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Les Brésiliens détestent la Coupe du monde. Voici pourquoi

Les Brésiliens détestent la Coupe du monde. Voici pourquoi
Associated Press

Chaque jour apporte son lot d'images négatives sur la prochaine coupe du monde de soccer, qui aura lieu le mois prochain dans plusieurs villes du Brésil. Des stades et autres installations, comme les aéroports, ne sont pas complètement terminés. Des manifestations ont toujours lieu. Et de nombreux Brésiliens semblent peu enthousiastes à l'idée d'une coupe du monde.

L'une des causes principales de mécontentement? La somme colossale déboursée par le gouvernement pour organiser l'événement. Une somme provenant des deniers publics.

Ni la coupe du monde ni la FIFA, l'organisateur, ne sont complètement responsables de cet état de fait. Les Brésiliens ne protestent pas contre la coupe du monde en elle-même, mais contre le gouvernement, qui selon eux n'a pas tenu ses promesses envers le peuple. Il s'agit de revendications touchant l'éducation, les soins médicaux et le coût de l'immobilier.

Voici quelques raisons expliquant pourquoi les manifestations, qui ont débuté il y a environ un an, continuent avec autant de ferveur, et pourquoi elles devraient continuer lors de la coupe du monde.

Le Brésil devrait dépenser environ 11.7 milliards$ pour la Coupe du monde.

Lorsque l'on voit que les milliards dépensés viennent des fonds publics brésiliens, et que tous les revenus générés par les ventes de billets et les droits télévisés vont directement à la FIFA sans la moindre taxation (ce qui est le cas pour toutes les coupes du monde), la gronde populaire semble légitime.

Avec un coût total attendu dépassant les 11 milliards$, il s'agira de la coupe du monde la plus chère de l'histoire. L'Afrique du Sud a dépensé environ le tiers de cette somme en 2010, (avec un total avoisinant les 3 milliards$), pour un événement qui à l'époque était le plus cher en date.

Beaucoup craignent que les investissements ne soient pas rentables. Environ 25 milliards$ devraient revenir au pays sur le long terme, selon le Ministère brésilien du tourisme, Embratur. Ce nombre est basé sur l'argent que devraient dépenser les 600000 touristes étrangers venus pour la coupe du monde. Mais tous les chiffres ne sont pas optimistes: l'Afrique du Sud ne s'est jamais totalement remise des milliards dépensés pour la Coupe du monde. Selon Associated Press, le pays n'aurait récupéré que 400 millions$ et les Brésiliens craignent un sort similaire.

Dans le même temps, 55% des Brésiliens pensent que l'événement fera plus de mal que de bien à leur pays.

Un récent sondage mené par l'institut brésilien Datafolha a révélé que plus de la moitié de la population pense que cette coupe du monde est plutôt une mauvaise nouvelle. Ce chiffre est supérieur de 11% par rapport à la dernière étude de Datafolha, menée en juin 2013 lors de la Coupe des confédérations.

Dans une autre étude aussi conduite par Datafolha en 2008, 79% des Brésiliens supportaient l'organisation de la Coupe du monde dans leur pays, mais ce chiffre a vertigineusement chuté jusqu'à 48%. Les protestations contre les dépenses publiques exorbitantes ont commencé au début de l'été 2013. Des milliers de manifestants se sont réunis devant le stade Maracana de Rio.

900 millions$ ont été extraits des fonds publics pour construire un nouveau stade qui a de grandes chances d'être «abandonné» après le tournoi.

L'Estádio Nacional Mané Garrincha de Brasilia, inauguré en mai de l'année dernière et construit uniquement pour la coupe du monde, est aujourd'hui le deuxième stade de soccer le plus cher au monde. Le budget a presque triplé entre le début et la fin de sa construction, un état de fait imputé par de nombreux Brésiliens à la corruption et à la fraude.

Pire: la ville de Brasilia n'a pas d'équipe professionnelle de soccer pouvant utiliser le stade dans le futur. Après les sept matches devant se tenir au Mané Garrincha, aucune organisation n'est pour le moment censée exploiter les lieux. La pilule est difficile à avaler quand on pense que 10% du budget total ont été utilisés pour ce stade.

À l'origine, huit villes devaient accueillir la coupe du monde. Puis le président de l'association de soccer brésilienne, Ricardo Teixeira, a insisté pour que ce chiffre soit élevé à 12, ce qui a nécessité de nouveaux stades et des dépenses accrues du denier public.

Parmi les nouveaux stades l'on trouve l'Arena das Dunas, à Natal, pour un coût estimé de 400 millions$, l'Itaipava Arena Pernambuco, à Recife, pour 500 million$ et l'Arena da Amazônia de Manaus, pour 290 millions$. Cette dernière,située en pleine jungle amazonienne, est la plus controversée en raison de son isolement. Nombreux sont ceux à s'inquiéter de l'avenir du stade à la fin de la Coupe du monde. Manaus, comme Brasília, n'a aucune équipe de soccer professionnelle.

