

"Nous sommes au stade final" des discussions entre les partis de la coalition au pouvoir, a affirmé lundi M. Suga, une allusion au fait que, si la mutation ne fait aucun doute pour la formation de M. Abe, le Parti Libéral-Démocrate (PLD), son allié du Nouveau Komeito est plus réticent à l'idée de changer le sens de la Constitution.

Le gouvernement devrait selon toute probabilité approuver le projet mardi, jour symbolique qui marque le 60e anniversaire de la création des "Forces d'Auto-défense", le nom officiel de l'armée nippone.

Après avoir capitulé le 15 août 1945, le Japon s'est vu imposer en 1947 par le vainqueur américain une Constitution, jamais amendée depuis et dont l'article 9 consacre la renonciation "à jamais" à la guerre.

Tous les derniers sondages montrent d'ailleurs que plus de la moitié des Japonais demeurent fermement attachés à cette Charte pacifiste et se disent opposés à la participation de soldats nippons à toute action militaire extérieure.

En fin de journée, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées devant les bureaux du Premier ministre pour protester contre sa politique de défense, aux cris de "pas de guerre!" ou encore "stoppez les fascistes". Certains manifestants brandissaient des portraits de Shinzo Abe affublé d'une moustache à la Hitler.

"L'opinion publique peut changer", déclarait toutefois lundi à l'AFP un haut fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères quelques heures avant la manifestation.

Face à cette opposition et surtout en raison de la complexité légale pour réformer la Constitution, Shinzo Abe a finalement préféré "réinterpréter" cette dernière, pour éviter un possible revers et convaincre son petit allié du Komeito de ne pas faire barrage à ses projets.

Car la Charte elle-même comporte en effet plusieurs garde-fous: son article 96 précise que les amendements doivent être introduits à l'initiative de la Diète (le parlement bicaméral) par vote des deux tiers au moins des membres de chaque chambre. Les amendements doivent ensuite être approuvés par référendum avec une majorité des suffrages.

Dans son combat pour amender la loi fondamentale et tourner définitivement la page de la guerre, de la défaite et de la repentance, Shinzo Abe a notamment mis constamment en avant la dégradation de l'environnement sécuritaire du Japon, une allusion claire aux ambitions régionales grandissantes de la Chine, dont l'augmentation du budget militaire est chaque année à deux chiffres.

Pékin, qui entretient un conflit territorial avec le Japon en mer de Chine orientale, dénonce régulièrement la politique de Tokyo que la Chine qualifie souvent de "dérive militariste", malgré les assurances réitérées de M. Abe et de son gouvernement que le Japon est "amoureux de la paix".

kh-jlh/kap/ml

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