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Commission Charbonneau: «Rappelle-toi d'où vient ta paye», aurait lancé Yanaï Elbaz

«Rappelle-toi d'où vient ta paye», aurait lancé Yanaï Elbaz
CEIC

Une cadre du Centre universitaire de santé McGill (CUSM), affirme avoir subi à l'automne 2009 les pressions de son supérieur Yanaï Elbaz pour qu'elle appuie le choix du consortium SNC-GISM pour le contrat de construction de 1,34 milliard de dollars du nouvel hôpital anglophone. Sa résistance lui vaudra d'être écartée du processus de sélection.

Un texte de Bernard Leduc et François Messier

M. Elbaz, qui se serait partagé avec l'ex-directeur général, Arthur Porter, un pot-de-vin de 22,5 millions de dollars de SNC-Lavalin, était à cette époque directeur général adjoint du CUSM et responsable de la planification du redéploiement et de l'immobilier.

Mme Immacalata Franco, qui est directrice associée à la planification depuis 2006, a expliqué à la commission Charbonneau avoir été impliquée dès octobre 2008 dans le projet du nouveau CUSM, soit dès que l'appel de qualification a été lancé.

Elle a ainsi animé les ateliers portant sur les aspects cliniques où les soumissionnaires, les consortiums SNC-GISM et OHL-PCUSM, par l'entremise de l'Agence des PPP, s'informaient sur les besoins afin de bâtir leur proposition.

Elle a aussi a participé à l'organisation des sous-comités chargés d'évaluer le projet et siégé, à l'automne 2009, à deux des plus importants, soit Fonctionnalité et Architecture.

Mme Franco a souligné que si son supérieur, M. Elbaz, même s'il n'était pas impliqué directement dans les comités, il ne se gênait pas à cette époque pour vanter les mérites du dossier de SNC-Lavalin, ce qui suscitait certaines tensions.

M. Elbaz n'a d'ailleurs pas hésité à faire des pressions directes sur Mme Franco pour qu'elle appuie en sous-comité SNC-GISM.

« M. Elbaz a tenté de m'influencer sur la solution. Il a pris le soin de me rappeler qu'il fallait faire ce que le patron voulait et de me rappeler d'où venait ma paye. » — Immacalata Franco

Mme Franco a compris que M. Elbaz relayait alors la volonté du patron Arthur Porter, mais a néanmoins résisté à cette double pression, Et, comme elle le croyait juste, elle a mieux noté PCUSM lors de l'évaluation de novembre, comme la majorité des membres des comités.

Elle a ajouté n'avoir d'ailleurs pas hésité à mettre en garde ses collègues, à cette époque, des pressions de M. Elbaz, afin qu'ils ne se laissent pas influencer dans leur évaluation.

Elle a donc été quelque peu surprise d'apprendre, le 3 décembre, que le C.A. du CUSM avait décidé d'appuyer la volonté de M. Porter d'aller de l'avant avec SNC-GISM.

Elle considérait alors que les propositions des deux consortiums étaient alors en suspens en raison des problèmes dans leurs propositions financières.

Elle a fait part de son malaise à M. St.Clair Armitage, l'expert en PPP embauché par le CUSM, notamment sur le fait que soit écarté le consortium le mieux noté. Elle a alors compris que ce dernier, tout comme MM. Elbaz et Porter, favorisait SNC-Lavalin. « On s'est entendu pour ne pas être d'accord », a-t-elle dit, constatant du coup que son avis ne faisait plus le poids.

« Honnêtement je ne savais plus vers qui d'autre me tourner alors que mon patron et son supérieur nous alignaient dans une certaine direction. » — Immacalata Franco

Et lorsque Québec a décidé de faire fi de cette décision et de lancer un nouvel appel de proposition, au début 2010, elle n'a pas été sollicitée pour siéger sur les nouveaux comités d'évaluation. Elle ne sera donc pas appelée à évaluer les nouvelles propositions de SNC-GISM et OHL-PCUSM.

M. Franco dit n'avoir jamais demandé à MM. Porter et Elbaz pourquoi elle n'avait pas été sollicitée, se doutant de la réponse.

Elle estime que ces derniers ont choisi pour les nouveaux sous-comités des personnes davantage favorables à SNC-GISM : « Quand MM. Porter et Elbaz ont pris le contrôle, c'était à l'extérieur de mon contrôle ».

Des accusations de complot pour fraude, fraude et abus de confiance dans le cadre d'un processus d'octroi du contrat du CUSM pèsent sur Arthur Porter, et son adjoint Yanaï Elbaz, ainsi que sur St.Clair Armitage, de même que sur l'ex-PDG de SNC-Lavalin et son vice-président construction Riadh Ben Aïssa.

Mme Franco n'avait pas été la seule à être écartée des comités de sélection en mars 2010, ont souligné la semaine dernière, les enquêteurs de la commission André Noël et Éric Desaulniers. Le docteur Tim Meagher, qui dirigeait le sous-comité sur la fonctionnalité du projet, avait aussi été écarté au profit du Dr Vassilios Papadopoulos, qui avait privilégié l'offre de SNC-GISM en novembre 2009.

« À ma connaissance, quand je regarde sa biographie, M. Papadopoulos n'est pas médecin, il n'est pas clinicien, il a une formation autre essentiellement en pharmacie et en sciences de la vie à l'Université de Paris en biochimie, biologie moléculaire, mais ce n'est pas quelqu'un qui est dans les affaires médicales comme telles », avait commenté André Noël.

M. Noël avait aussi précisé, lors de son témoignage, que le lien hiérarchique unissant Mme Franco à Yanaï Elbaz ne devait pas entrer en ligne de compte dans le cadre des travaux des sous-comités de sélection.

« Elle ne relève plus de lui, elle n'a pas à lui rendre compte de ce qu'elle fait dans ce comité de sélection. Parce qu'en vertu des règles, à la fois de transparence et de confidentialité, tout ce que font les gens dans les sous-comités de sélection est strictement confidentiel », avait-il dit.

Les enquêteurs Noël et Desaulniers ont aussi révélé que Yanaï Elbaz aurait remis les croquis soumis par OHL-PCUSM à SNC-Lavalin en novembre 2009, voire avant. Ce sont ces croquis, ont-ils dit, qui ont permis à SNC-GISM de remporter le contrat.

lors de son témoignage, Mme Franco avait bien précisé que « dans son rôle comme directeur de l'équipe, [M. Elbaz] pouvait avoir accès à n'importe quelle information qu'il voulait », tout commes les autres hauts dirigeants du CUSM.

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Tony Accurso

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