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Voter, seul moyen pour les Bissau-Guinéens de sortir "du trou"

Voter, seul moyen pour les Bissau-Guinéens de sortir "du trou"

Pour une majorité de Bissau-Guinéens, voter dimanche à la présidentielle et aux législatives est le seul moyen dont ils disposent pour sortir "du trou" leur pays gangréné par les coups d'Etat, la misère et le narcotrafic.

"Je viens de faire un geste simple, mais très important: mon bulletin est comme une corde qui va aider à sortir mon pays du trou. La Guinée-Bissau souffre depuis 2012", lance une mère de famille de 42 ans, Hawa Sonko, qui vient de voter dans un quartier populaire de Bissau.

Elle reflète le sentiment des nombreux électeurs rencontrés par les journalistes de l'AFP dans cette capitale délabrée de 400.000 habitants aux rues pour la plupart défoncées et jonchées d'ordures, aux coupures d'eau et d'électricité quotidiennes.

Fatigués de vivre dans la pauvreté et la saleté, lassés des coups d'Etat à répétition et de l'image négative que donnent de leur pays des dirigeants politiques et militaires corrompus - en particulier par l'argent de la drogue -, les électeurs bissau-guinéens se sont mobilisés dimanche.

"Deux ans de purge, ça suffit, nous avons trop souffert. Mais à quelque chose malheur est bon, c'est pour ça qu'il y a cet intérêt des gens et cette participation", affirme Luis, un jeune électeur préférant rester anonyme.

Certains étaient même venus bien avant l'ouverture des bureaux, à 07h00 GMT, pour placer une pierre ou une bouteille là où s'étirera ensuite la file d'attente, pour bien montrer que leur place était réservée.

Tous espèrent qu'enfin, grâce au soutien de la communauté internationale, ces élections permettront de changer le "système et les hommes" pour sortir le pays du chaos dans lequel il avait à nouveau plongé après l'énième coup d'Etat du 12 avril 2012.

Hoster Garba, une femme fonctionnaire de 53 ans, veut croire qu'en votant, elle joue sa "partition pour un changement du système et des hommes qui nous gouvernent. Mais ce vote ne nous met pas à l'abri d'un autre coup d'Etat, surtout si la communauté internationale nous tourne le dos".

Cet espoir de ne pas être abandonné par les partenaires étrangers - la majorité d'entre eux avaient suspendu leur aide après avril 2012 - est partagé par Maria Miranda, 52 ans, qui avait eu la mauvaise idée de rentrer au pays au moment du putsch, après 27 années passées à Reims (France) où elle possédait un atelier de couture.

"J'attends beaucoup de choses de ces élections, il y a de bons candidats", dit-elle, portant avec fierté un maillot à l'effigie d'Amilcar Cabral, héros de la lutte pour la libération de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert, deux anciennes colonies portugaises qui ont arraché par les armes leur indépendance au début des années 1970.

Elle note qu'il y a "beaucoup de représentants de la communauté internationale qui sont là, c'est un espoir, mais nous espérons qu'ils resteront longtemps après la publication des résultats".

Les bureaux de vote ont été protégés par une force conjointe d'environ 4.000 soldats bissau-guinéens et de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), dont les véhicules ont patrouillé nombreux tout au long de la journée dans les rues de Bissau. La Cédéao avait envoyé 750 hommes après le coup d'Etat de 2012, toujours présents.

Les jours d'élections sont généralement calmes en Guinée-Bissau où, en dépit des difficultés, les habitants, non violents contrairement aux chefs de leur armée, gardent un sens civique élevé. C'est quand les résultats sont connus que les troubles provoqués par les militaires commencent.

Et Ricardina Barbosa, cuisinière de 39 ans venue accomplir son devoir électoral accompagnée de son petit garçon, exhorte celui qui perdra de reconnaître sa défaite et les militaires de rester "sages, pour qu'on ne revive pas la confusion de ces deux dernières années".

Les élections générales de dimanche auraient dû être organisées dans l'année suivant le coup d'Etat de 2012, mais ont été plusieurs fois reportées.

Les pressions exercées par les partenaires étrangers de la Guinée-Bissau, en particulier de ses voisins ouest-africains, ont fini par payer, mais la crainte d'un nouveau putsch reste dans tous les esprits.

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