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En Malaisie, un journal catholique perd le droit d'utiliser le mot "Allah"

En Malaisie, un journal catholique perd le droit d'utiliser le mot "Allah"

La plus haute juridiction de Malaisie a rejeté lundi un recours d'un journal catholique qui réclamait depuis des années le droit d'utiliser dans ce pays à majorité musulmane le mot "Allah", mettant un terme à de longues procédures à l'origine de tensions religieuses.

Dans un arrêt très attendu par les communautés chrétiennes et musulmanes du petit Etat d'Asie du Sud-Est, la Haute Cour de justice a écarté la demande déposée par l'édition en langue malaise du journal The Herald, sur fond de critiques de minorités religieuses dénonçant une montée de l'islamisation en Malaisie.

La publication réclamait la levée de l'interdiction d'utiliser le mot "Allah" ("Dieu", en arabe) dans ses colonnes, arguant que celle-ci était anticonstitutionnelle. Elle a fait valoir que ce terme était employé depuis des siècles par les chrétiens de Malaisie, une minorité religieuse de 2,6 millions de personnes dans ce pays de 28 millions d'âmes.

Mais la Haute Cour basée à Putrajaya, capitale administrative du pays, a confirmé la décision d'une cour d'appel qui s'était prononcée fin 2013 pour l'interdiction instaurée par les autorités.

"Elle (la cour d'apel) a appliqué les critères juridiques adéquats, et il n'est pas de notre ressort de nous ingérer" dans ces affaires, a déclaré le chef de la Haute Cour de justice, Arifin Zakaria.

La décision de la Haute Cour a néanmoins fait l'objet d'une discussions entre les sept hauts magistrats qui n'étaient pas d'accord: "Par une majorité de quatre contre trois, la requête est rejetée", a précisé M. Zakaria.

Toutefois, un porte-parole du gouvernement a précisé après l'annonce de la Haute Cour que la décision concernait uniquement la publication au centre de la controverse: "l'arrêt s'applique seulement à l'utilisation par le journal The Herald du mot 'Allah'. Les chrétiens malaisiens peuvent continuer d'utiliser le mot 'Allah' à l'église", a-t-il dit.

Ainsi, "la communauté chrétienne a toujours le droit d'utiliser le mot 'Allah' dans ses Bibles, offices religieux et rassemblements de chrétiens", s'est réjoui le président de la Fédération des chrétiens de Malaisie, Eu Hong Seng.

Mais des avocats de l'Eglise catholique locale ont indiqué qu'ils allaient explorer les voies de recours pour contester l'interdiction, redoutant que cette décision ne soit utilisée pour restreindre la liberté de culte dans d'autres domaines.

A l'extérieur de la Haute Cour, une centaine de musulmans ont acclamé la décision après avoir crié un peu plus tôt "Allahou Akbar" ("Dieu est grand") et agité des banderoles "S'unir pour défendre le nom d'Allah".

"Nous devons défendre +Allah+ car c'est notre obligation religieuse. J'espère que d'autres communautés, incluant les chrétiens, comprennent cela", a déclaré à l'AFP Ibrahim Ali, chef du groupe de défense des droits des musulmans Perkasa.

Le conflit avait éclaté en 2007 avec une directive du ministère de l'Intérieur révoquant l'autorisation du Herald d'utiliser le mot "Allah" dans son édition en malais, au motif que cela pourrait troubler les musulmans et les inciter à se convertir -- un crime en Malaisie.

Le journal catholique avait alors saisi un tribunal et obtenu gain de cause en 2009, jugement qui a enflammé les tensions par la suite. Une série d'attaques ont été commises contre des lieux de culte, pour l'essentiel des églises visées par des cocktails molotov, des jets de pierres et de peinture, faisant craindre un conflit multiconfessionnel.

Sur le terrain juridique, la bataille s'est poursuivie et l'interdiction controversée a été réinstaurée en 2013.

La Malaisie a évité les conflits religieux au cours des dernières décennies, mais des minorités se plaignent de plus de la restriction de leurs droits, considérée par certains comme une islamisation du pays.

Le Premier ministre Najib Razak, qui a pris ses fonctions en 2009, est revenu sur sa rhétorique initiale de réformes et de conciliation, afin de satisfaire les partisans de la ligne dure de son mouvement, l'Organisation pour l'unité nationale de la Malaisie (UMNO), virtuellement au pouvoir depuis l'indépendance du pays en 1957.

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