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Calme précaire à Bangui où les chrétiens veulent désarmer les musulmans

Calme précaire à Bangui où les chrétiens veulent désarmer les musulmans

Un calme précaire régnait samedi soir à Bangui où les chrétiens réclament "le désarmement immédiat" du quartier PK-5, une enclave où vivent reclus les derniers musulmans de la capitale centrafricaine qui, craignant pour leur vie, refusent de désarmer.

Les voitures et les boutiques ouvertes étaient rares samedi à Bangui. Des restes fumants de barricades jonchent la plupart des axes, stigmates des violences qui déchirent la ville depuis l'attaque sanglante mercredi de l'église Fatima, au cours de laquelle 17 personnes ont été tuées.

Près du PK-5, dans le quartier chrétien de Miskine, une colonne de blindés et de tractopelles français, escortés par la force de l'Union africaine en Centrafrique (Misca), a dégagé samedi matin les restes des barricades sous les huées de la foule.

"Les musulmans sont là pour nous tuer, si vous voulez faire la paix, il faut désarmer le PK-5", expliquait Brice, en chemise blanche, à l'arrivée des Français. Dans d'autres quartiers de la ville, le mot d'ordre est partout le même, trois jours après le massacre de Fatima que tous les chrétiens attribuent à des groupes armés musulmans: "il faut désarmer le PK-5".

Au PK-5, dernière enclave musulmane de Bangui après le départ des musulmans du nord de la ville il y a un mois, ils ne sont plus que 1.000 à 2.000 à se terrer dans la peur des attaques, selon une source proche des forces internationales.

Convoyés par des soldats tchadiens de la Misca ou par leur propres moyens, l'immense majorité des musulmans du PK-5 a pris le chemin de l'exode, vers le nord et l'est du pays ou le Tchad, pour fuir les exactions des "anti-balaka", ces milices chrétiennes rivales de la Séléka, ex-rebelles en majorité musulmans dirigés par Michel Djotodia, au pouvoir de mars 2013 à janvier dernier.

Vendredi, dans un message à la radio centrafricaine, la présidente Catherine Samba-Panza s'est engagée à ce que le "désarmement tant demandé se fasse partout", en citant le PK-5.

Mais lors d'une marche réunissant 200 à 300 personnes, les musulmans de ce quartier ont dit leur refus d'être désarmés. "Non au désarmement des musulmans opprimés. Nous ne voulons pas être à la merci des anti-balaka", était-il écrit sur une grande pancarte.

Les musulmans accusent Catherine Samba-Panza d'être la "mère" des anti-balaka. "Ban Ki-moon (secrétaire général de l'ONU), nous voulons partir vers le Nord pour rejoindre nos frères musulmans", demandait une autre pancarte.

Dans le PK-5, beaucoup de "Non à la France" sont tagués sur les murs mais, signe de la confusion régnant à Bangui, certains habitants applaudissaient les patrouilles de soldats français samedi, tandis que d'autres leur faisaient signe de partir, a constaté l'AFP.

Cette hostilité se retrouve dans d'autres quartiers, majoritairement chrétiens, où des habitants criaient aux Français "Voleurs de diamants", dont la Centrafrique est l'un des principaux producteurs au monde.

Vendredi, trois personnes avaient été tuées et une dizaine blessées lors de manifestations qui ont rassemblé des milliers de Centrafricains, descendus dans la rue pour demander le désarmement des musulmans et le départ du contingent burundais de la Misca, qu'ils accusent d'avoir laissé commettre la tuerie de Fatima.

"Là, nous observons une trêve pour respecter la période de deuil, mais les manifestations repartiront dès lundi si les musulmans ne sont pas désarmés", menaçait samedi l'un des organisateurs des manifestations, Sergio Mescheba.

Depuis quelques semaines, Bangui semblait retrouver un début de normalité - du moins pendant la journée - mais le massacre de l'église Notre-Dame de Fatima a servi de détonateur.

Depuis, Médecins Sans Frontières a reçu 27 blessés à "l'hôpital communautaire" qu'il gère. "C'est beaucoup, on s'était habitué à en recevoir 70 par mois en moyenne", selon un responsable, rassuré de constater samedi soir que son équipe pouvait à nouveau travailler dans le calme.

Les militaires français et africains, massivement déployés dans la ville depuis le drame, ont été visés par des tirs.

La crise centrafricaine a pris un tour interconfessionnel en janvier, après le départ forcé du président Djotodia et de son mouvement, la Séléka.

Après la mise en déroute de la Séléka, les musulmans de Bangui, accusés de connivence avec la rébellion, ont été victimes de nombreuses exactions de la part des anti-balaka, conduisant la plupart d'entre eux au départ ou à l'exil.

sj/xbs/mba

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