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Le Maracana, du temple populaire à l'enceinte élitiste

Le Maracana, du temple populaire à l'enceinte élitiste

C'est la Mecque du football: le stade Maracana de Rio de Janeiro, théâtre du drame national de 1950, accueillera le 13 juillet sa deuxième finale de Coupe du monde, dans un cadre modernisé certes, mais aussi aseptisé et élitiste.

Entièrement rénové, ce stade mythique dont rêve tout footballeur ou supporteur, n'a plus de commun que le nom avec le chaudron bouillant rempli de 200.000 spectateurs qui fut saisi d'un silence sépulcral l'après-midi du 16 juillet 1950.

L'impossible venait de se produire. Le Brésil euphorique avait eu tort de s'auto-couronner champion du monde pour la première fois avant la rencontre. D'une frappe au ras du poteau après un débordement sur son aile droite, à la 79e minute, Alcides Ghiggia changeait le cours de l'histoire en marquant le but de la victoire pour l'Uruguay (2-1).

Soixante-quatre ans plus tard, la Seleçao emmenée par Luiz Felipe Scolari et sa star Neymar essaiera d'évacuer le spectre de ce drame, le "Maracanazo", que cinq titres mondiaux n'ont pu totalement effacer.

Selon le programme du Mondial, le Brésil ne jouera d'ailleurs au Maracana que s'il dispute la finale.

"Maracana" ? C'est le nom du quartier de Rio de Janeiro où l'enceinte a été construite. Le mot vient du dialecte indigène tupi, "maraka'nã", qui signifie perroquet.

Le stade s'appelle officiellement Mario Filho, du nom d'un célèbre journaliste qui avait milité pour sa construction.

Son édification, comme pour les stades du Mondial-2014, s'était accompagnée de polémiques.

Son prix exorbitant, les retards dans les travaux. En 1947, la Fifa avait accordé au Brésil le premier Mondial d'après-guerre. La construction a démarré en 1948, et l'inauguration du Maracana ne s'est faite que 10 jours avant le match d'ouverture du tournoi! Et encore, il était inachevé.

Il a été financé en partie par la vente de sièges captifs, sortes de concessions à perpétuité acquises par des cariocas qui se les lèguent de génération en génération. Une particularité controversée puisque la Fifa ne les reconnaît pas.

"La dilapidation de ciment, de temps et d'argent était justifiée. Le Maracana devait être imposant, mais aussi suffisamment solide pour supporter plus de 200.000 personnes en train de sauter", a résumé le journaliste Teixeira Heizer dans son livre "Maracanazo".

Depuis, il a accueilli des légendes du ballon rond et d'autres événements. Le "Roi" Pelé, triple champion du monde (1958, 1962, 1970), y a marqué son millième but, sur penalty.

D'autres légendes du foot brésilien comme Garrincha et Zico y ont étincelé en club.

Il fut aussi le théâtre de méga concerts de Frank Sinatra, Paul McCartney ou Kiss.

Mais au tournant du siècle, son visage allait changer. Son âme aussi, regrettent certains. Une première rénovation en 1999 a réduit sa capacité à environ 100.000 spectateurs. Le Maracana perdait ainsi son titre de plus grand stade du monde.

Quelques années plus tard disparaissait la fameuse travée "générale", un secteur sans places assises dont l'accès était gratuit à partir de la mi-temps.

En prévision du Mondial-2014, le Maracana a été profondément transformé pendant deux ans et demi, pour un coût de 600 millions de dollars.

"Je ne suis pas un nostalgique qui pense que rien ne devait changer. Cela reste une église, mais désormais, une église réformée", confie à l'AFP Marcos Guterman, auteur du livre "Le football explique le Brésil".

Aujourd'hui, c'est un stade hypermoderne, respectueux de l'environnement et sûr, qui peut accueillir environ 78.000 spectateurs, tous assis sur des sièges numérotés.

Mais il a son lot de détracteurs, qui le jugent aseptisé. Et réservé aux riches: peu de Brésiliens peuvent se payer une entrée dans le stade, y compris parfois la moins chère, qui s'est élevée à 100 reais (45 USD) pour un classico Flamengo-Fluminense il y a quelques semaines.

Pour en finir avec les gradins vides, le club carioca de Fluminense vient de baisser le prix du billet le plus modique à 10 reais (4,5 USD), ce qui a contribué à attirer quelques dizaines de milliers de spectateurs supplémentaires. Mais pour les autres clubs ?

C'est en tout cas dans ce néo-Maracana archi-comble que le Brésil a écrasé l'invincible armada espagnole (3-0) l'année dernière en finale de la Coupe des Confédérations, dans une ambiance surchauffée à donner la chair de poule.

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