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Kenya: incompétence, violence et corruption plombent la police

Kenya: incompétence, violence et corruption plombent la police

Les Kényans s'impatientent devant l'incompétence d'une police sous-équipée, sous-payée et notoirement corrompue, malgré la promesse de réformes du président kényan Uhuru Kenyatta face à la menace d'attentats islamistes en plus des meurtres et cambriolages fréquents.

"Le public kényan n'a jamais vraiment fait confiance à la police", explique Ken Ouko, professeur de sociologie à l'université de Nairobi, en décrivant une force de police faisant davantage partie du problème que de la solution.

Au Kenya, il se passe rarement une semaine sans que des policiers fassent la une des quotidiens locaux. En janvier, les forces de sécurité se couvraient de ridicule en tentant de faire croire que l'attentat qui venait de frapper l'aéroport de Nairobi n'était en fait qu'une ampoule électrique qui avait explosé.

Quatre Somaliens ont ensuite été inculpés de préparation et exécution d'"attaque terroriste" pour cet incident qui n'a pas fait de victime.

Le Kenya a été frappé par une série d'attaques - à la grenade, à la bombe, fusillades - depuis qu'il a envoyé des troupes dans le sud de la Somalie à la poursuite des islamistes shebab.

Affiliés à Al-Qaïda, ceux-ci n'ont depuis cessé de menacer le Kenya de représailles et ont revendiqué la sanglante attaque du centre commercial Westgate, dans la capitale Nairobi, qui a fait 67 morts fin septembre.

En juin, ce sont des policiers de l'ouest du Kenya qui soulevaient un tollé après avoir relâché un groupe de jeunes hommes soupçonnés d'avoir battu et violé une jeune femme sans autre punition que de tondre le gazon aux abords du commissariat.

Le site web "ipaidabribe.or.ke" publie les témoignages de milliers d'individus, principalement des automobilistes arrêtés pour de soi-disant violations du code de la route, racontant comment ils ont été obligés ou ont refusé de payer un pot-de-vin à des policiers.

Lors d'un discours au Parlement sur l'état de la nation en mars, le président Kenyatta reconnaissait "un manque inacceptable de coordination dans notre gestion du crime" et évoquait les "frustrations et la colère de la population" qui s'est parfois transformée "en justice populaire injuste". Il concluait qu'il fallait réformer la police afin de redonner confiance aux habitants.

Le paysage urbain de la capitale, où hauts murs, barbelés, fils électriques et barreaux aux fenêtres sont la norme, témoigne de cette absence de confiance dans la capacité de la police de protéger les gens.

Certains montrent du doigt les bas salaires des policiers - 200 dollars (150 euros) par mois, moins que le coût du loyer d'un petit appartement à Nairobi - pour expliquer l'incompétence et la corruption endémiques.

Le président Kenyatta s'est engagé à déployer davantage de policiers dans les rues et de leur octroyer de meilleurs salaires, des logements décents et une assurance médicale, ajoutant que le gouvernement allait aussi munir la police de 1.200 nouveaux véhicules et d'équipements de surveillance plus sophistiqués.

C'est toutefois trop peu, analyse Peter Kiama, directeur de l'Independant medico-legal unit (IMLU) de Nairobi, une ONG de défense des droits de l'homme, pour qui le problème va bien au-delà.

"Je ne crois pas que ces mesures incitatives changeront quoi que ce soit tant et aussi longtemps que la mentalité des policiers ne changera pas", analyse M. Kiama.

Il dépeint une structure rétive à la réforme, où les policiers sont habitués à faire régner leur loi et raconte que son organisation, qui recense les brutalités policières, a relevé 48 cas de personnes tuées après avoir été contrôlées par les policiers entre janvier et mars 2014.

Certains corps de policiers, particulièrement l'unité antiterrorisme, ont été accusés de torture, détention arbitraire et disparitions, principalement de musulmans soupçonnés d'être des militants islamistes.

Des diplomates occidentaux ont manifesté leur impatience devant une force sans capacité ni volonté de faire face à la menace d'attentats.

"La plupart des policiers préféreraient recevoir un pot-de-vin que d'arrêter une attaque terroriste et il y a plusieurs policiers qui n'ont aucun scrupule à assassiner des individus et à les donner à manger aux hyènes", a raconté un expert européen qui ne veut pas être cité.

Un haut responsable de la police kényane admet que la situation est désastreuse et qu'il faut "un changement de modèle à l'intérieur même de la police pour être en phase avec l'évolution de la criminalité et les nouvelles menaces sécuritaires".

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