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Bangladesh: un an après le Rana Plaza, Minu Akhter tente de se reconstruire

Bangladesh: un an après le Rana Plaza, Minu Akhter tente de se reconstruire

Minu Akhter ne dort plus normalement depuis un an: au moindre bruit, elle se réveille avec la crainte de voir son toit s'effondrer et ne monte plus dans les étages d'un immeuble de peur que l'escalier ne s'écroule.

Depuis l'effondrement de l'immeuble d'ateliers textiles du Rana Plaza en périphérie de Dacca, capitale du Bangladesh, la jeune femme de 23 ans peine à contrôler ses émotions.

Lorsque l'immeuble de neuf étages s'est écroulé, Akhter découpait des pantalons dans l'atelier Phantom Apparels pour un distributeur italien, se souvient-elle.

Ce matin du 24 avril 2013, Shashin, son petit ami depuis cinq ans, se trouvait de l'autre côté du couloir du quatrième étage. Tous deux se sont souri avant d'entamer leur journée de 11 heures de travail.

"Un énorme bruit a soudain retenti et de la fumée a envahi l'étage. Tous mes collègues courraient se mettre en sécurité. J'ai vu Shahin qui m'attendait", explique-t-elle.

Après avoir passé 50 heures au milieu de corps, les sauveteurs ont arraché Minu Akhter des décombres en lui attachant une corde aux jambes.

Deux semaines plus tard, alors qu'elle est à l'hôpital pour soigner une fracture du crâne, elle apprend que le corps sans vie de Shahin a été extrait des décombres. Il est l'un des 1.138 employés morts dans la catastrophe qui a aussi fait 2.000 blessés.

"Pendant plusieurs jours, je ne pouvais croire à sa mort. Nous avions tant de projets", raconte-t-elle en évoquant un projet de mariage.

Dans un espace installé à quelques mètres des décombres des ruines du Rana Plaza, Akhter participe à un groupe de soutien dirigé par des thérapeutes et destiné aux survivants profondément marqués psychologiquement.

Elle est l'une des vingt victimes souffrant d'insécurité prise en charge par un groupe de soignants embauchés par l'Organisation internationale du travail (OIT) et l'ONG britannique ActionAid.

"La plupart ne peuvent plus dormir la nuit. Ils ne supportent plus le moindre bruit. Une fille s'est évanouie quand nous avons utilisé un haut-parleur. Beaucoup souffrent de perte de mémoire ou de d'odorat ou voient des corps d'employés allongés à côté d'eux", explique le chef des thérapeutes, Obaidul Islam Munna.

La tragédie du Rana Plaza a braqué les projecteurs sur les conditions déplorables de travail et de sécurité des ouvriers du textile au Bangladesh.

Le gouvernement a relevé de 77% le salaire minimum des quatre millions de salariés, essentiellement des femmes, à 68 dollars par mois et assoupli la loi permettant la création de syndicats.

L'agence d'inspection des usines, jusqu'alors moribonde, doit être renforcée avec l'embauche de 200 inspecteurs.

"Mais il y a encore beaucoup de chemin à faire. Nos employés sont parmi les moins payés du monde et travaillent 10/12 heures par jour. Les leaders syndicaux font toujours l'objet d'intimidations et parfois d'agressions physiques", relève le leader syndical Baharine Sultan.

Les distributeurs occidentaux, craignant une mauvaise publicité, ont financé une grande campagne d'inspection des ateliers les plus dangereux dont dix ont déjà été fermés.

Ils ont aussi versé 15 millions de dollars à un fond de 40 millions soutenu par l'OIT, le Donor Trust Fund, pour indemniser avant la fin de l'année les proches des victimes et les blessés.

"Les blessés vont toucher entre 700 et 25.000 dollars selon la gravité de leurs blessures", déclare Roy Ramesh, responsable pour le Bangladesh d'IndustriALL, coordination mondiale de défense de salariés.

Le gouvernement a aussi indemnisé plus de 900 familles d'employés tués et de dizaines de personnes amputées.

Mais les exemples abondent de victimes exclues d'indemnisations. Comme Yunus Ali Sardar, 44 ans, paysan pauvre de l'ouest du pays.

Il se trouvait aux abords du Rana Plaza et a sauvé trois vies et avant qu'une énorme poutre ne lui est tombe dessus, le laissant tétraplégique. Mais comme il ne travaillait pas dans les ateliers, il n'a obtenu aucune indemnité.

"L'essentiel des mes économies se sont volatilisées et j'ai dû retirer ma fille aînée de l'école", raconte-t-il depuis son lit du Centre for the Rehabilitation of the Paralysed (CRP).

Quant à Akhter, elle essaie d'oublier la catastrophe. "Je ne me suis pas mariée à Shahin car je voulais aider ma famille pauvre. Je rends grâce à Allah d'avoir survécu. Maintenant je vais devoir m'en sortir seule", dit-elle.

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