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Commission Charbonneau: Marc-Yvan Côté admet la réalité du financement sectoriel

Commission Charbonneau: Marc-Yvan Côté reconnaît l'existence du financement sectoriel
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S'il a promis de ne pas être « hypocrite », l'ancien ministre libéral Marc-Yvan Côté a cependant fait un usage prudent des mots devant la commission Charbonneau, mardi, après quelques déclarations fracassantes en début de témoignage.

L'ex-vice-président principal au développement des affaires de Roche a ainsi reconnu d'entrée de jeu que les partis politiques ont toujours sollicité les entreprises, les bureaux d'avocats et les firmes d'urbanistes et d'ingénieurs, sous couvert d'aller chercher des dons individuels, et que ces derniers pouvaient avoir donné dans l'espérance d'un retour.

« Le nier aujourd'hui c'est nier une évidence. Je ne suis pas devant la commission pour être hypocrite. » — Marc-Yvan Côté

« On appelait des individus, mais ces individus-là faisaient partie d'une entreprise », a-t-il nuancé, précisant qu'on estimait alors qu'ils étaient capables de « réseauter » au sein de leur entreprise afin de multiplier les contributions.

« Contribuer aux partis politiques, municipaux, provinciaux et fédéraux, c'était dans les mœurs à l'époque », a dit M. Côté, qui a souligné que la commission Charbonneau a bien démontré la réalité du financement sectoriel, déjà présent, a-t-il dit, sous Robert Bourassa.

« Ce n'est pas le problème d'un individu, d'une entreprise : c'est un problème de société. » — Marc-Yvan Côté

Des dons remboursés par Roche

Marc-Yvan Côté a reconnu que des employés qui ont contribué aux différents partis ont vu leurs contributions remboursées par Roche, ce qui est illégal.

« Ça a pu arriver et ça a dû arriver », a-t-il admis, expliquant que cela se faisait par le truchement de faux comptes de dépenses ». Il a aussi reconnu qu'après 2005, certains ont été remboursés grâce à des bonis obtenus.

Entre 1998 et 2011, les employés de Roche ont ainsi donné 404 000 $ au PLQ et 309 000 $ au PQ. Lui-même a donné 37 000 $ entre 1996 et 2012, mais par conviction politique, a-t-il soutenu.

M. Côté a reconnu que chez Roche, il était avant tout impliqué dans le financement du PLQ, tandis que le président de Roche Mario Martel s'occupait du PQ.

Il a cependant précisé qu'il n'a jamais fait du financement sectoriel au bénéfice de la centrale du PLQ mais qu'il s'occupait plutôt de faire du sectoriel directement avec les circonscriptions de l'Est du Québec, son territoire de prédilection.

Il avait ainsi, dans ce cadre, des contact avec Marcel Leblanc, un responsable du financement du parti dans l'Est, ce qui a pu se traduire, de façon exceptionnelle, par du financement pour le tournoi de golf ou le cocktail annuel de Jean Charest, dont M. Leblanc avait la charge.

Il reconnaît sinon avoir participé à deux activités à Montréal, notamment au bénéfice de Philippe Couillard, alors qu'il était ministre.

Un extrait d'un plan de développement des relations d'affaires de 1994 de Roche, auquel M. Côté a participé, fait explicitement état de dons à des partis politiques, sinon d'invitation à de spectacles ou des activités sportives (pêche, golf), comme pratiques favorisées.

Mais selon l'ex-vice-président principal au développement des affaires, ce plan d'affaires est resté lettre morte... puisqu'il a été jugé plus judicieux de laisser ces tâches, pour l'essentiel, aux différentes unités d'affaire de Roche.

« J'étais capable d'avoir une information »

Marc-Yvan Côté a été beaucoup plus prudent dans ses propos lorsqu'il a eu à expliquer ce qu'une firme comme Roche recherchait exactement en donnant aux partis politiques.

Il a soutenu que Roche ne donnait pas pour avoir un mandat professionnel, mais pour être « entendue » sur des questions « d'orientations globales ».

M. Côté a insisté sur le fait que ses « états de services » au Parti libéral faisaient en sorte qu'il n'avait pas besoin de contribuer pour avoir de l'information lorsque ce dernier était au pouvoir.

« Il est évident que si j'avais besoin d'information, j'étais capable d'avoir une information », a-t-il dit, convenant qu'il pouvait passer par son ancien chef de cabinet Bruno Lortie, alors qu'il était chef de cabinet de la ministre des Affaires municipales Nathalie Normandeau au milieu des années 2000.

Il a cependant refusé de qualifier cette information de « privilégiée ». « Toute information publique n'est pas toujours sur Internet », a-t-il lâché.

Marc-Yvan Côté a par ailleurs nié avoir jamais tenté directement ou non d'influencer une municipalité cliente de Roche sur un processus d'appel d'offres.

Il a expliqué qu'à sa connaissance, seul Gilles Cloutier, qui a déjà témoigné de cela devant la commission, avait agi en ce sens.

Il a cependant admis qu'il approuvait la fausse facturation que cet ex-vice-président au développement des affaires faisait pour dégager de l'argent qui a servi, en partie, à rembourser des prête-noms chez Roche en comptant.

