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Émile Proulx-Cloutier au Théâtre Outremont: un voyage fictif plein d'émotions

Voyage fictif plein d'émotions avec Émile Proulx-Cloutier
Disques La Tribu / Rolline Laporte

Le verbe imagé, la répartie vive, le charisme aiguisé. Des airs souvent mélancoliques, parfois pimpants, toujours inspirés. Des musiques qui donnent simplement le goût de fermer les yeux et de se laisser transporter, dans l’espace ou devant la mer. Des ovations après chacune des chansons, ou presque. Et un garçon au talent immense, qu’on a encensé partout, il y a quelques mois, au moment de la sortie de son album, Aimer les monstres.

Bienvenue dans l’univers d’Émile Proulx-Cloutier, auteur-compositeur-interprète, raconteur d’histoires, créateur de personnages, symbole d’une jeunesse engagée, pleine d’idées et encore capable de s’émerveiller. Et acteur et réalisateur le restant des heures, ne l’oublions pas.

Émile effectuait sa rentrée montréalaise jeudi soir, au Théâtre Outremont. Que son père, le comédien Raymond Cloutier, soit le directeur général et artistique de l’établissement n’a peut-être pas énormément influencé le choix du chanteur d’y lancer officiellement sa tournée, tant l’endroit, juste assez intime, sied parfaitement à son monde. Son monde peuplé de mots, qu’il tourne et retourne dans ses mélodies, où il feint la moquerie, ose une gentille indignation, relate des destins entièrement assemblés dans son imaginaire débridé, mais pas si loin de la réalité. Des destins qu’on pourrait croiser ici et là, demain ou dans un mois. Qui nous entraînent dans un enivrant voyage fictif et ô combien agréable.

Premier de classe

Votre cochon se couche a ouvert la soirée. Visiblement nerveux, Émile a ensuite déclaré sa fascination pour les mains d’autrui, qu’il aime observer pour en dégager des parcelles du passé. C’était la mise en bouche pour Les mains d’Auguste. Ses remerciements aux spectateurs venus l’applaudir ont été débités rapidement, sincèrement. «Merci d’avoir suspendu votre folie électorale…» Il tenait à se montrer reconnaissant envers ceux qui ont «lâché leurs écrans» pour célébrer la vie avec lui. Il l’a dit dans une tournure de phrase beaucoup plus élégante, mais l’essentiel du message est là.

Quand Émile Proulx-Cloutier parle, on se tait et on l’écoute. Qu’il soit assis à son piano ou debout derrière son micro, on se suspend aussitôt à ses lèvres; le jeune homme expose une telle verve pour son jeune âge – il n’a qu’un pied dans la trentaine –, une telle acuité dans son propos qu’on l’imagine possiblement capable de faire lever les plus grandes foules. Un futur politicien? Qui sait. Mais il devra d’abord demeurer artiste le plus longtemps possible, pour nous faire rire et nous émouvoir, comme il sait déjà si bien le faire. Il a provoqué l’hilarité en taquinant doucement «un de nos grands poètes au Québec», Claude Poirier, et en nous expliquant qu’il avait compris, en recevant le «grand livre des vérités» que les premiers de classe n’intéressent pas les filles. C’est le lot des garçons «propres, polis et ponctuels», comme il le détaille dans La complainte du premier de classe.

Une magnifique livraison de Maman, version française de Mommy, de Marc Gélinas et Gilles Richer, popularisée par Pauline Julien en 1971, devait nous mener à l’entracte. Or, avant de nous laisser aller «nous vider et nous remplir» (c’est lui qui l’a dit ainsi), Émile tenait à nous présenter Éric, un petit garçon de 12 ans et demi. Éric n’existe pas, sauf dans la très forte pièce Aimer les monstres, où des vers évocateurs traduisent à merveille les raisonnements des enfants. «Ballon chasseur dans l’estomac»; «Les petits gars dans les films ont l’air d’avoir toutes les réponses»; «Un jour, je vais m’acheter des missiles que je contrôlerai avec ma montre»; «Moi, chez nous je bâtis des villes, je gagne des courses pis je tue des monstres». Extrêmement puissant.

Joyeux insectes

En deuxième partie, beaucoup plus déployée visuellement, on a fait la connaissance de Madame Alice, «belle aubergiste», d’une dame déchue par l’amour dans Le tambour de la dernière chance, et de cette Race de monde, ces «éteigneurs» qui ne voient pas grand et condamnent ceux qui rêvent immense. On croyait Émile parti pour une tirade à saveur sociale lorsqu’il a défini son spectacle comme un «lieu de trêve» («Je suis un intégriste; que vous soyez gauche, droite, diagonale, désabusé […] Si vous partez d’ici réactionnaires, je suis content!» ou encore: «Faire une tournée, c’est comme être en campagne électorale sans ennemis»), mais non; il s’apprêtait plutôt à nous causer d’une romance entre Le grillon et la luciole, joyeuse ritournelle au refrain qui reste collé au cerveau: «Tu m’vois, tu m’vois pus, tu m’vois, tu m’vois, tu m’vois pus…» On vous met au défi de ne pas tressauter des épaules ou taper du talon en le fredonnant.

Les frissons qui nous parcourent l’échine pendant les prestations d’Émile Proulx-Cloutier, on les doit aussi à ses deux musiciens, Pascal Racine-Venne à la batterie et Mathieu Désy à la basse, à son éclairagiste, Jean-François Couture, et à son sonorisateur, Maxime Leclerc. Une toute petite équipe qui, en deux heures, nous fait traverser toute une ribambelle d’émotions. Ne boudez pas votre plaisir et allez vous amuser avec eux. Émile Proulx-Cloutier présentera encore Aimer les monstres au Théâtre Outremont vendredi et samedi, puis s’offrira des arrêts dans différentes villes au printemps et à l’automne.

Rendez-vous au www.emileproulxcloutier.com pour plus d’informations.

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