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Hollywood, machine à broyer, monde monstrueux, pour David Cronenberg

Hollywood, machine à broyer, monde monstrueux, pour David Cronenberg

Vu de Cannes, temple du cinéma mondial, Hollywood n'est qu'une machine à broyer les acteurs et les valeurs, un monde monstrueux et incestueux selon David Cronenberg qui présentait lundi en compétition au Festival "Maps to the stars".

Pour son retour en compétition deux ans après "Cosmopolis", l'auteur de "La mouche", "Crash" (prix spécial du jury à Cannes en 1996) ou "A history of violence", sonde une nouvelle fois l'âme humaine dans ses tourments, ses pulsions, ses dérives.

Cette fois, il s'agit d'un monde qu'il connait bien, comme ses acteurs, celui de l'industrie du cinéma.

Toutefois s'est empressé de dire aux journalistes Cronenberg, le film, tiré d'un scénario féroce de Bruce Wagner, n'est pas "simplement une critique d'Hollywood et du show-business, une caricature".

"Il aurait pu être tourné dans la Silicon Valley, à Wall Street, partout où les gens sont très ambitieux, cupides, ont peur de plein de choses", a-t-il ajouté.

Le scénario ajoute encore l'inceste (entre frère et soeur) comme une métaphore d'un Hollywood où les mêmes gens se connaissent depuis des lustres et se fréquentent tout le temps. "Il n'y a pas de sang neuf", a-t-il assuré lundi.

Au centre de ce film glaçant, des jeunes oisifs bourrés d'argent qui jurent comme des charretiers. Et surtout Benjie, jeune star de 13 ans campé par un Evan Bird, aussi sale gosse qu'un Justin Bieber. Imbu de lui-même, déjà passé par la case désintoxication, il écrase son entourage, notamment un assistant plus âgé qu'il couvre d'insultes antisémites.

Fil rouge de l'histoire, Agatha a 18 ans, le visage et le corps abîmé par des brûlures et un mental perturbé (Mia Wasikowska, 24 ans, surdouée déjà vue chez Tim Burton, Jim Jarmusch etc).

Côté adultes, rien de plus reluisant; un thérapeute manipulateur et coach de célébrités (John Cusak). Une actrice au creux de la vague, Havana Segrand, hantée par le fantôme de sa mère bien plus adulée qu'elle (Julianne Moore impériale).

"Havana veut être reconnue. Il y a quelque chose de triste et drôle à la fois" dans ce personnage, dit Julianne Moore.

"Havana a peur de cesser d'exister par rapport à l'industrie du cinéma. Car c'est vrai qu'avec elle soit, on existe soit on est rien", poursuit le cinéaste.

Sans oublier un chauffeur de limousine qui aspire à la célébrité (Robert Pattinson, celui-la même qui était à l'arrière de la limousine dans "Cosmopolis"), prêt à enfourcher une actrice plus âgée, voire se convertir à la scientologie, pour avancer sa carrière.

Premier film américain du Canadien, "Maps to the stars" a été tourné en partie à Los Angeles ou Beverly Hills, sur Hollywood Boulevard, Rodeo Drive, le château Marmont ou encore le fameux signe Hollywood pour des questions d'authenticité.

Connu pour son univers très kafkaïen baignant facilement dans l'horreur et le fantastique, Cronenberg fait ici apparaitre des fantômes qui viennent pourrir la vie des vivants comme la mère d'Havana.

Les manipulations sont nombreuses, les sentiments, la compassion ont disparu depuis longtemps.

Havana saute de joie comme une petite fille quand l'actrice qui a été engagée à sa place pour interpréter sa mère au cinéma doit renoncer après la mort de son petit garçon.

Les auteurs parsèment leur film de notes d'humour mais aussi de poésie avec de nombreuses citations directes du poème de Paul Eluard "Liberté", destiné au départ à une femme mais devenu un emblème face à l'occupation nazie.

Pour David Cronenberg, le poème "vit et continue de vivre, donc on peut l'interpréter dans différents contextes". "Dans le monde d'Hollywood, c'est la gloire qui est la vraie liberté", selon lui.

Andy Warhol parlait du quart d'heure de célébrité. "A l'heure actuelle tout le monde veut être célèbre tout le temps", a résumé Bruce Wagner.

da/pjl/jag

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