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Pleins feux sur les activités de financement politique de la firme Roche

La commission Charbonneau se penche sur les activités de financement politique de la firme Roche
Radio-Canada

Un ancien vice-président de Roche a commencé à lever le voile sur l'implication de sa firme dans le financement des partis politiques et sur le rôle joué dans ce système par l'ex-ministre libéral Marc-Yvan Côté et France Michaud, tous deux au service de Roche durant de longues années.

Un texte de Bernard Leduc

André Côté a expliqué qu'entre 2005 et 2011, il y avait une grande effervescence dans le domaine de l'ingénierie en raison des forts investissements de Québec, ce qui s'est traduit par des demandes de contributions « exponentielles » des maires et des élus provinciaux et municipaux, tout particulièrement en période électorale.

« Chaque fois qu'il y avait une activité de financement on était sur la première ligne pour être sollicité, peu importe les partis politiques. » — André Côté

M. Côté a notamment donné en exemple le cas d'un responsable du financement pour le PLQ pour l'est du Québec, Marcel Leblanc, qui l'avait sollicité à plusieurs reprises pour qu'il lui envoie du monde, comme le faisaient aussi diverses associations libérales. Dans la majorité des cas, les participants de Roche étaient remboursés, ce qui en fait donc des prête-noms.

Pour M. Côté, si les firmes de génie participaient à ces cocktails de financement, c'était pour raffiner leurs liens avec les élus, les ministres et leur entourage, et éviter ainsi de laisser du terrain à leurs adversaires.

Les firmes espéraient du coup s'assurer de leur collaboration si jamais des projets rencontraient des obstacles qu'il était en leur pouvoir d'aplanir, notamment lorsqu'il s'agissait de faire avancer des dossiers impliquant le ministère des Affaires municipales (MAMROT).

Il estime cependant n'avoir jamais constaté qu'un projet d'une firme avait été tassé au profit de celui d'une autre en raison des liens d'amitiés développés, mais explique qu'il était alors plus facile d'obtenir rapidement un rendez-vous avec eux.

« T'es sollicité, tu n'oses pas dire non, et tu entends en tirer profit au maximum. » — André Côté

« Je ne crois pas que Roche ait eu plus de projet que d'autres firmes », a-t-il soutenu, ajoutant n'avoir jamais songé pour autant à cesser de contribuer, par crainte d'avoir « moins de réceptivité » de la classe politique.

Marc-Yvan Côté, de ministre libéral à lobbyste pour Roche

André Côté a expliqué qu'outre lui, un nombre restreint de gens chez Roche pouvaient contacter le personnel politique du ministère des Affaires municipales, au premier chef Bruno Lortie, qui y fut longtemps chef de cabinet, notamment pour la ministre Nathalie Normandeau, afin de débloquer des dossiers d'importance qui faisaient du sur place.

L'ex-ministre libéral Marc-Yvan Côté, qui a été un des responsables du développement des affaires pour Roche de 1994 à 2005, puis consultant jusqu'en 2011, a plusieurs fois été mandaté, avec succès, pour obtenir des rencontres avec l'entourage de la ministre et des analystes techniques du ministère.

M. Lortie avait été, par le passé, chef de cabinet de M. Côté alors qu'il était ministre sous Robert Bourassa. Les deux hommes, a précisé M. André Côté, étaient de bons amis.

« Ça arrivait effectivement que dans un projet donné on se servait de M. Côté, de par son lien avec M. Lortie, pour tenter d'obtenir une rencontre pour un besoin pour un client. » — André Côté

Sinon, outre Marc-Yvan Côté, un autre responsable du développement des affaires pour l'Est du Québec, Martin Lapointe, ou encore les directeurs régionaux,, étaient en mesure de faire jouer les relations politiques de Roche.

C'est Marc-Yvan Côté - puis France Michaud après 2005 - qu'il devait contacter afin de savoir s'il devait ou non participer à telle ou telle activité de financement politique, a-t-il précisé.

« C'était la directive qu'on avait de se faire autoriser avant d'engendrer la dépense. » — André Côté

André Côté ne peut dire précisément ce que faisait Marc-Yvan Côté chez Roche ou encore si ses efforts permettaient de rapporter des contrats à Roche, mais qu'il s'en remettait à l'avis positif de son président. Il ignore encore qu'elle était la teneur du contrat qui le liait à Roche après 2005, reconnaissant que c'était un tabou.