Huit ouvriers sont décédés lors de la construction et la rénovation des stades brésiliens. Le dernier en date est mort il y a quelques semaines, victime de la précipitation avec laquelle doivent travailler les employés pour apporter les dernières touches avant la cérémonie d'ouverture du 12 juin.

Plus de 250000 familles ont été expulsées de leurs maisons pour laisser de la place aux stades.

Selon le Comité populaire de la coupe du monde, des centaines de milliers de personnes auraient été déplacées de leurs foyers afin de faire de la place pour les chnateirs de construction des stades. Les relocalisations orchestrées par le gouvernement en vue de la Coupe du monde et des Jeux olympiques de Rio 2016 sont devenues monnaie courante, surtout dans la zone Metrô-Mangueira, près du Maracanã, stade accueillant la finale.

Certains déplacés, manquant d'alternative de relogement abordable, ont été laissés complètement sans abri. en juin, les relocalisations dans une seule favela auront affecté 678 familles.

Mais les déplacements ne concernent pas uniquement les Brésiliens les plus pauvres. Certains se plaignent de devoir déménager à cause de la hausse des prix aux alentours des stades. Un groupe particulièrement étendu de la métropole de Sao Paulo a réagi en s'emparant d'un terrain inoccupé pour former une communauté improvisée.

«Nous ne sommes pas contre la Coupe du monde», a indiqué un résident à Associated Press. «Nous nous opposons juste à cette façon qu'ils ont de nous rabaisser. Ils donnent la priorité au soccer et oublient les familles, le peuple brésilien.»

Les Brésiliens en ont aussi assez des administrations corrompues et de l'usage de la force par la police.

Au centre des manifestations, qui prennent de l'ampleur au Brésil depuis juin de l'année dernière, se trouve la volonté du peuple de voir une meilleure éducation, de meilleurs services de santé, de meilleurs services publics, le droit de manifester en paix et des autorités moins corrompues.

Chaque année, la police est responsable de plus de 2000 décès à travers le pays et cette année n'a pas été différente, avec les morts de Cláudia da Silva Ferreira, une femme traînée à l'arrière d'une voiture, et Douglas Rafael da Silva, danseur célèbre tué après avoir été pris pour un trafiquant de drogue.

Les trois policiers impliqués dans la mort de Claudia da Silva Ferreira sont responsables d'au moins 69 meurtres «dans l'exercice de leurs fonctions» depuis 2000.

En réaction au chaos général, les Brésiliens se sont mis en grève, avec à leur tête des groupes d'enseignants et de chauffeurs de bus.

Les chauffeurs de bus, les professeurs et les policiers militaires sont de ceux qui ont le plus souvent abandonné leur poste dans plusieurs villes lors de ces derniers mois. Ce mois-ci, à Recife, émeutes et pillages ont eu lieu au troisième jour d'une grève policière. Des troupes fédérales sont ensuite entrées dans Recife pour aider au maintien de l'ordre.

Dans le même temps, les protestations s'intensifient. Le 15 mai 2014, 12 villes brésiliennes ont connu des manifestations, parmi lesquelles São Paulo, Rio et Bello Horizonte.

La police a tiré des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc sur une foule de plus de 4000 manifestants près du stade d'Itequerão de São Paulo, où se tiendra le match d'ouverture entre le Brésil et la Croatie, le 12 juin.

Et des groupes indépendants continuent à organiser des manifestations -- et promettent de les poursuivre lors de la coupe du monde.

D'après le Brasil Post, près de 2000 personnes ont participé aux manifestations ces six derniers mois à São Paulo. Cela représente une chute significative en comparaison du mois de juin de l'année passée, lorsque environ 100000 personnes ont occupé les rues. Mais certains groupes, dont les mouvements #NãoVaiTerCopa et Housing for All , ont promis de continuer à manifester même après le début de la coupe du monde.

À moins d'un mois des premiers matchs, de nombreux Brésiliens sont toujours mécontents de la tenue de la Coupe.

Entre des chantiers en retard et des citoyens promettant de continuer les protestations, on prévoit une coupe sous le signe du chaos et la désorganisation.

Le 22 mai, Amnesty International Brésil a publié une vidéo appelant à la paix lors de la Coupe du monde.

Il s'agit de la deuxième vidéo de l'organisation. Plus tôt ce mois-ci, elle a donné (virtuellement) 876 cartons jaunes au gouvernement brésilien pour sanctionner la façon dont les manifestations ont été gérées.

La vidéo s'achève par un message fort: «Le monde nous regarde.»

Et voici ci-dessous un album d'art de rue contre la Coupe du monde, publié sur Imgur:

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