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Attentats au Kenya: premières arrestations sur fond de tensions politiques

Attentats au Kenya: premières arrestations sur fond de tensions politiques

La police kényane a annoncé mercredi l'arrestation de plusieurs suspects après le double raid sanglant qui a horrifié le Kenya, alors que ces attaques, revendiquées par les islamistes somaliens shebab, exacerbent les tensions entre pouvoir et opposition.

Les raids nocturnes perpétrés dimanche et lundi à Mpeketoni, localité proche de l'archipel touristique de Lamu (sud-est), et dans un village voisin ont créé un choc. Avec un bilan d'une soixantaine de morts, il s'agit de l'attaque la plus grave depuis l'assaut par un commando shebab du centre commercial Westgate à Nairobi (67 morts en septembre 2013).

"Nous avons arrêté plusieurs suspects en lien avec l'incident de Mpeketoni", a annoncé le chef de la police David Kimaiyo. Il a cité notamment "le propriétaire et conducteur de l'un des véhicules utilisés par les assaillants", de présumés "responsables" des violences et un homme soupçonné d'intervenir sur les réseaux sociaux via de faux comptes shebab.

Bien que les islamistes somaliens, liés à Al-Qaïda, aient une nouvelle fois assumé mercredi sans détour les dernières attaques, le président kényan Uhuru Kenyatta a nié leur implication et accusé des "réseaux politiques locaux" liés à "des gangs criminels".

Ces accusations ont été accueillies avec scepticisme, mais le fait que le chef de l'Etat ait qualifié mardi les attaques de "violences ethniques aux motivations politiques" a réveillé les pires craintes.

Le pays s'oriente "vers une situation politique dangereuse qui pourrait facilement déboucher sur des violences si elle n'est pas bien gérée", a alerté le quotidien Daily Nation.

Même si le président Kenyatta s'est gardé de désigner nommément qui que ce soit, pour les observateurs il visait son grand rival, le chef de l'opposition Raila Odinga, qu'il avait battu à la présidentielle de 2013.

Raila Odinga a jugé bon de réagir. Rejetant les accusations "malheureuses et injustifiées" de son adversaire, il a affirmé mercredi que pour son parti "la violence n'est pas un moyen pour atteindre des objectifs politiques légitimes".

Mais les shebab se sont rappelés avec force au souvenir des dirigeants kényans.

Un porte-parole des insurgés, Abdulaziz Abu Musab, a déclaré que le double attentat avait été "ordonné par le haut commandement des moujahidines (shebab) en représailles aux tueries de musulmans en Somalie et au Kenya" par l'armée kényane.

Il a appelé à un soulèvement des musulmans au Kenya, pays majoritairement chrétien: "Utilisez des armes à feu, des couteaux, toutes les armes que vous pourrez trouver".

Sur le front politique intérieur, la tension ne semble pas non plus près de baisser: le chef de l'opposition a annoncé mercredi que son programme de manifestations contre le gouvernement était inchangé. Un grand rassemblement est fixé au 7 juillet.

Or, partisans du pouvoir et de l'opposition sont déjà à couteaux tirés, notamment sur les réseaux sociaux, alors que fidélités politiques et appartenances ethniques sont étroitement liées.

La situation est d'autant plus délicate que les Kényans gardent en mémoire les suites de la présidentielle de 2007. Le scrutin avait débouché sur des violences interethniques qui avaient fait plus de 1.200 morts et qui valent au président Kenyatta et à son vice-président William Ruto d'être accusés de crimes contre l'humanité par la Cour pénale internationale (CPI).

Flairant le danger, les chefs religieux musulmans donnent de la voix.

La situation actuelle réunit les ingrédients pour "des violences religieuses et ethniques qui pourraient être une répétition des tragiques événements de 2007", a averti cheikh Mohammad Khalifa, du Conseil des imams et prédicateurs.

Depuis mars, les shebab ont intensifié leurs attaques au Kenya, dont l'armée les combat dans la Somalie voisine au sein de la force africaine Amisom.

Les déclarations du président Kenyatta ont créé une surprise d'autant plus grande que des survivants des derniers attentats ont raconté que les assaillants se revendiquaient shebab, brandissaient leur drapeau noir, parlaient somali et exécutaient exclusivement des hommes de confession chrétienne.

De l'avis général, la menace se situe en tout cas aussi sur le sol kényan: des cellules islamistes locales sont actives ou prêtes à agir encore.

Par ailleurs, un groupe séparatiste, le Conseil républicain de Mombasa (la grande ville côtière), opère dans la région touchée par les dernières attaques. Mais ce mouvement a par le passé réfuté tout lien avec les extrémistes musulmans.

pjm-tmo/de

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