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Division de Chypre: la CEDH condamne Ankara à verser 90 M EUR à des Chypriotes grecs

Division de Chypre: la CEDH condamne Ankara à verser 90 M EUR à des Chypriotes grecs

Treize ans après avoir reconnu la Turquie responsable de violations massives des droits de l'homme par son intervention militaire en 1974 à Chypre et la division persistante de l'île, la Cour européenne des droits de l'homme a alloué lundi une indemnisation record de 90 millions d'euros aux victimes chypriotes grecques.

La CEDH a accordé 30 millions d'euros aux familles des 1.456 personnes disparues, et 60 millions d'euros aux Chypriotes grecs enclavés dans la péninsule du Karpas, dans le nord-est de l'île, victimes, selon la Cour, de discriminations "avilissantes".

Il s'agit "d'un record" dans les indemnisations décidés par la CEDH, selon le service de presse de la Cour de Strasbourg.

La décision complète un arrêt du 10 mai 2001 dans lequel la Cour, saisie par l'Etat chypriote grec, avait reconnu la Turquie coupable de violations "massives et continues" des droits de l'homme depuis 1974. A l'époque elle avait repoussé à une date ultérieure le volet sur le montant des dédommagements.. Mais Chypre n'a exposé qu'en juin 2012 ses prétentions.

L'île est divisée depuis 1974, quand l'armée turque a envahi le Nord après un coup d'Etat d'ultranationalistes chypriotes-grecs, soutenus par la junte alors au pouvoir à Athènes, qui voulaient rattacher l'île à la Grèce.

Dans leur arrêt de 2001, les juges avaient estimé que la responsabilité de la Turquie ne se limitait pas aux actes commis par les 30.000 soldats turcs occupant le Nord de l'île, mais s'étendait "aussi aux actes de l'administration locale, qui survit grâce au soutien" d'Ankara.

La CEDH avait épinglé, entre autres, le sort des Chypriotes grecs portés disparus après l'intervention turque, et les spoliations des Chypriotes grecs ayant fui le Nord de l'île de leurs biens immobiliers.

Ses juges avaient également condamné pêle-mêle la censure des manuels scolaires dans le nord de l'île, le refus des droits successoraux aux parents d'un défunt s'ils habitent dans le sud, ou d'autres discriminations à l'encontre des Chypriotes grecs enclavés dans le nord, "en dépit d'améliorations" depuis la fin des années 1990.

La réparation ordonnée lundi à Ankara vise à dédommager des victimes individuelles, familles de disparus ou personnes ayant résidé entre 1974 et 2001 dans la péninsule du Karpas. Ces montants leur seront personnellement distribués par le gouvernement de Chypre.

La Cour n'a pas alloué d'indemnisations concernant les atteintes au droit de propriété. Elle rappelle que le gouvernement turc ne s'est "pas encore conformé" à ses conclusions de 2001, interdisant notamment toutes ventes ou exploitations de logements ou autres biens de Chypriotes grecs dans le nord.

A la demande de la CEDH, une commission d'indemnisation a été instituée en 2005 par la République turque de Chypre du Nord (RTCN, reconnue par la seule Turquie) pour ces questions.

En 2006, dans ce cadre, la RTCN avait pour la première fois accepté de régler à l'amiable des demandes de Chypriotes grecs concernant des conflits de propriété.

Selon le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, la décision de la CEDH n'est "en aucun cas contraignante au regard du droit international", et elle n'a "aucune signification pour nous", a-t-il ajouté.

La décision d'indemnisation est cependant définitive et la convention européenne des droits de l'homme, à laquelle la Turquie a adhéré, est un texte contraignant, rappelle-t-on à la CEDH.

M. Davutoglu a également critiqué le "mauvais" moment choisi pour publier la décision de la CEDH, allant à l'encontre "du climat psychologique qui entoure les négociations de paix à Chypre", selon lui.

De fait, les discussions directes entre le Nord et le Sud ont repris en février, sous l'égide de l'ONU et grâce à l'appui marqué des Etats-Unis. Récemment, le président chypriote-turc Dervis Eroglu a même estimé possible un règlement du problème chypriote dans le courant de l'année.

Une première tentative de réunification a échoué en 2004 --les Chypriotes-grecs en ayant refusé les conditions par référendum--, et les pourparlers sous l'égide de l'ONU sont restés infructueux avant d'être interrompus en 2012.

Le gouvernement chypriote a salué lundi la décision de la CEDH affirmant qu'il attendait de la Turquie qu'elle se conforme entièrement au jugement.

Chypre est "particulièrement satisfaite" de la référence de la Cour au fait que la Turquie "ne s'est pas conformée totalement à la décision de 2001", a déclaré le porte-parole du gouvernement chypriote, Nicos Cristodoulides dans un communiqué.

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