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"Eau argentée": la tragédie syrienne s'invite à Cannes

"Eau argentée": la tragédie syrienne s'invite à Cannes

Avec "Eau argentée: Syrie autoportrait", le réalisateur syrien Ossama Mohammed signe un documentaire poignant, poétique, parfois insoutenable, composé d'images internet d'un conflit barbare mené dans l'indifférence de la communauté internationale.

"Eau argentée", c'est la signification du prénom kurde d'une jeune habitante de Homs, Wiam Simav Bedirxan, qui, caméra au poing, montre le quotidien de sa cité ravagée, pilonnée sans relâche par les forces de Bachar Al-Assad.

Réfugié en France en 2011, le réalisateur syrien est un jour contacté sur internet par cette jeune habitante de la "capitale de la révolution", aspirante réalisatrice, avec laquelle il garde depuis un contact régulier et qui le nourrit d'images bouleversantes.

"Eau argentée" associe ce témoignage visuel à "mille et une images prises par mille et un Syriens" qui, armés de leur seul téléphone portable, témoignent sur Youtube des crimes perpétrés par le régime de Damas, en toute impunité et loin des caméras de télévision du monde entier.

"C'était une recherche extrêmement longue et difficile, et pourtant fascinante", explique dans le dossier de presse le cinéaste, déjà venu à Cannes avec "Etoiles de jour", en 1988 (Quinzaine des réalisateurs) et "Sacrifices", présenté en 2002 (Un certain regard). "Cela m'a permis de bien comprendre ce qui se passait dans mon pays. Ensuite, nous avons trié toutes ces images, et tandis que des rapports poétiques s'établissaient entre les images, un fil conducteur a surgi de ce chaos".

Des foules désarmées manifestant aux cris de "liberté!" se font tirer dessus à balles réelles. Un jeune garçon crie sa rage contre le régime avant de fondre en larmes sur le cadavre de son père. Un enfant de 6 ans regarde à droite et à gauche avant de franchir en courant un carrefour en ruines, pour se protéger des balles d'un sniper. Des hommes accroupis derrière des murs ramènent à eux les cadavres de leurs compagnons gisant dans la rue, à l'aide de crochets en métal, de peur de se faire abattre.

"Au départ, je ne savais pas que les images allaient être aussi atroces et montrer autant de tueries. Mais il est impossible de raconter cette histoire en faisant l'impasse là-dessus. D'abord, au nom de la vérité : oui, il y a des cadavres dans la rue. Ensuite, parce que certains sont prêts à se sacrifier pour sauver des cadavres et leur donner une sépulture digne (...) Il s'agit de défendre les droits de l'homme, même lorsque des êtres humains sont tués", commente le réalisateur.

Intercalées dans ce patchwork, une poignée d'images très dérangeantes, tournées par des soldats du régime, montrant des prisonniers maltraités, insultés, des cadavres profanés.

La découverte sur Youtube des images d'un adolescent nu, prostré, forcé de lécher les bottes de son tortionnaire, a été pour le réalisateur un "élément déclencheur". "Cette scène est ma +scène primitive+. L'image comme archétype de la violence, mais aussi la diffusion de cette violence", explique-t-il.

Enfermé dans son exil parisien, après une conférence fracassante à Cannes en 2011 où il demandait la libération de prisonniers politiques en Syrie, Ossama Mohammed nous rappelle en voix off que le conflit syrien a déjà fait plus de 150.000 morts en trois ans, soit "mille et un jour, les plus longues funérailles de l'Histoire".

Dans un rebondissement de dernière minute, Simav, elle, vient de quitter sa ville de Homs épuisée par deux ans de siège, à la faveur d'un accord conclu début mai entre insurgés et armée. La jeune Syrienne est espérée à Cannes, afin de rencontrer enfin son correspondant et partenaire de cinéma.

dab/pjl/bg

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