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Le retour, les mains vides, des Cambodgiens de Thaïlande

Le retour, les mains vides, des Cambodgiens de Thaïlande

Craignant d'être arrêtée, Chea Sokla a quitté la Thaïlande, comme plus de 220.000 travailleurs cambodgiens, pour affronter un avenir incertain, de retour dans un des pays les plus pauvres du monde.

Ce sont des rumeurs de meurtres d'immigrés cambodgiens lors de raids qu'aurait orchestré la nouvelle junte militaire qui ont poussé Chea Sokla à rentrer avec son mari et leur fille de sept ans.

"Nous arrivons les mains vides. Nous n'avons même pas une rizière", se lamente cette femme de 35 ans, partie en Thaïlande il y a sept ans dans l'espoir d'une vie meilleure.

Les experts redoutent les conséquences de ce retour massif sur l'économie du Cambodge, un des pays les plus pauvres du monde, avec 20% de la population vivant avec moins de 1,25 dollar par jour.

"Cette compulsion d'émigrer, de trouver du travail, d'améliorer les choses pour soi et sa famille est parfois bien plus forte que les risques encourus. Alors ils pourraient finir par retourner vers une situation qui leur fait peur, en payant à nouveau des intermédiaires pour trouver des emplois mal payés en Thaïlande", prévient Joe Lowry, porte-parole de l'Organisation internationale pour les migrations.

Comme de nombreux migrants, Sokla et Chamnan vivaient dans des conditions précaires en Thaïlande.

"Nous devions souvent nous cacher de la police thaïlandaise", se souvient Phan Chamnan, 29 ans, qui avait quitté il y a sept ans son emploi de gardien de nuit dans un hôtel au Cambodge.

Avec sa femme, Chamnan a souvent déménagé au gré des chantiers où ils trouvaient à s'employer.

Ils vivaient jusqu'à cette semaine dans une maison de tôle et de bois à Bangkok, dans la crainte des descentes de police.

"C'était très difficile. Nous devions surveiller l'arrivée éventuelle de la police tout en travaillant", dit-il.

"Si nous étions pris, nous devions payer beaucoup d'argent", explique-t-il, affirmant avoir régulièrement payé 500 bahts (un peu plus de 11 euros) à la police locale pour échapper à l'expulsion.

Il raconte avoir parfois dû s'enfuir dans la forêt la plus proche pour échapper à des policiers, notoirement corrompus en Thaïlande, motivés par les bakchichs.

"Parfois, je devais me cacher dans la jungle pour échapper à la police. Il y a trois ans, je suis resté caché deux jours dans la forêt pour échapper à la police", dit-il, "soulagé" à ce souvenir d'être de retour dans son village.

Il y a deux ans, leurs ennuis ont commencé quand Chamnan a sauté dans un étang pour échapper à une descente de police. Il en reste quasiment sourd d'une oreille, après une infection contractée dans l'eau sale.

En Thaïlande, sans couverture médicale, le couple consacrait une grande partie de ses gains aux médicaments achetés à la pharmacie, faute de pouvoir se payer une consultation à l'hôpital.

Passée la joie de retrouver leurs proches au village, le couple s'interroge sur son avenir, dans cette région qui est l'une des plus déshéritées du Cambodge.

Ils vont habiter dans la petite maison en bois des parents de Chamnan, qui survivent grâce à l'argent que leur versent leurs sept enfants.

Malgré sa maladie, Chamnan continuait à envoyer 8.000 bahts (180 euros) chaque mois, une somme importante au Cambodge, parmi les pays les plus pauvres au monde.

Deux de ses frères et soeurs sont restés en Thaïlande, ayant des papiers en règle.

Il a retrouvé les quatre autres restés au village, qui vendent poissons et légumes sur le marché local.

Le couple n'a réussi à revenir qu'avec 2.000 bahts (45 euros) d'économie pour redémarrer à zéro.

"Je vais essayer de chercher du travail dans ma patrie, je ne retournerai plus en Thaïlande", affirme Chamnan.

suy-pj-dth/abd/pt

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