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«Deux jours, une nuit»: Refuser une prime pour sauver un emploi? Pas dans la vraie vie

«Deux jours, une nuit»: Refuser une prime pour sauver un emploi? Pas dans la vraie vie
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VIE DE BUREAU - Sandra a un week-end pour convaincre ses collègues de renoncer à une prime de 1000 euros pour sauver son emploi: dans la vraie vie, l'histoire portée par Marion Cotillard dans le film des frères Dardenne est "farfelue", irréaliste, selon des juristes. En France, les sacrifices demandés aux salariés sont strictement encadrés. Dans le long-métrage, présenté mardi au festival de Cannes, le patron d'une petite entreprise demande à ses employés de choisir entre leur prime annuelle, ou leur collègue. S'engage, pour la jeune femme, une course contre la montre, Deux jours, une nuit pour retrouver son poste après un congé maladie pour dépression.

Pour Sylvain Niel, avocat en droit social chez Fidal, ce cas est "un exemple un peu farfelu", et n'est pas encadré juridiquement. "Le salarié qui vient demander: 'patron, ne me licenciez pas, j'ai trouvé cinq personnes qui acceptent une baisse de salaire', est complètement irréaliste". "Quand un employeur décide de licencier quelqu'un pour raison économique, il est libre de cette décision", dit-il. "Elle peut être contestée devant le juge mais un salarié ne peut imposer à son employeur de faire l'économie de cette mesure en ayant recueilli une sorte de référendum auprès des salariés pour que la baisse de salaire corresponde à l'économie générée par la suppression d'emploi", explique-t-il.

Il souligne en outre que la suppression d'emploi correspond en général "à une baisse de charge de travail" qui ne justifie plus le poste, donc que la question salariale n'est pas seule en jeu. Pour Jean-François Cesaro, professeur de droit à l'université Panthéon-Assas, il n'est pas plus réaliste qu'un employeur choisisse parmi ses salariés celui ou ceux qui seront licenciés: la liste des licenciés pour raison économique n'est établie "qu'à la fin", "lorsque des critères d'ordre auront été mis en oeuvre (charge de famille, compétence...) et que des reclassements auront été proposés".

Pas de cadeau entre collègues

Selon les deux juristes, l'entreprise peut en revanche demander un sacrifice aux salariés dans le cadre d'un accord de maintien dans l'emploi. Ces accords passés avec les syndicats, par lesquels l'entreprise s'engage à ne pas licencier en contrepartie d'efforts (rémunération, organisation et temps de travail), ont été encadrés par la loi sur la sécurisation de l'emploi entrée en vigueur le 1er juillet 2013.

Mais ces accords "ne marchent pas fort" car "ils ne sont dans l'ADN ni des syndicats français ni des employeurs", observe Jean-Christophe Sciberras, président de l'Association nationale des directeurs de ressources humaines (Andrh). En onze mois, il s'en est signé quatre seulement, selon le ministère du Travail. Et par l'application de la loi, les salariés ayant refusé de se voir appliquer l'accord ont été... licenciés.

Selon Sylvain Niel, il est "absolument impossible" de donner "des congés, des jours de repos, des heures" à un collègue de bureau, ce qui "poserait des problèmes de droit incommensurables". A commencer par "le risque que celui qui donne se rétracte", souligne Jean-Christophe Sciberras. Exception faite du don de RTT à un collègue dont un enfant est très malade, un cas de figure "exceptionnel", selon Jérôme Niel, très récemment inscrit dans la loi.

Mais rien n'empêche les salariés d'organiser des collectes, comme l'ont fait il y a quelques années des employés de Peugeot à Sochaux pour leur chef d'atelier dont la fille, handicapée, devait être soignée aux Etats-Unis. Un exemple de solidarité collective parmi ceux ayant pu inspirer les réalisateurs belges.

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