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Pierre Soulages, l'homme qui, du noir, fait jaillir la lumière

Pierre Soulages, l'homme qui, du noir, fait jaillir la lumière

Du noir pur, il parvient à faire jaillir la lumière. A 94 ans, Pierre Soulages, figure majeure de la peinture abstraite française, dont le musée sera inauguré vendredi à Rodez dans le sud-ouest de la France, continue à explorer sans relâche les mystères de ce pigment.

"J'aime l'autorité du noir, sa gravité, son évidence, sa radicalité (...). Le noir a des possibilités insoupçonnées et, attentif à ce que j'ignore, je vais à leur rencontre", a expliqué l'artiste.

Grand, toujours vêtu de noir, Soulages n'a jamais coupé le lien avec son terroir natal, tout en peignant ailleurs. C'est un homme de fidélité, à lui-même, aux paysages de son enfance, aux grands plateaux, à sa quête artistique de la lumière.

Depuis plus de sept décennies, l'artiste trace inlassablement son sillon, s'attirant la reconnaissance à la fois des institutions culturelles et du marché de l'art.

En 2013, les ventes aux enchères de ses oeuvres dans le monde ont totalisé 18,24 millions d'euros (hors taxes), ce qui en fait l'artiste français vivant le plus coté, selon Artprice, spécialiste des données sur le marché de l'art.

Soulages est né le 24 décembre 1919 à Rodez dans une maison modeste du début du XIXe siècle. Elle a été achetée récemment par la Communauté d'agglomération du Grand Rodez qui envisage d'en faire une annexe du musée.

A l'âge de cinq ans, Soulages perd son père, artisan carrossier. Il est élevé par sa mère qui tient un magasin d'articles de pêche et de chasse.

Très tôt, Soulages se plaît à tremper son pinceau dans l'encrier, dédaignant "les jolies couleurs d'aquarelle", a-t-il raconté. Il peint des arbres en hiver, des branches dénudées, des effets de neige.

En quatrième, lors d'une visite de classe à l'abbatiale Sainte-Foy de Conques, toute proche, l'adolescent a une révélation devant la beauté de cette église romane: il sera peintre.

Pierre Soulages est admis aux Beaux-Arts à Paris à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Mais il sèche les cours, préférant se former à Montpellier (sud) où il rencontre en 1941 Colette Llaurens, qu'il épouse un an plus tard, muni de faux papiers de viticulteur pour échapper au Service du Travail Obligatoire (STO), la réquisition de travailleurs français en Allemagne nazie.

Depuis, on les voit presque toujours ensemble. Silhouette menue, Colette, vive et attentive, veille sur son grand homme.

Dès 1947, le jeune peintre, qui s'est installé à Paris, est remarqué par Francis Picabia qui l'encourage, ainsi que Fernand Léger. La peinture abstraite a alors la cote. Mais elle est rouge, jaune, bleue. Soulages, lui, choisit de travailler avec de l'humble brou de noix, utilisé pour teinter le bois et des brosses de peintre en bâtiment.

Dans les années 1950, ses toiles entrent dans les plus prestigieux musées du monde comme le Musée Guggenheim de New York ou la Tate Gallery de Londres.

Il est le premier artiste vivant invité à exposer au musée de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg.

Les grandes toiles des années 1950 à 1970 témoignent du travail du peintre sur le clair-obscur. Le noir s'affirme dans un rapport à d'autres couleurs comme le rouge ou le bleu, notamment grâce à la technique du raclage.

En 1959, Soulages se fait construire une maison-atelier sur les hauteurs de Sète (sud), face à la Méditerranée. Il a également deux ateliers à Paris.

L'artiste n'apprécie pas le chevalet. Il préfère peindre à plat ses grandes oeuvres.

En 1979, il bascule dans "l'outrenoir": alors qu'il peine sur une oeuvre entièrement recouverte d'un noir épais, Soulages réalise qu'il vient de franchir un cap en striant l'oeuvre. "J'étais au delà du noir, dans un autre champ mental", a-il raconté.

"Le pot avec lequel je peins est noir. Mais c'est la lumière, diffusée par reflets, qui importe", a expliqué le peintre.

En 1986, l'Etat lui passe commande de plus de 100 vitraux pour l'abbatiale de Conques. Ils sont inaugurés en 1994.

La renommée du peintre ne cesse de s'étendre. Fin 2009, sa rétrospective au Centre Pompidou à Paris, attire un demi-million de visiteurs.

Déjà très présent au musée Fabre de Montpellier, qui lui a consacré plusieurs salles, Soulages a désormais son musée à Rodez, riche d'oeuvres données par le peintre et son épouse. Mais Soulages ne veut surtout pas d'un "mausolée" et il a demandé que d'autres artistes y soient invités.

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