« J'ai le Parti libéral dans mes veines et dans mon sang »

Marc-Yvan Côté a expliqué devant la commission avoir commencé son implication avec les libéraux sous Jean Lesage. Il sera par la suite député, puis, ministre des Transports (1985-1989) et de la Santé (1990-1994) sous Robert Bourassa.

Il a expliqué avoir été approché par le directeur général de Roche, son ami Gaston Turcotte, en décembre 1993 pour devenir actionnaire et vice-président principal au développement des affaires, soit prendre en charge l'approche et la recherche des clients.

M. Côté, qui est entré en fonction dès février 1994 à Québec, soit quelques semaines après son départ de la politique, estime avoir été choisi à la fois en raison de son réseau de contacts bâti au fil des ans, mais aussi à sa capacité, démontrée par son passage en politique, « de prendre des dossiers et de les livrer ». Il sera simple consultant à partir de 2005, et jusqu'à 2011.

Un homme influent au service de Roche

M. Côté sera probablement interrogé mercredi sur les entrées qu'il avait au cabinet de l'ex-ministre libérale des Affaires municipales Nathalie Normandeau, dont ont parlé plusieurs témoins.

Marc-Yvan Côté, ont-ils dit, était un proche du chef de cabinet de Mme Normandeau, Bruno Lortie. Ce dernier avait aussi été son chef de cabinet dans le passé.

M. Coté est déjà dans la ligne de mire de l'UPAC dans le cadre de l'enquête Joug. Sa résidence a fait l'objet d'une perquisition par l'UPAC le 27 février dernier. Dans le mandat de perquisition ayant servi à mener l'opération, un témoin a déclaré aux policiers que « dans l'est du Québec, la firme Roche obtenait 50 % des contrats avec de l'influence politique, tandis que dans l'ouest, le pourcentage était de l'ordre de 80 % à 90 %. »

Un autre témoin y décrit Marc-Yvan Côté comme « la grande porte » pour ces opérations d'influence politique. « Lorsque Marc-Yvan Côté prenait un dossier en main, il pouvait le faire avancer et le faire débloquer au niveau des fonctionnaires. »

Le mandat de perquisition souligne aussi qu'il est soupçonné d'avoir trempé dans du financement illégal.

La filière Lortie

Un ex-vice-président principal de Roche, André Côté, a effectivement déclaré à la commission le mois dernier que Marc-Yvan Côté pouvait appeler Bruno Lortie pour faire débloquer des dossiers qui n'avançaient pas. « Ça arrivait effectivement que dans un projet donné on se servait de M. Côté, de par son lien avec M. Lortie, pour tenter d'obtenir une rencontre pour un besoin pour un client », avait-il dit.

Selon André Côté et France Michaud, autre ex-vice-présidente de Roche, Marc-Yvan Côté a aussi été directement impliqué dans l'organisation d'une activité annuelle de financement au profit de Nathalie Normandeau. « Ce n'est pas Roche, c'est Marc-Yvan [...] il se servait de personnes chez Roche » pour attirer des gens à cet événement, a dit Mme Michaud, qui a précisé y être elle-même allée de 2004 à 2008.

André Côté avait pour sa part révélé qu'il avait trouvé une dizaine de personnes disposées à verser 1000 $ pour assister à cette activité partisane, en leur faisant valoir qu'elle était organisée au profit de la ministre Normandeau et en évoquant qu'il serait pertinent de faire « un retour d'ascenseur » en cette période faste pour les travaux d'infrastructures.

Un ex-conseiller politique de Nathalie Normandeau, Vincent Lehouillier, a aussi indiqué que Marc-Yvan Côté avait déjà fait des représentations auprès de Bruno Lortie afin qu'une municipalité pour laquelle travaillait Roche obtienne une aide majorée de la ministre Normandeau pour un projet d'infrastructures.

« Je pense que la firme Roche avait ses entrées particulières auprès de M. Lortie », a-t-il confirmé. M. Lortie, dit-il, avait « une plus grande connaissance des dossiers de Roche. »

Marc-Yvan Côté, ex-vedette à la commission Gomery

Marc-Yvan Côté a démissionné de son poste de député et de ministre de la Santé et des Services sociaux le 11 janvier 1994. Moins d'un mois plus tard, le 3 février, il est devenu vice-président au développement des affaires chez Roche. Il y est resté jusqu'en 2005. Il a ensuite conservé des fonctions similaires, mais à titre de consultant.

Selon André Côté, ce changement de titre est survenu dans la foulée du témoignage de Marc-Yvan Côté devant la commission Gomery en 2005. L'ex-ministre libéral avait alors dévoilé au grand jour ses pratiques douteuses de financement pour le Parti libéral du Canada.

Bien qu'il ait été l'un des sept associés principaux de Roche à compter de 2005, il a dit ignorer quelle était la teneur du contrat qui le liait à la firme après 2005, assimilant le tout à un tabou. Il a soutenu que les liens de Marc-Yvan Côté avec Roche ont été rompus après la mise sur pied de l'escouade Marteau, en 2011.

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