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Août 1914:l'Europe se mobilise pour une une guerre courte

Août 1914:l'Europe se mobilise pour une une guerre courte

A l'été 1914, les sociétés européennes basculent en quelques jours dans la guerre avec une étonnante facilité, d'autant plus aisément que les deux camps partagent la certitude tragiquement erronée que le conflit sera de courte durée.

Le 1er août 1914, la mobilisation générale est décrétée presque à la même heure en France et en Allemagne. Le 3 août,l'Allemagne déclare la guerre à la France et envahit la Belgique.

En quelques jours, des millions de civils qui n'avaient rien vu venir vont être revêtus d'un uniforme et projetés aux frontières.

Les états-majors français et allemand, qui peaufinent depuis des années des stratégies militaires offensives, pensent et répètent unanimement que la guerre sera forcément courte parce que trop violente et coûteuse en hommes et en matériels pour être supportée durablement. Preuve en est que lorsque les hostilités se déclenchent les réserves de munitions ne sont prévues que pour quelques semaines de combat.

Les populations croient à ces pronostics. En France, la plupart des conscrits pensent qu'ils seront de retour pour les vendanges, les plus pessimistes se voyant de retour à Noël....

Dans les campagnes, plus occupées à faire les moissons qu'à suivre les soubresauts de la crise internationale créée par l'attentat de Sarajevo, l'ordre de mobilisation provoque une surprise souvent totale.

Contrairement à une croyance établie après la guerre, note l'historien Jean-Jacques Becker, les manifestations d'enthousiasme sont rares. Mais, au moment du départ, les comportements sont sensiblement différents, les populations des deux camps ayant le sentiment de se défendre contre une agression.

"Comment s'extraire d'un mouvement collectif aussi massif?", remarque l'historien français Frédéric Rousseau, de l'Université de Montpellier. "Chacun se voit irrémédiablement saisi et convoqué au son du tambour ou du tocsin devant les siens, encadré par les autorités - gendarmes, instituteurs, curés... Tout homme est enjoint de remplir son +devoir+".

En France, le taux d'insoumission en août 1914 sera 5 fois inférieur à celui prévu par les autorités militaires. Et encore correspond-il souvent, observe l'historien Emmanuel Saint Fuscien, à des erreurs administratives ou à des changements d'adresses.

Quels sont les ressorts d'une telle mobilisation? Du côté français, selon Jean-Jacques Becker, l'idée d'une reconquête de l'Alsace-Lorraine et d'une revanche sur l'Allemagne tient peu de place. "Bien plus déterminante, souligne-t-il, il y a l'idée qu'une France pacifique est agressée et qu'elle doit se défendre".

En Allemagne, c'est la menace russe agitée par les dirigeants qui déclenche un grand élan national.

Dès lors, les refus sont rares. Même les socialistes et les syndicalistes européens traditionnellement pacifistes, qui quelques jours plus tôt espéraient encore pouvoir mobiliser les populations contre la guerre, se rallient partout en quelques heures à l'élan patriotique de la défense nationale.

"Les hommes pour la plupart n'étaient pas gais: ils étaient résolus, ce qui vaut mieux", dira l'historien Marc Bloch.

Cette mobilisation rapide et générale des corps et des esprits se produit chez tous les belligérants, sauf dans l'immense Russie où les choses seront beaucoup plus compliquées.

Au Royaume-Uni, pays où la conscription obligatoire n'existe pas, l'idée de participer à un conflit européen est étrangère à une grande partie de la population. Mais l'invasion brutale de la Belgique neutre par les troupes allemandes le 3 août va choquer les esprits et provoquer un véritable retournement de l'opinion publique, qui se traduira par l'engagement d'un flot de volontaires.

Des deux côtés, les intellectuels ne sont pas en reste. Si l'écrivain français Romain Rolland, avec une lucidité terrible, écrit le 3-4 août dans le Journal de Genève: "il est horrible de vivre au milieu de cette humanité démente et d'assister, impuissant, à la faillite de la civilisation", le philosophe Henri Bergson affirme quelques jours plus tard que la France est engagée dans une lutte "de la civilisation contre la barbarie" allemande. 93 intellectuels allemands répliqueront un peu plus tard avec le même argument, pour défendre la position de leur pays dans un appel au "monde civilisé".

aml/lma/phv

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