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Thaïlande: quelques clés pour comprendre l'entrée de l'armée dans la crise

Thaïlande: quelques clés pour comprendre l'entrée de l'armée dans la crise

La Thaïlande s'est réveillée mardi sous le coup de la loi martiale instaurée par l'armée, après des mois d'une crise politique meurtrière. Est-ce un nouveau coup d'Etat ?

Depuis le coup d'Etat contre le Premier ministre Thaksin Shinawatra en 2006, la Thaïlande n'arrive pas à se sortir d'un cycle de violences politiques mettant en scène tour à tour les ennemis et les partisans du milliardaire, qui vit en exil pour échapper à la prison pour malversations financières.

La haine est profonde entre d'un côté les masses rurales et urbaines défavorisées du Nord et du Nord-Est, reconnaissantes des politiques de Thaksin en faveur des plus pauvres, et de l'autre les élites de Bangkok proches du Palais royal, qui le voient comme une menace pour la monarchie.

Le précédent épisode de cette crise à répétition avait fait plus de 90 morts et 1.900 blessés au printemps 2010. Les Chemises rouges proThaksin avaient alors occupé le centre de Bangkok pendant deux mois, avant un assaut de l'armée, sur ordre du gouvernement de l'époque, dont les manifestants réclamaient la démission.

La crise actuelle a fait descendre dans la rue depuis l'automne jusqu'à des centaines de milliers de manifestants qui réclament la fin de ce qu'ils appellent le "système Thaksin", associé selon eux à une corruption généralisée. Fusillades ou attaques à la grenade ont fait 28 morts.

La Constitution permet à l'armée de déclarer la loi martiale, qui octroie aux militaires le contrôle de la sécurité sur tout le territoire.

Cette décision intervient alors que le gouvernement est très affaibli après la destitution début mai par la justice de la Première ministre Yingluck Shinawatra, soeur de Thaksin, et la nomination d'un chef de gouvernement intérimaire qui n'a pu être confirmé faute de Parlement.

Alors que la Thaïlande a déjà connu 18 coups d'Etat ou tentatives depuis l'instauration de la monarchie constitutionnelle en 1932, dont le dernier en 2006, les experts sont prudents sur la nature de l'annonce de mardi, qui inclut une censure des médias et l'interdiction d'antenne de plusieurs chaînes de télévision.

L'utilisation de la loi martiale "est un moyen soigneusement réfléchi de rester dans la légalité tout en plaçant la Thaïlande sous contrôle militaire", a commenté Paul Chambers, de l'université de Chiang Mai.

Mais alors que le gouvernement assure être toujours en place, d'autres experts estiment que l'armée s'en tient bien à un rôle de maintien de l'ordre.

Les militaires "sont réticents depuis des mois à adopter une position proche d'un coup d'Etat et ils semblent toujours réticents. Je ne pense pas qu'ils veuillent aller plus loin", a estimé Gavan Butler, de l'université de Sydney, reconnaissant que la situation était "obscure et compliquée".

L'avenir dépend de multiples forces en présence, parfois imprévisibles, créant divers scénarios possibles.

Le gouvernement intérimaire espère toujours organiser de nouvelles législatives en juillet, après l'invalidation de celles de février par la justice.

Mais l'intervention de l'armée pourrait conduire avant cette échéance à la nomination d'un Premier ministre "neutre" non élu, réclamé sans relâche par les manifestants.

L'autre variable de cette équation concerne la réaction des Rouges. Ils ont mis en garde contre un risque de guerre civile en cas de chute d'un nouveau gouvernement proThaksin. Mais ils sont restés prudents mardi, ne parlant pas de putsch.

"Cela ne franchit pas encore la ligne, mais cela s'en rapproche dangereusement", a indiqué l'analyste David Streckfuss, estimant que les Rouges ne bougeraient vraiment que "si le gouvernement était destitué". Une perspective qui selon lui pourrait avoir empêché l'armée d'organiser un coup d'Etat classique.

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