Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Au nord de Kaboul, la libération des talibans de Guantanamo ne passe pas

Au nord de Kaboul, la libération des talibans de Guantanamo ne passe pas

En 1999, les talibans avaient semé destruction et mort dans la plaine de Shomali, au nord de Kaboul. Des souvenirs sanglants qui expliquent la colère des habitants après la libération par Washington de cinq de leurs commandants détenus à Guantanamo.

Washington a remis en liberté samedi dernier cinq cadres du régime taliban (1996-2001) emprisonnés à Guantanamo en échange de Bowe Bergdahl, seul prisonnier de guerre américain qui était lui détenu depuis cinq ans par les rebelles islamistes afghans.

Cet accord nourrit colère et ressentiment dans la Shomali, notamment dans le village de Deh Saqi, dévasté à la fin des années 1990 par des milices talibanes peut-être menées par le mollah Mohammad Fazl, l'un des cinq libérés.

"Pourquoi les Etats-Unis relâchent-ils les ennemis de la paix, les ennemis de l'Afghanistan?", s'emporte Mohammad Arif, qui avait à l'époque fui les exactions talibanes et gagné le Pakistan voisin avec 18 membres de sa famille. Il n'y est retourné qu'après la fin 2001, une fois les talibans chassés du pouvoir par l'invasion occidentale menée par les Etats-Unis.

"Les talibans ne savent que tuer, mutiler et piller. Ils ne connaissant que la destruction et la dévastation", déplore le paysan de 53 ans, toujours secoué plus de 12 ans après par l'offensive dévastatrice des talibans dans cette région où leurs ennemis de l'Alliance du Nord avaient des partisans.

A Deh Saqi, on se souvent de ces journées terribles où les villageois ont dû survivre des jours entiers en se nourrissant de seules mûres. Des dizaines de milliers de civils avaient alors fui les combats.

Arif ne se rappelle pas avoir vu telle sauvagerie, même pendant l'invasion soviétique de l'Afghanistan des années 1980. "C'était un massacre", glisse-t-il.

Selon des témoignages rassemblés par le Projet de recherche sur l'Afghanistan, une organisation indépendante de défense des droits de l'Homme, le mollah Fazl y aurait dirigé la destruction massive de maisons, vignes et vergers, ainsi que l'exécution de combattants ennemis qui s'étaient rendus.

Norullah Noori, un autre commandant taliban libéré avec Fazl, est lui soupçonné d'avoir participé au massacre de milliers de chiites en 1998 dans le nord du pays alors qu'il était gouverneur de la province de Balkh.

Pour Michael Kugelman, du centre d'études international Woodrow Wilson de Washington, les cinq talibans libérés sont "le pire du pire" de la rébellion et constituent toujours une "menace claire".

Si les intéressés n'ont pas fait de déclaration après leur remise en liberté, les entourage de deux d'entre eux, dont celui de Norullah Noori, ont déclaré qu'ils voulaient désormais travailler pour la paix.

Mais nombre d'habitants de la Shomali en doutent fortement, estimant que les talibans préféreront toujours le combat à la négociation.

Dans le cadre de l'échange de prisonnier, les cinq talibans libérés ne doivent pas quitter le territoire qatari pendant au moins un an.

Pour Omar Samad, un analyste de la New America Foundation, les gouvernements qatari et américain doivent les surveiller de près et s'assurer "qu'ils ne constituent plus une menace pour les Afghans ou d'autres".

Pour Syed Ahmed, un paysan et ancien combattant de l'Alliance du Nord, de 40 ans, rendu aveugle lors des combats de 1999 dans la Shomali, les talibans attendront le départ définitif des troupes américaines prévu à la fin 2016 pour repasser à l'offensive.

"Les Américains sont venus en Afghanistan pour débarrasser le pays des talibans", dit-il. "Mais les talibans résistent toujours après plus de 10 ans de guerre. Comment les Américains peuvent-ils partir alors que la mission n'est pas remplie ?"

ac/emd/abk

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.