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Tuerie de Bruxelles: l'Europe prise en défaut dans sa surveillance des jihadistes

Tuerie de Bruxelles: l'Europe prise en défaut dans sa surveillance des jihadistes

La police française poursuivait lundi l'interrogatoire de l'auteur présumé de la tuerie du Musée juif de Bruxelles, un Français revenu de Syrie dont le passage à l'acte a démontré la difficile surveillance des jihadistes européens.

Mehdi Nemmouche, 29 ans, un petit délinquant converti en prison à l'islamisme radical, garde le silence depuis son arrestation vendredi à Marseille (sud), selon une source proche du dossier.

Le jeune homme qui, selon son avocat, ne devrait pas s'opposer à son extradition vers la Belgique, est "extrêmement dangereux" et "il est probable qu'il aurait continué à agir", a jugé lundi le ministre français de l'Intérieur Bernard Cazeneuve.

Les enquêteurs cherchent à établir s'il a pu bénéficier de complicités et s'il planifiait d'autres crimes, et à comprendre comment il a pu échapper aux services de renseignement qui surveillent les centaines d'Européens rentrés comme lui de Syrie.

Comme 400 autres jihadistes français partis en Syrie ou qui en sont revenus, il faisait l'objet d'une "fiche S" (sûreté de l'Etat), ainsi repéré comme une personne à surveiller, mais les services de renseignement avaient perdu sa trace jusqu'à son interpellation.

Dimanche, les autorités françaises et belges ont dit vouloir renforcer la lutte contre les filières de recrutement.

"Nous devons resserrer les mailles du filet européen", a renchéri lundi le coordinateur de la politique antiterroriste de l'Union européenne Gilles de Kerchove dans un entretien au Monde.

La difficulté vient du fait que "nous affrontons des gens qui savent comment exploiter nos règles de libre circulation", a-t-il averti.

Le Congrès juif mondial a aussi estimé que les forces de sécurité européennes n'étaient pas encore capables de faire face au "mouvement général de radicalisme" qui se développe sur le continent européen à partir du vivier syrien.

Lundi, cinq hommes ont été arrêtés en région parisienne, dans le sud de la France et près de Bruxelles dans une enquête sur une filière d'envoi de jihadistes vers la Syrie mais, selon une source judiciaire, ce dossier n'est pas lié à la tuerie du Musée juif de Bruxelles.

La tuerie au Musée Juif de Bruxelles le 24 mai a fait trois morts, un couple d'Israéliens et une bénévole française. Une quatrième victime, un employé belge, très grièvement blessé, est toujours entre la vie et la mort.

Mehdi Nemmouche "est l'exemple-type de ce que l'on redoutait. Un homme lié à l'une des deux principales organisations armées à l'oeuvre en Syrie, agissant soit seul soit programmé sur place pour organiser un attentat à son retour", a relevé Gilles de Kerchove.

Une fois en Syrie, dans les zones tenues par la rébellion qui jouxtent la frontière turque, les apprentis jihadistes européens rejoignent majoritairement des groupes radicaux affiliés ou inspirés par Al-Qaïda, notamment le Front Al-Nosra ou l'État islamique en Irak et au Levant (EIIL).

Selon un expert de la Syrie, Jean-Pierre Filiu, cité par le quotidien Libération, le "jihadistan" qui a émergé aux confins de la Syrie et de l'Irak à la faveur de la guerre civile en Syrie "est beaucoup plus dangereux que ne l'était l'Afghanistan taliban", "du fait de sa proximité avec l'Europe" et de l'impossibilité de contrôler les va-et-vient par la Turquie.

Mehdi Nemmouche, originaire de Roubaix (nord de la France), a passé depuis la fin 2012 plus d'un an en Syrie, "où il semble avoir rejoint les rangs de groupes combattants" parmi les plus violents, comme l'EIIL, a expliqué dimanche le procureur de Paris François Molins.

Il était fiché par les services français, mais confronté à un nombre sans cesse croissant de personnes potentiellement menaçantes, l'antiterrorisme n'a pas les moyens de les placer toutes sous surveillance.

"La surveillance 24 heures sur 24 d'une seule personne, qui utilise souvent trois ou quatre numéros de téléphone différents, c'est trente policiers. Comment voulez-vous faire? Il faut dresser des listes de priorités", affirme une source policière.

Comme avant lui Mohammed Merah, le tueur de trois militaires et quatre juifs dans le sud de la France au printemps 2012 après être passé en Afghanistan, Mehdi Nemmouche présente le "profil du loup solitaire", a relevé Bernard Cazeneuve.

Selon un surveillant de la prison de Toulon où Nemmouche était détenu en 2012, le jeune homme qui refusait auparavant la télévision avait demandé un poste lors de l'affaire Merah. "Son comportement a un peu changé, il était un peu jubilatoire", a témoigné ce gardien David Mantion.

"On est dans le mimétisme terroriste", selon l'islamologue et universitaire Mathieu Guidère. "C'est clair que Merah a été un tournant. C'est un verrou psychologique qui a sauté: il n'y a pas un seul jihadiste français qui n'a pas Merah en tête lorsqu'il fait ce type d'action", ajoute-t-il.

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