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Ukraine: bras de fer dans l'Est à la veille de pourparlers

Ukraine: bras de fer dans l'Est à la veille de pourparlers

Insurgés pro-russes et forces armées ukrainiennes étaient engagés dans un bras de fer tournant à l'avantage des premiers mercredi dans l'Est de l'Ukraine, à la veille de pourparlers décisifs à Genève.

Face à l'aggravation continue de la pire crise Est-Ouest depuis la fin de la guerre froide, l'Otan a annoncé mercredi un renforcement des mesures de défense de ses pays membres d'Europe orientale, comme les pays baltes ou la Pologne, particulièrement inquiets face à ce qu'ils dénoncent comme un interventionnisme russe.

"Il n'y a pas de droit à l'échec ! Car la situation à l'Est de l'Ukraine est toujours plus menaçante", a lancé le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier, dramatisant les enjeux de ces premières discussions internationales directes.

Les négociations doivent réunir à Genève les chefs des diplomaties américaine, russe, ukrainienne et de l'Union européenne. Elles risquent de rapidement tourner au dialogue de sourds, Moscou affirmant que la seule issue à la crise réside dans une "fédéralisation" que refuse le gouvernement de Kiev pour qui elle menacerait le pays d'éclatement.

Sur le terrain, les pro-russes ont marqué un point spectaculaire mercredi, s'emparant d'une demi-douzaine de blindés ukrainiens qui se dirigeaient vers Slaviansk, ville emblématique de la dernière série d'insurrections pro-russes, contrôlée depuis samedi par des insurgés armés.

Les engins faisaient partie d'une colonne qui a été stoppée par des manifestants dans la matinée à Kramatorsk, à quelques km au sud de Slaviansk. Six des blindés ont été pris par "un groupe russe de saboteurs terroristes", a dû reconnaître le ministère ukrainien de la Défense après de longues heures d'un silence embarrassé.

L'autre partie de la colonne est restée coincée à Kramatorsk, où 15 blindés légers stationnaient le long d'une voie ferrée, les soldats ukrainiens, l'air résigné ou accablés, entourés par plusieurs dizaines de manifestants civils pro-russes.

Drapeaux russes au vent, les blindés capturés ont roulé jusqu'à Slaviansk, où ils sont venus renforcer la défense de la ville. Ils transportaient plusieurs dizaines d'hommes puissamment armés, souvent cagoulés, vêtus des mêmes uniformes sans insignes, mais avec des rubans de Saint-Georges orange et noir, ordre honorifique des forces armées russes.

Selon Kiev et les Occidentaux, ces groupes armés, ironiquement baptisés "hommes verts" en Ukraine, sont en fait des soldats d'élite russes. Accusation répétée mercredi par le contre-espionnage ukrainien pour qui ce sont "les mêmes agents" qui étaient à l'oeuvre en Crimée avant le rattachement de la péninsule ukrainienne à la Russie en mars. Moscou nie avoir des soldats ou des agents en territoire ukrainien.

Le seul de ces hommes à accepter de parler aux journalistes, qui a refusé de s'identifier autrement que sous le pseudonyme de "Balou", 50 ans, a assuré qu'ils étaient des volontaires de Crimée et des déserteurs de l'armée ukrainienne.

Ces mystérieux soldats ont en tout cas été accueillis en sauveurs par plusieurs centaines d'habitants de la ville, criant "L'armée est avec le peuple! Nous vous aimons!".

Des jeunes femmes déposaient des fleurs sur les blindés, d'autres apportaient nourriture, eau et cigarettes, pendant qu'un avion de chasse passait à intervalles réguliers à basse altitude. On se faisait photographier avec les héros taciturnes du jour.

Dans un autre défi au pouvoir central, un groupe d'hommes cagoulés et armés a pénétré dans la mairie de Donetsk, fief russophone de l'Est où des séparatistes avaient déjà proclamé une "république souveraine" le 7 avril. Les inconnus affirmaient avoir pour seule revendication l'organisation d'un référendum sur la "fédéralisation" de l'Ukraine.

La Russie dément énergiquement toutes les accusations d'intervention, affirmant au contraire que les autorités pro-occidentales issues du renversement fin février d'un pouvoir pro-russe lors de soulèvements violents à Kiev ont conduit le pays "au bord de la guerre civile". Ce que le président Vladimir Poutine a encore dit à la chancelière allemande Angela Merkel mardi soir.

Les pro-russes réclament un rattachement à la Russie, ou au minimum une "fédéralisation" de l'Ukraine, pour donner de grands pouvoirs aux régions.

Tout en se disant prêt à une "décentralisation", le gouvernement de Kiev refuse l'idée de fédération, porte ouverte selon lui au démembrement du pays.

Le Premier ministre Arseni Iatseniouk a d'ailleurs accusé mercredi la Russie de vouloir "construire un nouveau mur de Berlin et un retour à la guerre froide".

Signe des débats tendus qui s'annoncent à Genève, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a dénoncé un Etat ukrainien "qui a cessé de fonctionner", estimant que "seule la fédéralisation" pouvait permettre de sortir de la crise.

En cas d'échec de la réunion, Washington s'est dit prêt à imposer avec les Européens de nouvelles sanctions contre Moscou. Cela pourrait vouloir dire cibler davantage d'individus que ceux visés par les sanctions existantes, voire interdire l'accès à certains secteurs économiques clés comme les mines, l'énergie et les services financiers.

L'économie russe souffre déjà de la crise, avec une croissance en berne, le PIB s'étant contracté de 0,5% au premier trimestre. Les Européens, de leur côté, redoutent les conséquences d'une éventuelle "guerre du gaz" sur leurs approvisionnements, Moscou ayant menacé de fermer le robinet à Kiev, qui a accumulé une lourde dette et refuse de payer les livraisons courantes.

L'escalade des tensions dans l'Est de l'Ukraine a attisé les craintes d'une intervention russe, la Russie ayant massé jusqu'à 40.000 hommes à la frontière selon l'Otan. Le président Vladimir Poutine a de longue date affirmé qu'il défendrait "à tout prix" les populations russophones de l'ex-URSS et le Kremlin a assuré lundi qu'il recevait "de nombreux appels à l'aide" des régions insurgées de l'Est de l'Ukraine.

bur-so/neo/plh

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