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A Bangui, la foule aux soldats français: "Allez désarmer les musulmans!"

A Bangui, la foule aux soldats français: "Allez désarmer les musulmans!"

Au milieu des barricades qui coupent l'avenue de France dans le centre de Bangui, une petite foule interpelle les soldats français qui patrouillent à pied: "allez désarmer PK-5!", crient-ils en parlant du quartier à majorité musulmane de la capitale centrafricaine.

La ville s'est réveillée vendredi au milieu des cris de milliers de manifestants qui convergeaient vers le centre pour dire leur colère après la tuerie qui a fait 17 morts mercredi dans l'église Notre-Dame-de-Fatima. Puis au son des rafales d'armes automatiques tirées par les forces militaires internationales pour disperser la foule dans une ville paralysée par les barricades. Durant la journée, au moins trois personnes ont été tuées durant les protestations.

A la mi-journée, devant l'université de Bangui, sur l'une des barricades montées par la population au petit matin, des étudiants en colère demandent le départ de la force française Sangaris et des soldats burundais de la mission africaine Misca, accusés d'avoir laissé se perpétrer le massacre de Notre-Dame-de-Fatima.

"Samba-Panza égale Séléka", crient les étudiants: ils s'en prennent à la présidente de transition Catherine Samba-Panza en l'assimilant aux ex-rebelles musulmans, accusés par les chrétiens d'avoir terrorisé la population quand leur chef, Michel Djotodia, était au pouvoir de mars 2013 à janvier dernier.

Aujourd'hui, les derniers musulmans de Bangui se concentrent dans le quartier "PK-5", après l'exode de l'immense majorité des musulmans face aux exactions des milices chrétiennes anti-balaka, rivales de la Séléka.

Plus tard dans l'après-midi, près du centre, avenue de l'Indépendance. Des soldats français escortent, fusil d'assaut en main, des blindés et des bulldozers dépêchés pour démanteler les barricades.

Toutes sirènes hurlantes, une petite ambulance blanche de la Croix-Rouge arrive dans ce maëlstrom de blindés et de tractopelles qui déblaient les gravats. Elle ralentit, marque un temps d'arrêt puis repart sur le côté, condamnée à faire un détour.

Des soldats camerounais de la Misca, kalachnikov en main, sont là pour aider à sécuriser la zone pendant que les Français poussent les rochers sur les côtés. Un Centrafricain s'adresse à l'un des Camerounais: "Si un homme vient chez toi pour tuer ta femme et tes enfants", dit-il en mimant le geste de tirer avec une arme, "et si toi tu n'as pas d'armes, qu'est-ce que tu fais ?", demande le garçon. "Il faut que tu brûles sa maison!", enchaîne-t-il.

Dans le même groupe, fichu bleu noué sur le tête, Clémentine, une mère de sept enfants, est en colère contre les musulmans: "ils sont armés jusqu'aux dents, et nous on a rien".

"Ils demandent la réconciliation devant, mais derrière ils nous tuent, tous les jours. On n'en veut plus chez nous. Qu'ils retournent dans leur pays", crie-t-elle, index levé.

Un soldat français écoute la foule, agacé. Il lance: "Ils nous demandent de désarmer le +PK-5+ mais le temps qu'on passe ici à enlever les barricades, on ne le passe pas là-bas".

Un peu plus loin, avenue de France, d'autres barricades sont installées tous les cinquante mètres. La même équipe française vient les démonter. Au bruit métallique des tractopelles qui raclent le bitume se mêlent les cris des hommes et des femmes qui conspuent les Français sur le bord de la route. "Allez désarmer PK-5!", hurle une femme, soutenue par la foule.

"On va barricader 5.000 fois s'il le faut", promet un homme.

De fait, à quelques mètres de là, un manifestant traîne déjà la souche d'un arbre pour installer une nouvelle barricade, quelques minutes après le passage des Français.

A la nuit tombante, quelques heures plus tard, toutes les barricades avaient été réinstallées, a constaté l'AFP. Et les tirs résonnaient au loin dans la ville déserte.

sj/mc/tmo

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