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«L'Afghanicide»: la mission canadienne vue par l'ancien militaire Martin Forgues

«L'Afghanicide»: réflexions sur une guerre qu'on ne voulait pas gagner
AP

Une tête bien faite plutôt qu’une tête bien pleine : voilà la mission que s’est donnée Martin Forgues, ex-militaire devenu journaliste indépendant, pour son premier livre L’Afghanicide : cette guerre qu’on ne voulait pas gagner.

À la première lecture, le titre choisi choque. Par «afghanicide», l’auteur a-t-il voulu suggérer la conclusion d’une guerre pour laquelle le Canada a englouti 11 milliards de dollars? «On a perpétré un cercle de violence et de misère, lance sans détour Martin Forgues. Le pays est condamné à mourir à petit feu.»

Pourtant, l’ancien soldat parle en toute connaissance de cause. Il a passé 11 ans de sa vie à servir les Forces canadiennes, avec des missions en Bosnie et en Afghanistan, et est de nouveau retourné en sol afghan l’automne dernier afin de compléter son livre.

Là-bas, il dit s’être heurté à la «dure réalité». Le spin politique qui dictait la mission des troupes canadiennes dès le départ, soit de se battre «afin que les petites Afghanes puissent aller à l’école», est à mille lieues de la réalité. Plus inquiétant encore, la population s’en remet à l’Émirat islamique d’Afghanistan, le «gouvernement fantôme» des talibans.

«Oui, il y a eu des progrès et des efforts, mais ce n’est pas viable, tranche le journaliste. Dans des villages plus conservateurs, on ne peut pas arriver à complètement changer une culture.» Les petites Afghanes peuvent étudier, certes, mais les talibans détruisent les écoles.

Travail inachevé

Martin Forgues est catégorique: l’Occident a manqué sa cible. Si les troupes se retirent, la reconstruction, elle, reste en plan. «Les Afghans voyaient les Canadiens différemment des Américains. Pour eux, nous étions des bâtisseurs.»

Dans son livre, il se désole des présumés «succès» dont se targue le gouvernement canadien, alors que ses anciens confrères militaires continuent de panser leurs plaies. Non pas que l’ancien soldat renie son ancien employeur – au contraire, il ne manque pas de souligner le travail et la bonne volonté de ses confrères.

«Il faut revoir nos façons d’intervenir, ajoute Martin Forgues. On a voulu combattre un ennemi non conventionnel avec des moyens conventionnels.» Selon lui, les Forces armées canadiennes ont les outils pour aider le pays en guerre à créer un environnement plus sécuritaire. «Après, ils en feront ce qu’ils en voudront. Vouloir imposer la démocratie est un but très noble, mais on n’est pas là pour ça.»

Questionner pour mieux honorer

L’Afghanicide : cette guerre qu’on ne voulait pas gagner compte moins de 100 pages, juste assez pour susciter une réflexion sur cette guerre méconnue du public. La première Journée nationale de commémoration se tiendra d’ailleurs le 9 mai 2014, qui soulignera la fin de la mission canadienne en Afghanistan.

Pour Martin Forgues, qui vend ses articles sur les actualités militaires à la pige, ce premier livre n’est pas un aboutissement, mais un début. «Je n’ai pas la prétention d’avoir la science infuse», précise celui qui se décrit comme un journaliste engagé. Au lieu de donner des médailles, il pose des questions. «C’est ma façon d’honorer les autres qui ont combattu, les blessés et les morts.»

La tête pleine de projets, Martin Forgues compte aussi démystifier la situation des «anciens» combattants, les jeunes de 20 ou 30 ans qui, comme lui, se refont une vie après la guerre. Il en est à terminer un documentaire qui se nommera Du sable dans les bottes.

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