Il a aussi reconnu que si ce dernier a troqué en 2005 son statut de vice-président pour celui de consultant, c'est dans la foulée de son passage devant la commission Gomery où il avait dévoilé au grand jour ses pratiques douteuses de financement pour le Parti libéral du Canada

La mise sur pied de l'escouade Marteau aurait raison de ses liens avec Roche en 2011.

France Michaud au coeur du système de financement occulte de Roche

André Côté a décrit l'ex-vice-présidente France Michaud comme ayant été au coeur du système de financement politique de Roche.

« C'est elle qui coordonnait les activités de contribution politique pour l'ensemble de la boîte pour le provincial et le municipal » et aussi le « fédéral », a expliqué M. Côté, « C'est Mme Michaud qui avait la tâche de coordonner et de gérer les demandes des partis politiques ».

« Moi, qui était dans l'Est, je me référais à Mme Michaud pour établir des budgets ( ...) pour faire face aux demandes », a expliqué M. Côté.

« On devait prévoir quelles étaient les sommes dont on aurait à disposer pour répondre aux demandes, par exemple lors d'une élection municipale et d'une élection provinciale. » — André Côté

Adjointe au président de Roche Michel Labbé dans les années 1990, Mme Michaud est devenu directrice des infrastructures urbaines à Québec puis, début 2000, responsable du développement de Roche au niveau municipal pour Montréal, l'Outaouais et l'Estrie.

Elle obtiendra finalement en 2005 le titre de vice-présidente municipale pour toutes les activités de Roche à Montréal.

M. Côté a expliqué que déjà, lorsqu'il était directeur du bureau régional de Roche à Rivière-du-Loup de 1994 à 2005 il était sollicité pour des contributions politiques, tant par les partis municipaux que par les partis provinciaux et fédéraux.

Il a notamment donné en exemple un cocktail de financement au profit du défunt ministre libéral Claude Béchard et expliqué que lors de tels événements, il pouvait arriver que des maires l'accompagnent aux frais de Roche.

« Pit-Bull » Lapointe...

M. Côté a aussi été interrogé sur un certain Martin Lapointe, embauché début 2000 par le président de Roche Mario Martel qui en fait son conseiller au développement des affaires, avec l'appui de France Michaud.

Aussi, bien que ce dernier ait travaillé dans l'est du Québec, et donc officiellement sous M. Côté, la situation hiérarchique n'était pas si claire. Mais M. Côté reconnaissait sa valeur, grâce à sa « technique du pit-bull », pour décrocher des contrats au municipal.

Il connaissait notamment « sur le bout des doigts » les mécanismes de financement du ministère des Affaires municipales, « un must » pour aller chercher des clients au municipal.

M. Côté a quitté ses fonctions à l'été 2013 dans la foulée d'un scandale de collusion à Québec impliquant Roche. M. Lapointe quittera ses fonctions vers cette même époque.

Côté fait les manchettes

Par François Messier

En septembre dernier, l'ex-vice-président d'AECOM-Tecsult, Patrice Mathieu, a impliqué André Côté dans un système de collusion auquel participaient huit firmes de génie pour se partager les contrats de la Ville de la Québec entre 2006 et 2011.

Il a dit que M. Côté était l'un de ses deux interlocuteurs de la firme Roche dans le stratagème.

M. Côté a aussi récemment reçu 29 constats d'infraction du Directeur général des élections du Québec (DGEQ) pour avoir aidé des employés de Roche à verser des contributions atteignant jusqu'à 3000 $ « autrement qu'à même [leurs] propres biens ».

Il a été condamné à une amende de 54 291 $ relativement à ce stratagème, qui aurait eu cours entre mai 2009 et novembre 2011.

Selon les constats d'infraction, le Parti libéral du Québec a reçu plus de 36 000 $ grâce à ce stratagème, contre 400 $ pour le Parti québécois.

Équipe Labeaume aurait pour sa part reçu 3000 $, sous la forme de trois contributions de 1000 $, en mai 2009. Plus de la moitié des constats d'infraction portent en fait sur des dons faits à des organisations politiques de Québec, de Lévis, de la Beauce et de Bellechasse.

Sept autres avis concernent des contributions versées à des candidats indépendants, dont Luc Berthold, l'ex-maire de Thetford Mines.

Des contributions illégales auraient aussi été faites à Saguenay et à Rivière-du-Loup.

André Côté a été remercié en septembre dernier par la firme Roche, juste avant que son nom soit mentionné devant la commission Charbonneau.

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Tony Accurso

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