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Face aux ordures et à l'inaction des autorités, des Tunisiens s'organisent

Face aux ordures et à l'inaction des autorités, des Tunisiens s'organisent

Poubelles nauséabondes dans les rues, sacs plastiques dans les arbres, ramassage d'ordures aléatoire et dépôts anarchiques... Excédés par la saleté et l'inefficacité des autorités, des Tunisiens multiplient les initiatives dans les villes et sur la toile pour déblayer leurs quartiers.

Bilel Khelifi, président de l'association environnementale de Metlaoui, a lancé dès janvier dans cette ville du bassin minier tunisien des "actions de nettoyage entièrement bénévoles".

Afin de limiter les frais, le système D est roi: les volontaires, "des adhérents comme des habitants", ont commencé par couper des barils à mi-hauteur avant de les repeindre et d'installer enfin des poubelles publiques dans les rues.

A Redeyef, une ville voisine, c'est un jeune chômeur, Miloud Tabbabi, qui début avril est allé collecter de l'argent auprès de voisins afin de nettoyer le jardin public du quartier, défiguré par les immondices.

"Impressionnés", les habitants ont multiplié les campagnes de nettoyage "dans tous les quartiers de la ville", explique à l'AFP Moez Benjaballah, un habitant. "Tout le monde s'est mis au boulot", assure ce photographe.

"L'Etat est absent depuis la révolution", explique-t-il, les agents chargés du nettoyage de la ville "ne travaillent plus depuis le 14 janvier 2011", date de la fuite du président Zine El Abidine Ben Ali.

Les médias locaux et surtout les réseaux sociaux se sont fait l'écho de ces initiatives, alors que depuis des mois les autorités multiplient les promesses sans agir.

Bien décidé à faire honte au pouvoir, Cheker Besbes, un jeune journaliste, a lancé mi-mai sur Facebook une page appelée "Selfie Poubella", sur laquelle des Tunisiens publient des autoportraits sur fond d'ordures.

"Ca a cartonné, en 4 jours on avait 12.000 membres", raconte Cheker, qui prévoit des "actions pour ne pas se contenter de selfies. L'idée c'est de créer un choc pour que le gouvernement voie que c'est une priorité".

Lui et ses amis refusent cependant que la population se substitue aux autorités : "Si on nettoie tout un jour et que le lendemain c'est à nouveau sale, ça sert à quoi? (...) C'est aux municipalités, au gouvernement d'agir".

"On va voir avec une équipe de juristes pour déposer une plainte contre le gouvernement. Un article de la nouvelle Constitution garantit à chaque citoyen un environnement sain", souligne M. Besbes.

Car si les grèves à répétition des éboueurs contribuent au problème, les municipalités formées sans élections dans la foulée de la révolution ont tout simplement cessé d'assumer leurs responsabilités en la matière.

Du côté du pouvoir, on assure être conscient du problème mais on évoque le manque de moyens et un manque de civisme.

Selon le ministère de l'Intérieur, qui est censé avec d'autres coordonner le nettoyage des villes, la quantité de déchets a crû de 30% entre 2012 et 2013, tandis que plus de la moitié des équipements de ramassage d'ordures sont en panne.

D'après Chokri Klouz, le directeur de l'Agence Nationale de la Protection de l'Environnement (ANPE), le gouvernement compte créer une police municipale "pour contrôler les personnes qui salissent". Un début "prometteur", avec un budget de trois millions de dinars (1,3 million d'euros environ) ayant été alloué, selon lui.

Des discours et des promesses qui en laissent dubitatifs plus d'un, notamment dans les quartiers voisins de Borj Chakir, le site de la plus grande décharge de Tunis.

"Elle aurait dû fermer ses portes à l'été 2013, elle est complètement saturée", selon l'ingénieur environnemental Morched Garbouj. Mais faute d'alternative, elle reste en activité et "la vie devient pratiquement invivable".

"On dirait qu'on vit dans une poubelle", raconte un habitant, Mohamed Ouerghi, en déplorant la perpétuelle odeur de latrines. Son fils de deux ans est asthmatique à cause de la stagnation des déchets toxiques, lui-même est couvert d'urticaire à cause des piqûres de mouches qui véhiculent des maladies, dit-il.

"Ma femme est malade, mes enfants sont malades", s'agace aussi Kamel Smili, professeur d'informatique. "J'ai choisi de changer d'endroit pour sauver la santé de ma famille", dit à regret ce natif d'El-Hattar, village situé à vingt mètres de la décharge.

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