Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Dans le coin le plus pauvre des Etats-Unis, le rejet d'Obama

Dans le coin le plus pauvre des Etats-Unis, le rejet d'Obama

Jim Feltner ne fait rien ou presque de ses journées. Il est pauvre, dans le comté le plus pauvre des Etats-Unis, dans le Kentucky, et vit d'aides sociales. Et il maudit Barack Obama, qui a fait de la lutte contre les inégalités son slogan.

La mâchoire serrée, il est assis sur une chaise en plastique au milieu d'un capharnaüm de voitures rouillées et pièces détachées, éparpillées autour de son mobile-home délabré. Il n'a pas la télévision, alors il contemple la route.

"Les gens survivent à peine ici. Je le sais car j'en fais partie", dit le grand-père, 61 ans. Il touche une pension d'invalidité, après deux crises cardiaques, et 105 dollars de bons alimentaires par mois.

Il avait voté pour Bill Clinton. Mais Obama, "je ne voterai jamais pour lui, je préfèrerais encore voter pour un démocrate, un républicain, un Indien, un Pakistanais, même un Français..."

La raison? Le charbon, d'abord. Il accuse Barack Obama de tuer, à coup de normes environnementales, cette région minière des Appalaches. Depuis 2011, 30% des emplois de mineurs ont disparu, environ 4.000, une dépression à mettre aussi sur le compte de la concurrence du gaz naturel.

"Il a dit, je l'ai entendu de mes propres oreilles, qu'il ferait fermer toutes les usines thermiques au charbon. Est-ce qu'un président peut se permettre de dire une chose pareille?" demande Jim. "Il a un problème avec les pauvres".

L'est du Kentucky, région sous perfusion de l'Etat providence, est l'épicentre de la "guerre contre la pauvreté" lancée ici-même en 1964 par le président démocrate Lyndon Johnson.

Mais 50 ans plus tard, un autre démocrate, Barack Obama, est une figure honnie. En 2012, au niveau national, 63% des bas salaires (moins de 30.000 dollars) ont voté pour lui. Dans le comté de Wolfe, 60% des électeurs ont choisi lors de la dernière présidentielle le républicain Mitt Romney. Dans des comtés voisins, son score a dépassé 80%.

Wolfe a le revenu moyen le plus bas des 3.146 comtés américains (31.000 dollars par foyer et par an). 41% des habitants y vivent sous le seuil de pauvreté (11.670 dollars pour une personne). 35% touchent des bons alimentaires.

Même aversion à Jackson, 21 kilomètres au sud sur la même route. Eric Miller, 28 ans, les dents déjà abîmées et un accent épais comme ses bras tatoués, dit que la politique ne l'intéresse pas; il n'a voté qu'une fois et ne sait plus pour qui. Mais il sait une chose: il n'aime pas Barack Obama.

"Les démocrates ne s'intéressent qu'à s'en mettre plein les poches. Ils se fichent des petits comme nous", justifie-t-il. "Les républicains, ils sont comme nous, ils savent ce dont on a besoin, et ce qu'il faut pas nous enlever".

"Sans les aides sociales, ce serait une ville fantôme", dit-il. Lui-même touche 380 dollars le 6 de chaque mois, pour lui et sa compagne.

Ces cartes magnétiques sont créditées en début de mois d'un montant dépendant des revenus du foyer. Elles sont utilisables dans certains magasins, uniquement pour des aliments, bien qu'elles soient détournées sur le marché noir pour acheter des cigarettes ou des antidouleurs.

En début de mois, "il y a une atmosphère de festival à Jackson", raconte Mike Bryant, responsable républicain local. "Celui qui osera dire qu'il faut repenser le programme de bons alimentaires finira pendu à l'arbre le plus proche".

Alors pourquoi Barack Obama, dont les alliés démocrates du Congrès ont échoué face aux républicains pour annuler la récente baisse des bons alimentaires, est-il si impopulaire?

Le racisme est le sujet tabou, et plane au-dessus de chaque conversation. Jackson est blanche à 98% et la région a un historique lourd --fin 2011, une église plus à l'est a fait scandale en excluant les couples mixtes.

Mais, selon Mike, les motivations principales des électeurs, dans les urnes, restent le charbon et les questions de société: avortement, armes, mariage gay --"les trois gros". Nous sommes en pays chrétien conservateur.

Pour le politologue Stephen Voss, à l'Université du Kentucky, le seul élément qui distingue les électeurs locaux des conservateurs du reste du pays est qu'ils ne sont pas anti-Etat. Du reste, leurs valeurs sont alignées avec le parti républicain.

"L'avortement, le charbon, la politique énergétique, ce sont des sujets qui poussent ces électeurs vers le parti républicain", analyse-t-il. "Il s'agit d'un conservatisme relatif".

ico/lb/glr

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.