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L'épuisement financier ne mettra pas la Russie à genoux, mais peut peser sur son économie

L'épuisement financier ne mettra pas la Russie à genoux, mais peut peser sur son économie

Si certains en Occident espéraient jouer la carte de l'épuisement financier de la Russie pour contraindre Vladimir Poutine à céder sur l'Ukraine, ils risquent d'être déçus : la fuite des capitaux pèse sur l'économie, mais ne mettra pas Moscou à genoux, selon des analystes.

Depuis le début de la crise ukrainienne, la Bourse de Moscou recule, le rouble est attaqué sur les marchés, contraignant la banque centrale à piocher dans ses réserves de change pour soutenir la monnaie russe. D'importants volumes de capitaux étrangers quittent la Russie - 50,6 milliards de dollars au premier trimestre, deux fois plus qu'il y a un an -, sapant la confiance et risquant de compromettre l'investissement.

Mais "l'économie russe n'est pas en train de s'effondrer comme certains ont pu le craindre", jugent les analystes de Capital Economics.

Vladimir Poutine, adossé à une popularité au zénith en Russie, assis sur des gisements d'hydrocarbures indispensables à l'Europe et disposant d'une banque centrale nantie de réserves de changes d'un peu moins de 500 milliards de dollars, peut faire le gros dos pendant un moment.

Début avril, la Banque centrale a multiplié par quatre sa prévision pour 2014 de retraits de capitaux, à 100 milliards de dollars, mais "elle a assez de réserves pour défendre le rouble si c'est nécessaire", estime Lilit Gevorgyan, économiste au cabinet conseil britannique IHS Global Insight.

Pour l'économiste français Jacques Sapir, spécialiste de la Russie, les sorties de capitaux "se tariront avant d'avoir atteint un seuil critique".

D'autant que certains acteurs internationaux, en particulier des Européens, ne semblent pas décidés à couper les ponts avec une Russie riche en hydrocarbure.

Vendredi, le PDG du pétrolier anglo-néerlandais Shell, Ben van Beurden, a rencontré Vladimir Poutine à Moscou évoquant la "vision de long terme" de son groupe en Russie.

Fin mars, le dirigeant du géant industriel allemand Siemens, Joe Kaeser disait à Moscou qu'il poursuivrait ses investissements, "en misant sur la coopération de long terme".

Cela dit, cette hémorragie financière peut avoir des effets de long terme pernicieux, en accentuant un ralentissement déjà marqué de l'économie russe, contribuant à faire pâlir l'étoile de M. Poutine en Russie.

Pour l'agence de notation financière Fitch, "la crise ukrainienne aggrave un ralentissement à plus long terme de l'économie russe, qui faisait déjà face à une chute des investissements et des fuites de capitaux persistantes".

Le Produit intérieur brut (PIB) russe s'est contracté de 0,5% au premier trimestre par rapport au dernier de 2013, et pour l'ensemble de l'année, la croissance devrait osciller entre 0 et 0,5%, selon le gouvernement.

"Nous soupçonnons que l'impact complet de la crise ukrainienne ne s'est pas encore fait totalement sentir", selon Capital Economics.

Cette semaine, le Premier ministre russe Dmitri Medvedev, a reconnu que la situation économique ne cessait de "se détériorer", affirmant que "nos difficultés sont (...) dans une certaine mesure, bien sûr liées aux tentatives de certaines forces de nous entraîner dans une crise artificielle".

Actuellement, Vladimir Poutine bénéficie d'une très grande popularité en Russie où 80% des sondés approuvent sa politique, selon un sondage indépendant réalisé fin mars.

"L'incursion en Crimée marque probablement le début de la fin pour Poutine", estimait toutefois cette semaine la banque allemande Berenberg. "Sa popularité peut bénéficier d'un coup de fouet à court terme", mais avec "des problèmes économiques croissants, la fuite des capitaux, et probablement des objections assez fortes des oligarques contre des décisions politiques pouvant perturber leurs affaires, la poigne de Poutine sur la Russie pourrait s'affaiblir d'ici un à deux ans", selon la banque.

"Avec une économie sur la mauvaise pente, même avant la crise ukrainienne, la forte popularité dont jouit le président pour ramener la Crimée dans le giron russe pourrait trébucher", selon Mme Gevorgyan.

Elle souligne toutefois que la Russie a connu par le passé des ralentissements économiques et que "les électeurs russes ont montré qu'ils avaient un niveau de tolérance élevé (...) Poutine sait qu'il a encore du temps avant que les problèmes économiques n'affectent sa popularité".

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