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Dernier hommage à Win Tin, héros de la lutte pour la démocratie en Birmanie

Dernier hommage à Win Tin, héros de la lutte pour la démocratie en Birmanie

Des milliers de personnes ont rendu un dernier hommage mercredi à Win Tin, héros de la lutte pour la démocratie en Birmanie, mort à 84 ans sans jamais avoir abandonné son combat pour la liberté.

Dans un cimetière de la banlieue de Rangoun, citoyens ordinaires, militants, et personnalités politiques, dont le prix Nobel de la paix Aung San Suu Kyi, ont défilé devant le cercueil au couvercle transparent du cofondateur du parti historique de l'opposition à la junte.

Nombre de Birmans endeuillés étaient vêtus de bleu, couleur des uniformes des détenus.

Win Tin, dont les dix-neuf années enfermé ont fait de lui le prisonnier politique birman ayant passé le plus de temps derrière les barreaux, portait toujours une chemise bleue en leur hommage et pour réclamer la libération des autres détenus de conscience.

La Pyae Way, militant de 28 ans, a espéré que la jeune génération s'inspirerait des idéaux et des sacrifices du défunt. "A chaque fois qu'il y aura des nuages dans le ciel, il sera notre ciel bleu".

Le cercueil a ensuite été porté en terre, entouré par une foule chantant un hymne du soulèvement populaire de 1988: "Le monde peut prendre fin / Mais notre peine ne peut pas / Le sang noble que nous avons versé pour la révolution / Oh nos héros qui ont sacrifié leur vie pour leur combat pour la démocratie".

Win Tin était l'un des membres fondateurs, avec Suu Kyi, de la Ligue nationale pour la démocratie (LND), créée au moment où la junte écrasait ce mouvement de 1988, faisant au moins 3.000 morts.

L'année suivante, il est arrêté et restera en prison jusqu'en septembre 2008. A sa libération, le militant raconte la torture et les années en isolement mais refuse d'abandonner son combat.

Son décès lundi dans un hôpital de Rangoun a provoqué une avalanche d'éloges de ses camarades de lutte, de défenseurs des droits de l'homme et de la communauté internationale.

Suu Kyi a notamment salué en son vieil allié un homme qui était "la fierté du pays, la fierté de l'humanité".

Le ministère français des Affaires étrangères a de son côté estimé mercredi qu'il avait "incarné pendant plus de quarante ans la résistance face à l'oppression et la lutte pour la liberté, aux côtés d'Aung San Suu Kyi".

"Sa bravoure face à des épreuves cruelles continue à trouver un écho à travers le fragile processus de réformes de la Birmanie", a renchéri Kenneth Roth, directeur exécutif de Human Rights Watch (HRW).

La junte au pouvoir pendant près d'un demi-siècle s'est autodissoute en mars 2011, transférant ses pouvoirs à un régime quasi civil qui a depuis entraîné la Birmanie dans un tourbillon de réformes, permettant la levée de presque toutes les sanctions occidentales.

Le gouvernement du président Thein Sein a notamment libéré des centaines de prisonniers politiques et permis le retour au sein du jeu politique de Suu Kyi, libérée de résidence surveillée fin 2010 et élue députée en 2012 à la faveur de législatives partielles.

Mais la Constitution octroie toujours des pouvoirs considérables à l'armée, avec notamment un quart des sièges du Parlement réservés aux militaires d'active.

Quelques années après l'indépendance de la Birmanie, Win Tin commence sa carrière en tant que journaliste, entrant en 1951 au bureau de l'Agence France-Presse à Rangoun. Il y reste trois ans, avant de s'installer trois ans aux Pays-Bas.

En 1962, le coup d'Etat de Ne Win fait plonger la Birmanie dans la tyrannie.

"La raison pour laquelle je suis entré en politique, c'est la pression exercée par les gouvernements militaires", racontait l'an dernier à l'AFP le militant aux cheveux blancs et aux grosses lunettes.

Et s'il a maintenu jusqu'à la fin son soutien à Suu Kyi, la décrivant comme "l'âme de la démocratie birmane", il regrettait que nul ne s'aventure à la critiquer. "La seule dissidence vient de moi", disait-il en riant.

Il insistait sur le fait que le pays, malgré les réformes, avait toujours besoin d'une véritable opposition, alors que Suu Kyi a pris le parti de collaborer avec ses ennemis d'hier.

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