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A la frontière Est de l'Europe, Chypre, cul-de-sac pour les immigrés

A la frontière Est de l'Europe, Chypre, cul-de-sac pour les immigrés

"Chypre étant un pays européen, je pensais être tiré d'affaires en arrivant ici". Mais après plus de deux ans et demi, le Syrien Roni Amude a déchanté et comme de nombreux immigrés il cherche maintenant par tous les moyens à quitter l'île.

Si Chypre est située à la frontière Est de l'Europe, ce qui en fait notamment le pays de l'UE le plus proche de la Syrie, et partage une frontière poreuse avec sa partie Nord sous occupation turque, elle n'a pas connu de déferlante d'immigration clandestine ces dernières années, contrairement à d'autres îles méditerranéennes.

"Cela s'explique par le fait qu'il n'y a aucune politique d'intégration à Chypre, le pays s'efforce de rester une voie sans issue" pour les étrangers, estime Me Nicoletta Charalambidou, avocate spécialisée dans l'immigration.

Sans aucune perspective de pouvoir s'installer durablement, Roni Amude compte se rendre en Angleterre où son épouse a déjà débuté les démarches pour obtenir l'asile.

"Impossible d'obtenir le statut de réfugié, ni la nationalité ni quoi que ce soit ici", renchérit Sami Bilad, un kurde syrien rencontré dans le centre de rétention où il est enfermé depuis six mois. Il a perdu son emploi puis son permis de séjour après 12 ans passés à Chypre.

Les perspectives d'intégration sont d'autant plus faibles que l'économie est exsangue et l'opinion publique hostile.

Parmi les demandeurs d'asile, moins de 10% ont obtenu une protection internationale ces dernières années selon Eurostat, loin derrière la moyenne européenne, et la nationalité s'obtient au compte-gouttes.

Quant aux nombreux travailleurs immigrés, notamment les domestiques, ils ne peuvent rester que quatre ans sauf dérogation, leur droit de séjour s'annulant lorsqu'il n'ont plus d'emploi. La crise que traverse l'île a donc créé de nombreux sans-papiers, et expulsions et placements en détention se sont multipliés.

Mais la fermeté du gouvernement a déclenché des protestations, notamment lorsque des mères en rétention ont été séparées de leur enfant, ou bien des étrangers expulsés alors même qu'ils étaient mariés à des ressortissants européens ou qu'ils n'avaient pas épuisé tous leurs recours.

Chypre a été condamnée en juillet 2013 par la Cour européenne des droits de l'Homme pour avoir tenté d'expulser en 2010 un Syrien dont le cas était toujours en cours d'examen par la justice, qui l'a finalement reconnu comme réfugié.

Amnesty International a fustigé en mars le "traitement honteux" des migrants et réfugiés, déplorant, tout comme l'agence de l'ONU pour les réfugiés, le maintien en rétention administrative de sans-papiers pendant des mois, y compris lorsqu'il n'y a aucune possibilité de les expulser, comme dans le cas des Syriens.

Et le Commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, Nils Muiznieks, a condamné le placement en rétention de femmes qui se retrouvent ainsi séparées de leur enfant.

Dans le centre de rétention flambant neuf de Menoyia, dans le sud de l'île, où la durée moyenne de séjour est officiellement de 5 mois, se trouvent une quinzaine de Syriens, mais aussi une dizaine de citoyens européens, officiellement car ils constituent un risque pour la sécurité de Chypre.

"Nous sommes l'un des pays européens avec la plus forte proportion de demandeurs d'asile, mais nous avons réussi à gérer cette situation, les chiffres le prouvent", se félicite Makis Polydorou, directeur du service d'asile.

"Nous sommes accusés d'être inhumains", mais "nous ne faisons qu'appliquer les acquis communautaires, en tenant compte des droits de l'Homme", argumente-t-il, faisant valoir que "la notion de partage du fardeau (entre membres de l'UE) est balbutiante, et nous avons une pression énorme"

"Le message ainsi envoyé aux candidats à l'immigration, notamment syriens, est clair: 'si vous venez à Chypre, vous risquez d'être arrêtés'", ce qui les décourage de venir, déplore Doros Polykarpou, qui dirige l'association d'aide aux migrants Kisa.

Depuis le début du conflit en Syrie en mars 2011, 1.380 Syriens ont demandé asile. Seule une poignée a obtenu le statut de réfugié.

Selon plusieurs militants, Bruxelles "enquête sur l'opportunité de lancer une procédure pour violation de directives européennes" notamment sur le droit d'asile.

cnp/sw/cbo

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