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Aux Etats-Unis, le burlesque, un strip-tease qui ne se prend pas au sérieux

Aux Etats-Unis, le burlesque, un strip-tease qui ne se prend pas au sérieux

Le jour, Amanda est une comptable rangée. Certaines nuits, elle se transforme en poupée délurée et se trémousse les seins à l'air dans des cabarets de burlesque, un strip-tease en pleine renaissance aux Etats-Unis qui entend réconcilier la chair et l'intellect.

"Quand je me déshabille devant des inconnus, j'ai confiance en moi comme jamais", confie Amanda, 28 ans, avant de monter sur la scène du Black Cat, une salle de concerts de Washington qui accueille parfois des spectacles de burlesque.

"Ma famille désapprouve totalement", souffle la jeune femme qui, une fois en pleine lumière, oublie tous ses complexes d'ancienne boulimique. "Mes parents sont de fervents républicains, ils sont très obtus".

Mais ce soir Amanda est à des années-lumière de sa ville du Sud des Etats-Unis. Elle est "Ellie Quinn". Elle arrive sur scène moulée dans une robe qui souligne ses formes généreuses, une perruque blonde en mousse sur le chef.

Mais gare! Si "Ellie Quinn" joue d'abord la poupée, au fur et à mesure que s'égrène la mauvaise dance music, elle se dénude, prend de l'assurance et se fait vindicative. Dans son dos, elle a inscrit au feutre "One size doesn't fit all" (Non aux tailles uniques), jette sa perruque à terre et redevient Amanda, une femme américaine à lunettes, épidermiquement opposée aux canons imposés par les magazines.

"Ellie Quinn" ne redescendra pas de scène totalement nue. Le burlesque se démarque en cela du strip-tease conventionnel que les artistes recouvrent leurs tétons d'une chaste pastille surmontée d'un pompon et leur string reste en place.

Et puis, "à la différence des artistes qui font du burlesque, les strip-teaseuses gagnent assez d'argent pour payer le loyer", sourit Danielle, alias "Gigi Halliday", compagne de scène d'Amanda qui, comme beaucoup d'artistes de burlesque, ne peut pas vivre de son art.

S'avance Amy, alias "Reverend Valentine", déguisée en lapin de Pâques lubrique. Après deux pas de danse, elle se débarrasse de sa fourrure pour se retrouver inévitablement (presque) nue.

Dans un spectacle de burlesque, l'aspect cabaret prime avant tout. Ici, pas de nu intégral, ça n'est pas l'objectif. Et "aux Etats-Unis, la nudité met les gens mal à l'aise, mais elle les intrigue. Ils veulent voir, mais ne savent pas comment réagir. Et ça nous donne un certain pouvoir!", note Asha, alias "Cherokee Rose". Avec ses plumes derrière lesquelles elle se cache pour se déshabiller sur scène, la jeune femme a quelque chose de Joséphine Baker.

Dès ses débuts, le burlesque s'est voulu comme "une sorte de parodie, de vaudeville", explique Melina Afzal, productrice de spectacles de burlesque à Washington. "Nous racontons des histoires, c'est un strip-tease théâtralisé", où l'humour et la provocation ne sont jamais absents.

Le burlesque a connu son heure de gloire au début du 20e siècle, survécu à la Prohibition (1919-1933) pour s'éteindre dans les années 1960 et connaître une fulgurante renaissance il y a une petite dizaine d'années, aidé par les films "Moulin Rouge" (2001) et "Burlesque" (2010), avec Cher et Christina Aguilera. Et le Français Mathieu Amalric a réalisé "Tournée" qui suit l'itinéraire d'une troupe de burlesque.

Aujourd'hui, rien qu'à Washington plus d'une demi-douzaine de salles proposent des spectacles de burlesque. "Nous arrivons à saturation, en tout cas sur la côte Est. Il y a trop de spectacles, trop de producteurs", regrette Melina.

Sa popularité, le burlesque le doit sans doute à son aspect "sûr et sexy", pense-t-elle. "On peut y aller sans être jugé".

A le voir tout sourire, prêt à siffler de joie dès que tombe un soutien-gorge, le public du Black Cat en redemande.

Clark, un quadragénaire hilare venu avec Sheryl, sa compagne, jure ses grands dieux ne pas être uniquement venu pour voir des danseuses se dénuder, et puis, "je suis Canadien, je sais que les Américains ne se déshabillent pas complètement".

"Mais oui, c'est de l'art!", renchérit Sheryl, dans un éclat de rire.

gde/jca/mpd

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