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Ces rois et reines qui ont abdiqué

Ces rois et reines qui ont abdiqué
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C'est un signe que les temps changent. En début d'année, un sondage publié par El Pais révélait que 62% des Espagnols souhaitaient que Juan Carlos renonce au trône en raison des soupçons de corruption qui pesaient sur lui. Voilà qui est fait. Ce lundi 2 juin, le roi d'Espagne a abdiqué en faveur de son fils, le prince Felipe. En Grande-Bretagne aussi, de plus en plus de Britanniques envisagent l'idée que leur reine Elizabeth II, puisse abdiquer, mais pour des raisons de santé.

L'abdication n'est désormais plus tabou chez les rois. En 2013, le pape Benoit XVI, la reine Beatrix des Pays-Bas, et l'émir du Qatar Hamad ben Khalifa Al Thani, ont préféré partir "au bon moment" plutôt que d'assumer leurs fonctions jusqu'à la mort. Idem pour Albert II, roi des Belges, qui a abdiqué le 21 juillet 2013, jour de la fête nationale, au profit de son fils Philippe, 53 ans.

Si l'abdication fait figure de tradition aux Pays-Bas, la mère et la grand-mère de la reine Beatrix ayant abdiqué avant qu'elle-même ne le fasse en avril, elle est réellement exceptionnelle au Vatican, en Belgique et au Qatar.

"Il est préférable de se retirer au bon moment"

"Ces 15-20 dernières années, la monarchie a évolué: elle dépend de plus en plus de la popularité du souverain en place", a indiqué à l'AFP Willem Otterspeer, professeur d'histoire de l'université de Leiden, à l'ouest des Pays-Bas. "Dans ce contexte, il est préférable de se retirer au bon moment plutôt que de vouloir tenir jusqu'à la fin et de s'attirer une publicité négative". "On rentre désormais dans une logique de modernité: l'abdication est envisageable", souligne également le politologue belge Pascal Delwit, interrogé par la télévision belge RTL-TVI.

"Avec l'augmentation de l'espérance de vie et le contrôle exercé par le peuple sur leurs monarques, l'abdication est devenue une option viable", explique aussi au HuffPost Carolyn Harris, historienne canadienne spécialiste des monarchies européennes. Il s'agit même, selon elle, d'une tendance qui va s'affirmer dans les années à venir parmi les monarques d'Europe occidentale.

C'est à la fois par filiation naturelle et par la volonté de Dieu qu'un roi accède au trône. Abdiquer, c'est ainsi désavouer un peu plus le caractère divin de la royauté. "Avant, on accédait au trône par la grâce de Dieu, à présent grâce au peuple, et le roi Albert l’a rappelé", souligne l'historien Jacques Le Brun dans un entretien donné à Le Vif Info. Dimanche, il n'y aura d'ailleurs pas de couronnement en grande pompe pour célébrer le règne du septième roi des Belges. Ni abbaye ni onction comme au Royaume-Uni. Lors d'une courte cérémonie devant le Parlement, le roi Philippe prêtera serment, promettant de respecter la Constitution et de maintenir l'intégrité du territoire nationale belge.

L'opinion publique, nouvelle autorité divine des monarques ? C'est en somme ce qu'estime Carolyn Harris, qui rappelle que les scandales à répétition au sein de l'Église catholique ont pu hâter le départ du pape Benoît XVI. Si leurs lointains prédécesseurs répondaient à des commandements divins, les actuels monarques répondent désormais aux même impératifs que les autres "castes" de la sphère publique: cote de popularité, ennuis judiciaires, et affaires privées.

"C’est de l’humilité, peut-être aussi une forme d’orgueil"

En Belgique, les observateurs indiquent également que les déboires fiscaux de la reine Fabiola et la procédure de recherche en paternité lancée par la fille d'une baronne avec qui Albert a eu une longue liaison ont pu précipiter son abdication. Pour la reine Beatrix des Pays-Bas, la convalescence de son fils Friso, dans le coma depuis un accident de ski en février 2012, a aussi pu jouer un rôle dans sa décision.

Cette série d'abdications est peut-être aussi le signe d'une époque raisonnable, presque austère, où la raison prend le pas sur le sacré. Abdiquer, c'est envoyer un message pragmatique à ses sujets, et, peut-être, sauvegarder ce qu'il reste d'enthousiasme en leur sein. "Orgueil suprême ou parfaite humilité ?", s'interroge Jacques Le Brun.

"Cela peut-être parfois un signe d’abnégation ultime ou un geste d’amour envers son royaume. (…) C’est de l’humilité, peut-être aussi une forme d’orgueil dans le sens où il y a la conversion à une grandeur plus grande que celle qu’on quitte. (…) C’est une façon de se rendre maître du temps. Quitter le pouvoir (…), c’est vouloir maîtriser sa propre destinée", poursuit-il.

Qui sera le prochain ?

En Suède, la princesse héritière, très populaire, est âgée de 35 ans et succèdera à son père Carl Gustav XVI, sur le trône depuis 40 ans et dont le règne a également été marqué par une suite de scandales.

Les principales abdications de souverains dans le monde depuis 1936 :

Edouard VIII

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