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Commission Charbonneau: retour sur une magouille d'envergure sur l'autoroute 40

CEIC: retour sur une magouille d'envergure sur l'A-40
CEIC

EN DIRECT - La commission Charbonneau revient sur les travaux de réfection de chaussée effectués en 2003 sur l'autoroute 40, un projet de 40 millions de dollars qui a été marqué par des magouilles impliquant les Grands travaux Soter (GTS), les firmes de génie Genivar et Tecsult, et un ingénieur corrompu du ministère des Transports du Québec (MTQ), Guy Hamel.

Un texte de François Messier

Elle entend pour ce faire l'ingénieur Yanick Gourde, qui était responsable de mesurer les quantités utilisées sur ce chantier, entre le boulevard Décarie et le boulevard des Sources, pour la firme Tecsult, qui avait obtenu le contrat de conception et de surveillance des travaux en consortium avec Genivar.

Son vis-à-vis au sein de Genivar était l'ingénieure Karen Duhamel, qui a été entendue hier par la commission.

Mme Duhamel a déploré mardi à la commission Charbonneau que le syndic de l'Ordre des ingénieurs du Québec ait refusé d'enquêter en 2003 sur les agissements de Guy Hamel. Elle dit avoir demandé une enquête concernant M. Hamel et Noubar Semerdjian, un ingénieur senior de Genivar qui agissait comme surveillant principal dans le cadre des travaux de réfection de chaussée effectués en 2003 par GTS.

L'ingénieure, alors fraîchement sortie de l'université, avait dit à l'Ordre avoir été témoin, à l'été 2003, qu'un ingénieur de GTS, Patrice Cormier, s'était présenté au bureau de M. Semerjian avec une grosse somme d'argent dans les mains.

« Il avait un motton d'argent. Je suis restée bouche bée. J'ai figé. La secrétaire a dit à cette personne : t'aurais pu au moins la mettre dans une enveloppe! », a-t-elle relaté. M. Cormier est entré dans le bureau de M. Semerdjian et a fermé la porte. « Quand il est ressorti. Il n'avait plus de motton d'argent. »

Mme Duhamel dit avoir rapidement constaté par la suite que les quantités de pierre réclamées par GTS sur ce chantier excédaient largement celles qui avaient été dûment mesurées sur le chantier par des arpenteurs-géomètres. Elle a refusé d'inscrire ces données dans le logiciel permettant de faire les recommandations de paiement au MTQ.

Ces demandes de paiement étaient approuvées par Guy Hamel. Ce dernier était anormalement présent sur le chantier, soutient-elle, tout comme son patron, Claude Paquet. Les travaux de l'autoroute 40, évalués à 35 millions, sont finalement passés à 40 millions en raison des réclamations de l'entrepreneur.

Elle dit s'en être ouverte à M. Gourde, qui lui a répondu que c'était M. Semerdjian qui lui demandait d'inclure les chiffres de GTS. Elle a aussi dénoncé la situation à ses patrons, Jocelyn Drouin et Jean-François Gauthier, mais en vain. Elle dit avoir été « tassée » par M. Semerdjian, qui ne voulait plus qu'elle entre des données dans le logiciel.

Lorsque le syndic fait la sourde oreille

Mme Duhamel n'a eu guère plus d'écoute au syndic de l'Ordre des ingénieurs. « Je leur ai demandé d'enquêter sur Guy Hamel et Noubar Semerdjian. Je leur ai conté au téléphone ce que j'avais vu sur le chantier, ce qu'ils faisaient », a-t-elle expliqué aux commissaires.

« À l'Ordre, on m'a répondu que ça prenait des preuves solides pour pouvoir poursuivre quelqu'un. [...] Ils m'ont dit que je n'avais aucun document tangible pour étoffer ma plainte. [...] On m'a fait comprendre qu'il n'y avait aucune matière à poursuite ni à enquête », a relaté Mme Duhamel.

L'ingénieure, qui travaille aujourd'hui pour la Ville de Montréal, soutient être revenue à la charge auprès de MM. Drouin et Gauthier vers décembre 2003, sa première dénonciation n'ayant entraîné aucun changement au dossier. Elle a plaidé que M. Semerdjian ne « devrait pas travailler au sein de l'entreprise. »

« On m'a répondu que, pour l'avenir, j'ai un choix à faire. Ils m'ont dit de penser à mon affaire avant de commencer à faire des poursuites et des plaintes, dépendant ce que je veux faire de ma carrière. [...] Je suis restée bouche bée, j'ai quand même continué à dénoncer ce qui se passait. »

« Par la suite, on m'a dit que j'étais une personne qui avait une mauvaise attitude, un mauvais comportement », a poursuivi Mme Duhamel. Elle soutient qu'on lui a dit qu'elle n'était plus perçue comme une personne travaillante, comme au départ, mais comme une personne qui « mettait des bâtons dans les roues, qui empêchait les autres de travailler ».

« J'ai fini par quitter. Je ne pouvais travailler pour une entreprise qui avait ces valeurs-là », a conclu Mme Duhamel.

L'ingénieure dit qu'elle a payé très cher pour ses dénonciations dans le dossier. Elle soutient que d'autres firmes de génie qui étaient intéressés à l'embaucher lui disaient qu'elles voulaient vérifier ses références. Or finalement, elle n'était jamais engagée. « Je sais pas ce que t'as fait chez Genivar, mais c'est là que ça bloque », lui dira un proche à ce sujet.

« J'ai passé mon temps à recommencer au bas de l'échelle », a-t-elle laissé tomber.

Le commissaire Renaud Lachance s'est dit étonné de la réaction du syndic de l'Ordre des ingénieurs dans ce dossier. Il s'est dit d'avis que la preuve n'aurait pas été si difficile à faire, et qu'il aurait été « facile de pincer » les gens mis en cause, en comparant par exemple les données des arpenteurs-géomètres avec celles remises au MTQ.

« J'espère juste qu'ils ont changé d'attitude », a dit Mme Duhamel. « J'espère aujourd'hui qu'ils prennent au moins la peine [...] d'enregistrer la plainte et même si tu n'as pas de papier, de faire un minimum de vérifications ».

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Tony Accurso

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