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Les réfugiés hutu rwandais en RDC incités au retour

Les réfugiés hutu rwandais en RDC incités au retour

Vingt ans après le génocide, les dizaines de milliers de réfugiés rwandais hutu toujours présents en République démocratique du Congo sont incités à rentrer au Rwanda, où les conditions de vie sont meilleures, mais la question est toujours loin d'être réglée.

Alors que le Front patriotique rwandais (FPR), dirigé par Paul Kagamé, mettait fin aux massacres de Tutsi et prenait le pouvoir à Kigali en juillet 1994, plus d'un million de Hutu, parmi lesquels des génocidaires, se réfugiaient dans l'est de la RDC, alors appelé Zaïre.

Des milliers d'entre eux sont rentrés après un accord de rapatriement signé en octobre 1994 à Kinshasa entre le Zaïre, le Rwanda et le Haut-commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR), rappelle la Commission congolaise pour les réfugiés (CNR).

Selon Pierre Jacquemot, chercheur associé à l'Institut des relations internationales et stratégiques, un demi-million d'autres sont retournés au Rwanda en 1996-1997, de peur d'être massacrés, au moment de l'offensive de l'Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre (AFDL).

Soutenue par Kigali, cette rébellion menée par Laurent-Désiré Kabila, allait renverser le régime de Mobutu Sese Seko à Kinshasa en mai 1997, mais pendant qu'elle progressait, l'armée rwandaise, entrée dans le pays, pourchassait les Hutu.

Nombre de réfugiés rwandais se sont alors éparpillés en RDC et dans des pays voisins (République du Congo, Angola) tandis que, selon l'ONU, des dizaines de milliers d'autres trouvaient la mort.

Depuis 2001, le HCR a rapatrié plus de 131.000 réfugiés. "Les conditions du retour sont bonnes depuis quelques années. (...) Nous n'enregistrons pas d'incidents lors du rapatriement ou de la réintégration", indique Céline Schmitt, porte-parole du HCR en RDC.

Aujourd'hui, quelque 185.000 réfugiés rwandais sont enregistrés en RDC, surtout dans les provinces des Nord et Sud-Kivu (Est), voisines du Rwanda. Mais ces chiffres du gouvernement congolais sont partiels, le recensement étant suspendu faute de fonds, et environ 70.000 Rwandais attendraient d'être enregistrés dans les Kivu, indique la CNR.

Karène (les prénoms ont été changés), 25 ans, mère de deux enfants, a visité le Rwanda il y a deux ans. "Il fait bon vivre là-bas! dit-elle, on y travaille mais pas péniblement comme ici !" Le 7 mars, elle a été rapatriée par le HCR depuis Goma, capitale du Nord-Kivu.

Elle était avec 37 Rwandais, surtout des femmes et des enfants.

"J'espère une vie plus facile, indique Caroline, 59 ans, rentrée avec ses trois filles.

Les réfugiés sont sensibilisés au retour par le HCR, la CNR ainsi que par les Rwandais déjà rentrés, qui affirment eux aussi que les conditions d'accueil (accès gratuit à l'éducation, aux soins...) sont favorables à un nouveau départ.

Kigali appelle aussi au retour, mais par "hantise" de la "création d'une opposition armée à l'étranger" ou encore pour "démontrer la normalisation du régime", estime Thierry Vircoulon, directeur pour l'Afrique centrale du cercle de réflexion International Crisis Group.

Le Rwanda connaît un développement économique exemplaire, tandis que l'est congolais, riche en minerais, est déchiré depuis plus de vingt ans par les conflits.

Parmi les dizaines de groupes armés actifs au Nord et au Sud-Kivu, certains sont particulièrement hostiles aux populations rwandophones.

C'est le cas des Raïa Mutomboki, qui "pourchassaient toutes les personnes de langue kinyarwanda (parlée au Rwanda)", se souvient Christine, 30 ans. "Sans paix, ni mari, j'ai eu envie de retrouver ma patrie. Des proches là-bas me disent qu'il y a la paix", ajoute-t-elle.

De nombreux réfugiés vivent dans des forêts contrôlées par les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), dont certains chefs ont participé au génocide de 1994 mais disent vouloir déposer les armes et négocier avec Kigali, qui s'y refuse.

"Très souvent, les réfugiés qui se présentent pour le rapatriement volontaire au Rwanda disent avoir été pris en otage par les FDLR qui ne leur permettaient pas de quitter les villages ou la forêt dans lesquels ils vivaient", indique Mme Schmitt.

L'armée et les Casques bleus ont annoncé de prochaines attaques contre les FDLR, ce qui pourrait accélérer les retours.

En 2009, les armées congolaise et rwandaise ont lancé l'opération Umoja Wetu (notre unité, en swahili) et "ça nous a causé des problèmes parce que les FDLR ont fui dans les montagnes et nous sommes restés sans défense", s'inquiète Christine.

"Les FDLR, quand il devait y avoir une attaque des Raïa Mutomboki, ils nous avertissaient, on fuyait et on alertait les autres, conclut-elle. Là, certains ont su que des attaques vont cibler les FDLR et ils veulent rentrer car ils ont peur."

hab/mj/aub/de

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