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A Guérande, les paludiers à l'assaut du XXIe siècle

A Guérande, les paludiers à l'assaut du XXIe siècle

Récolte traditionnelle du sel avec outils en carbone, transmission d'un savoir millénaire et véritable "école" de paludiers: à Guérande, dans l'ouest de la France, les paludiers rassemblés dans une coopérative innovante se sont lancés à l'assaut du XXIe siècle.

A l'aube d'un belle journée de fin juin alors que débute la "récolte" du sel de Guérande, Guillaume Baholet, 28 ans, ratisse patiemment l'eau salée avec son "las", outil à long manche terminé par une palette, pour rassembler en un tas le gros sel gris qui a cristallisé dans la nuit. Ce faisant, il édifie une petite butte blanche sur le bord d'un des oeillets - rectangle rempli d'eau salée délimité par de petites digues d'argiles - de sa saline.

Entouré d'oiseaux des marais peu farouches, il reproduit un geste millénaire né des premières "salines" de cette région, construites en l'an 1000 par les moines bénédictins.

Mais si le geste, qu'il a appris auprès de son père et de son grand-père paludiers puis à "l'École" des paludiers, est ancien, l'outil, lui, ne l'est plus. Son long manche est en fibre de carbone, très léger: seule la palette qui le termine est restée en bois de hêtre, résistant à l'eau.

Et quand, vers 17 heures, il reviendra "cueillir" la fleur de sel, un sel blanc pur cristallisé par la chaleur qui flotte à la surface de l'eau, il le fera à l'aide d'une "lousse", petit panier rectangulaire percé d'une multitude de trous pour laisser s'écouler l'eau, en matériau composite transparent.

Ce renouvellement technique est à l'image de la renaissance des salines de Guérande.

Vouée comme ailleurs en France à une disparition lente avec l'avènement au début du XXe siècle de systèmes de conservation réfrigérés qui remplacèrent la salaison, la récolte artisanale du sel dans des marais aménagés fut sauvée in extremis dans les années 70 par des paludiers du cru et des idéalistes qui refusaient de voir ce lieu transformé en marina touristique.

Alliés, ils firent échec au projet immobilier puis relancèrent la production de sel, qu'ils vendirent d'abord à des négociants, avant de prendre leur indépendance en 1997 en lançant leur propre service de commercialisation et de marketing.

Et la petite coopérative agricole, qui réinvestit une bonne partie de ses bénéfices dans les outils de production et de commercialisation, est devenue en moins de vingt ans une entreprise dynamique. Le conditionnement du sel à la chaîne, le contrôle des produits à la cellule optique, les robots de manutention, n'ont rien à envier aux géants industriels.

La coopérative des Salines de Guérande fait vivre aujourd'hui quelque 300 personnes. Le chiffre d'affaires est passé de 12 millions d'euros en 2003, avec seulement 2% à l'export, à 18,9 millions d'euros en 2013, avec 17% à l'export, notamment au Japon, aux États-Unis et en Europe.

Ce faisant, elle est devenue le troisième producteur français de sel de table, concurrençant de près en tonnage, dans ce segment de marché, les géants du sel industriel que sont Les Salins du midi et Cérébos, qui produisent majoritairement pour l'industrie chimique.

A l'origine de ce décollage, la fleur de sel, beaucoup plus chère, a quitté la table des modestes paludières d'autrefois pour rejoindre celle des grands chefs cuisiniers qui en ont fait un produit gastronomique.

Elle représente aujourd'hui jusqu'à un tiers du chiffre d'affaires pour seulement 5% du tonnage récolté.

"Malheureusement, l'appellation +fleur de sel+ n'a pas été déposée lorsque son usage a été relancé dans les années 90, mais seuls les marais salants comme Guérande, Noirmoutier ou Ré, divisés en salines et en oeillets, la ramassent véritablement à la main", souligne Ronan Loison, directeur général des Salines de Guérande.

Seul inconvénient de ce métier dont la récolte a lieu sept jours sur sept pendant toute la saison chaude: "les vacances d'été, il faut oublier", reconnaît Guillaume Baholet en souriant.

axt/bar/alc

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