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Ukraine: statu quo sur le terrain après l'accord surprise de Genève

Ukraine: statu quo sur le terrain après l'accord surprise de Genève

Les insurgés séparatistes de l'Est de l'Ukraine restaient fermement campés sur leurs positions vendredi, au lendemain de l'accord surprise prévoyant leur désarmement et la libération des bâtiments qu'ils occupent depuis une dizaine de jours, défiant le gouvernement pro-européen de Kiev.

Les mystérieux "hommes verts" en armes, des militaires russes selon Kiev, des "groupe locaux d'auto-défense" selon la Russie, contrôlaient la localité de Slaviansk, qu'ils ont prise il y a six jours.

C'est dans cette zone qu'ils avaient infligé mercredi, à la veille des pourparlers de Genève, une véritable humiliation aux forces armées ukrainiennes, s'emparant d'une partie d'une colonne blindée envoyée reprendre la situation en main, avant de renvoyer le reste des soldats dans leur caserne.

Et à Donetsk, grande ville de l'Est où des séparatistes ont proclamé une "république souveraine", l'administration régionale était toujours occupée par des séparatistes plus déterminés que jamais. Symboliquement, la sono passait à fort volume l'hymne russe.

"C'est Kiev qui doit d'abord désarmer Pravy Sektor (mouvement nationaliste paramilitaire, ndlr), la Garde nationale (récemment créée pour intégrer les unités d'autodéfense du Maïdan) et les autres formations illégales et après éventuellement nous rendrons les armes", a déclaré à l'AFP Kirill Roudenko, un des porte-parole des insurgés.

Les Occidentaux, Kiev et Moscou avaient pourtant conclu jeudi à Genève un accord pour une désescalade rapide des tensions, alors que l'Ukraine apparaissait au bord de l'éclatement après les insurrections dans l'Est pour réclamer un rattachement à la Russie ou une "fédéralisation" du pays.

L'accord prévoit notamment le désarmement des groupes armés illégaux et l'évacuation des bâtiments occupés, ainsi qu'une amnistie pour ceux qui respecteront ces dispositions, à l'exception de "ceux qui sont coupables de crimes de sang".

L'accord stipule aussi que le processus constitutionnel promis par le gouvernement transitoire ukrainien sera "transparent", "avec l'établissement d'un large dialogue national, pour inclure toutes les régions ukrainiennes et toutes les entités politiques".

Le gouvernement de Kiev, issu du soulèvement qui a renversé fin février le président pro-russe Viktor Ianoukovitch, refuse la "fédéralisation" réclamée par les séparatistes et prônée par Moscou, mais s'est engagé sur des réformes en vue d'une "décentralisation" importante des pouvoirs, avec notamment l'élection des exécutifs régionaux, jusqu'ici nommés par le pouvoir central.

Mais alors qu'une présidentielle anticipée est prévue le 25 mai pour installer un pouvoir légitimé par les urnes, le gouvernement a adopté jeudi soir un décret se donnant jusqu'au 1er octobre pour préparer la "décentralisation". Les insurgés séparatistes exigent eux un référendum sur le rattachement à la Russie ou la "fédéralisation" avant ou au plus tard le 25 mai, ce que le président par intérim Olexandre Tourtchinov n'a pas exclu.

L'accord de Genève a également déçu les partisans de l'unité ukrainienne.

"Ces accords ne mentionnent pas l'intégrité territoriale de l'Ukraine, ni n'exigent de la Russie de cesser l'occupation de la Crimée, ni ne mentionnent les saboteurs russes dans le Donbass" (bassin minier de l'Est). Les Occidentaux ne se rendent-ils pas compte que (le président russe Vladimir) Poutine est une menace pour l'Europe et le monde?" s'emportait sur son blog Anatoli Gritsenko, ex-ministre de la Défense et candidat à la présidentielle du 25 mai.

"C'est l'échec des règles et des garanties de la sécurité mondiale. Nous voyons maintenant que les garanties de l'inviolabilité des frontières ukrainiennes ne valent rien", renchérissait la chanteuse Rouslana, lauréate de l'Eurovision et militante très active du Maïdan.

Le président américain Barack Obama s'était déjà montré très prudent sur les accords, déclarant n'avoir aucune certitude que l'accord permette une "désescalade" sur le terrain. Et il a averti que de nouvelles sanctions américaines et européennes à l'encontre de Moscou seraient prises en cas d'impasse.

"Il faudra encore plusieurs jours pour voir si les déclarations se concrétisent", avait-il prévenu.

Moscou, tout en démentant énergiquement être derrière les récentes insurrections, comme l'en accusent Kiev et les Occidentaux, a en effet adopté un ton très dur sur la crise ukrainienne, la pire entre Est et Ouest depuis le fin de la guerre froide et qui a fait craindre un éclatement de ce pays de 46 millions d'habitants, frontalier de plusieurs pays membres de l'Union européenne et de l'Otan.

Quelques heures avant l'annonce d'un accord à Genève, mais alors que les discussions étaient déjà en cours, M. Poutine avait ainsi dit "espérer fortement" ne pas être "obligé de recourir" à l'envoi de ses forces armées en Ukraine.

La Russie a massé jusqu'à 40.000 hommes à la frontière entre les deux pays, et le président russe a déjà à plusieurs reprises affirmé qu'il assurerait "à tout prix" la protection des russophones de l'ex-URSS.

La Russie n'a "aucun désir" d'envoyer des troupes en Ukraine, a déclaré son ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov devant la presse à Genève. "Cela serait contre nos intérêts fondamentaux".

Moscou souffle ainsi toujours le chaud et le froid, alors même que "les deux ou trois prochains jours seront cruciaux", selon le chef de la diplomatie ukrainienne Andriï Dechtchitsa.

bur-so/neo/ia

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