Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Espagne: investir dans le solaire, mauvaise pioche pour 62.000 particuliers

Espagne: investir dans le solaire, mauvaise pioche pour 62.000 particuliers

David Utiel se rappelle encore les mots du gouvernement espagnol en 2007 pour inciter à investir dans l'énergie solaire: "le soleil peut être à vous". Sept ans plus tard, lourdement endetté, il regrette, comme 62.000 particuliers, d'avoir suivi ses conseils.

"Comment je me sens aujourd'hui? Trompé totalement, arnaqué, déçu, dégoûté", dit ce professeur d'électronique de 37 ans, qui partage avec 23 autres habitants de son village de Madrigueras, près d'Albacete, dans l'est de l'Espagne, un parc de près de 360 panneaux photovoltaïques.

"C'est l'Etat qui nous a donné le déclic" en disant "que cela pouvait être quelque chose de très rentable", raconte-t-il, en foulant le terrain aux herbes folles où ont été installés ces panneaux, à la sortie du village.

Encouragé, David avait mis 450.000 euros dans ce projet en 2007, misant sur cette énergie et la promesse de revenus réguliers comme la vingtaine d'autres habitants impliqués, "des gens absolument normaux, de milieu rural, certains travaillant dans l'enseignement, d'autres dans l'agriculture, d'autres dans de petites usines".

"Notre idée n'était pas de partir à la chasse aux subventions, de devenir millionnaires, rien de ce genre: notre idée, c'était de pouvoir avoir une sorte de plan de retraite".

Mais le gouvernement, empêtré face à la crise et confronté à un système énergétique largement déficitaire, a coupé peu à peu dans les aides aux renouvelables.

Ce qui lui a fait perdre sa précieuse avance, rappelle David, qui note que "l'Allemagne, avec deux fois moins d'heures de soleil que l'Espagne, a aujourd'hui près de dix fois plus de puissance photovoltaïque" installée.

Et pour les particuliers qui y ont cru, le soleil s'est avéré un mauvais pari.

"Le gouvernement lui-même, qui nous a incités à placer nos économies dans la génération d'énergie photovoltaïque, a commencé à appliquer des coupes rétroactives alors que les installations étaient déjà construites: c'est-à-dire qu'il a changé les règles du jeu en plein milieu de la partie!" dénonce Miguel Angel Martinez-Roca, président de l'Anpier, association qui regroupe 4.300 petits producteurs.

Décret après décret, la rémunération de cette énergie propre a fondu et désormais elle ne représente plus, dans certains cas, que la moitié de celle promise au départ.

L'autre association, l'Unef, qui compte aussi des fabricants de matériel, a chiffré à 920 millions d'euros le manque à gagner en 2014, le secteur accumulant déjà une dette auprès des banques de 22 milliards d'euros.

"La situation est franchement dramatique", assure Miguel Angel Martinez-Roca, car "des milliers de citoyens espagnols sont coincés" entre le coût des installations, le faible revenu qu'elles génèrent et le remboursement des prêts.

"Ces six derniers mois, je crois avoir reçu peut-être 3.000 à 3.500 euros (de rémunération, ndlr), alors que les échéances pour la banque et les coûts avoisinent les 18.000-20.000 euros", soupire David Utiel, qui a hypothéqué sa maison.

L'Anpier, qui a déposé plusieurs recours en justice contre l'Etat et saisira Bruxelles si cela n'aboutit pas, veut mobiliser ses troupes: sur plusieurs mois, elle organise une trentaine d'assemblées dans toute l'Espagne pour informer les particuliers ayant investi dans le photovoltaïque.

A l'horizon, une manifestation le 21 juin à Madrid "pour dire clairement au gouvernement que nous ne sommes pas disposés à ce qu'ils nous ruinent, qu'ils nous insultent, qu'ils nous trompent de cette manière", explique Miguel Angel Martinez-Roca.

Dans le village de Mahora, toujours près d'Albacete, Manuel Alonso Caballero, 39 ans, est lui aussi désabusé: "j'ai misé sur le photovoltaïque, j'y suis entré parce que je croyais réellement ce qu'ils disaient, je croyais à la génération d'électricité par les renouvelables, mais je vois que je me suis trompé".

Autrefois employé dans le secteur aéroportuaire, il a quitté son travail pour monter sa propre installation de panneaux solaires, dans laquelle il estime avoir investi près d'1,5 million d'euros.

Manuel pensait l'amortir en treize ans mais avec les coupes, "oublions tout amortissement: maintenant, je ne sais même pas si j'arriverai à finir de la payer".

Fils d'agriculteurs, il s'inquiète aussi pour ses parents, qui s'étaient portés garants pour lui auprès de la banque. "Je suis profondément déçu par l'Espagne", dit-il.

ka/sg/glr

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.