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Obésité au Canada : l'Institut Fraser est accusé de manipuler les chiffres

Obésité au Canada : l'Institut Fraser est accusé de manipuler les chiffres
Digital Vision. via Getty Images

Un rapport de l'Institut Fraser affirmant qu'il n'y a pas d'épidémie d'obésité au Canada suscite de nombreuses réactions. Des professionnels de la santé remettent en doute sa crédibilité.

Selon cette étude, basée sur des données de Statistique Canada et qui a été réalisée par des chercheurs de l'organisme, le taux d'obésité et de surpoids de la population canadienne est stable depuis plusieurs années. À la lumière de ces données, le rapport souligne que le problème de l'obésité n'est pas collectif, mais individuel.

Il s'attaque aux mesures gouvernementales de lutte à l'obésité, qu'il ne considère pas comme nécessaires, mais plutôt coûteuses et inefficaces. Selon l'organisme, ces mesures sont un fardeau pour l'ensemble des Canadiens.

L'Institut Fraser se qualifie comme un organisme de recherche non partisan et indépendant basé au Canada. Il avoue toutefois défendre « la réduction de l'intervention gouvernementale ».

L'analyse des données que fait l'Institut Fraser et ses conclusions sont cependant qualifiées de « simplement ridicules » par Martin Juneau du Centre EPIC de l'Institut de cardiologie de Montréal.

« Les chiffres de Statistique Canada montrent une augmentation constante. C'est vrai qu'il y a eu un petit fléchissement, c'est-à-dire que l'augmentation est moins rapide depuis deux, trois ans, mais il demeure qu'il y a une augmentation », critique-t-il.

M. Juneau souligne que l'étude ne parle que de l'obésité en terme de poids, mais que la problématique est beaucoup plus complexe.

« Il y a l'obésité abdominale qui est très importante et qui a beaucoup augmenté au cours des dernières années. C'est elle qui est nocive pour la santé surtout. On le voit, le diabète a augmenté de 70 %, 80 %, chez les hommes, chez les femmes. Donc dire qu'il n'y a pas de problème c'est aberrant. Ça me fait penser exactement à la stratégie du tabac. Je pense qu'ils s'inspirent de l'industrie du tabac, qui pendant 40 ans a nié les effets néfastes du tabac », dit-il.

Répondant aux conclusions de l'Institut Fraser qui affirme que le Canada devrait abandonner ses mesures de lutte à l'obésité, M. Juneau indique que les solutions au problème demandent un engagement des gouvernements.

« Les solutions c'est moins de sucre dans les aliments, moins de sel. Des règlements. Possiblement taxation des boissons sucrées, zonage pour empêcher la malbouffe près des écoles, mettre les calories sur les menus », détaille-t-il.

Seconde remise en doute

« Quand on regarde les premiers tableaux du rapport de l'Institut, on le voit qu'il reprennent les données de Statistique Canada avec une hausse d'obésité, mais ils s'amusent à les décortiquer différemment pour essayer de faire parler les chiffres autrement. [...] On sait que l'Institut, c'est le genre de pratique qu'ils font. On l'a vu dans l'histoire du tabac », déclare Corinne Voyer, directrice de la Coalition québécoise sur la problématique du poids.

Mme Voyer souligne que plusieurs autres études vont contre les conclusions de l'Institut Fraser.

« Tout récemment, au début du mois de mars, une étude démontrait l'inverse. Que s'il n'y avait pas d'actions plus porteuses, les tendances d'obésité continueraient d'augmenter au Canada. Les données les plus fiables qu'on a au Québec à ce jour datent de 2004, et c'était 57 % de la population atteinte de surpoids. Là-dedans, à peu près 22 % d'obésité et 35 % d'embonpoint. On sait que c'est 1 jeune sur 4 au Québec qui a un problème de surpoids. Et récemment, en 2013, l'UNICEF avait publié un rapport qui disait que le Canada était le troisième pire pays au rang de l'obésité infantile parmi les pays développés », dit-elle.

Elle affirme remettre en question l'analyse de l'Institut Fraser, mentionnant qu'on ne sait pas qui a financé l'étude. Corinne Voyer soupçonne les compagnies agroalimentaires, « un lobby qui est très fort et très présent depuis quelques années ».

L'étude de l'Institut Fraser

Les chercheurs de l'Institut affirment donc que le taux de surpoids des Canadiens est resté stable de 2003 à 2012. Quant au taux d'obésité, qui est passé de 15,3 % à 18,4 % de 2003 à 2012, il n'a pas changé de manière significative depuis 2009, affirment les chercheurs.

Notons qu'en ce qui concerne le taux d'obésité, après avoir augmenté de 2003 à 2010 chez les hommes, de 16 % à près de 20 %, il est maintenant en baisse à un peu plus de 18,5 %, un retour au taux de 2007. La situation est très différente chez les femmes, alors que le taux d'obésité chez ce groupe ne cesse d'augmenter depuis 2003, passant de 14,5 % à 18 %.

Par ailleurs, chez les jeunes âgés de 12 à 17 ans, les taux combinés de surpoids et d'obésité entre 2005 et 2012 ont subi une augmentation d'un peu plus de 2 %. L'étude considère tout de même que ces taux sont demeurés stables.

Chez les jeunes garçons, après avoir été stables pendant la plus grande partie de cette période, ces taux sont passés de près de 24 % à près de 28 % entre 2011 et 2012. Chez les jeunes filles, après avoir été en augmentation constante de 2007 à 2011, passant de près de 13,5 % à 17 %, les taux combinés de surpoids et d'obésité sont tombés à 15,5 % en 2012.

Dans cette étude, le surpoids et l'obésité ont été considérés selon la masse corporelle des individus, qui est calculée en divisant le poids en kilogramme par la taille en mètres au carré. Une personne est considérée en surpoids lorsqu'elle a une masse corporelle qui se situe entre 25 et 30. Un obèse a une masse corporelle qui dépasse 30.

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