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Chine: le Parti communiste a permis à Wukan de revoter, mais il garde la main

Chine: le Parti communiste a permis à Wukan de revoter, mais il garde la main

Deux ans après avoir élu librement son conseil municipal, une conquête remportée après un soulèvement emblématique, le village rebelle chinois de Wukan vient de désigner à nouveau ses représentants. Mais le pouvoir réel reste aux mains du parti communiste, selon les analystes.

Deux ans plus tôt, les observateurs avaient prédit que le scrutin municipal inédit qui s'était déroulé dans ce village côtier de la province du Guangdong (sud) resterait une une exception démocratique unique en son genre.

Exaspérés depuis des années par des saisies de terres, les 13.000 habitants de Wukan s'étaient soulevés en décembre 2011 et avaient chassé les cadres communistes qu'ils accusaient de s'enrichir à leurs dépends.

Malgré la censure, ce soulèvement avait été très suivi en Chine et à l'étranger: le village de pêcheurs était devenu un symbole de l'aspiration démocratique en Chine.

Contre toute attente, le gouvernement provincial, basé à Canton, avait finalement accepté l'organisation d'une élection libre.

Mais à l'heure du renouvellement lundi des mandats, les récentes arrestations des meneurs de 2011, le peu de succès rencontré dans les récupérations des terres - et des pluies torrentielles - ont plombé l'exercice, qui a finalement vu la réélection d'un des leaders villageois, Lin Zualan, à la tête du comité.

"Les élections étaient moins transparentes cette fois-ci, surtout le décompte des voix", a affirmé Xiong Wei, un universitaire consulté pour la mise en place du bureau de vote de Wukan.

"Le gouvernement local tenait à contrôler les élections et à s'assurer que Lin Zuluan serait réélu, analyse-t-il. Si Yang Semao n'avait pas été arrêté du jour au lendemain, il aurait pu être élu à la tête du village."

Réputé plus virulent que le chef de village, Yang Semao s'est désisté au second tour cette semaine, alors qu'il avait recueilli plusieurs milliers de voix au premier. Il avait été arrêté et détenu quelques semaines avant l'élection avec un autre meneur.

Assis dans sa petite maison au murs carrelés de blanc, il confie à l'AFP que les autorités locales "sont incapables d'accepter une démocratie complète, parce qu'elles ont peur que des gens indociles soient choisis."

Pour beaucoup d'habitants cependant, les élections représentent déjà un progrès après des dizaines d'années de règne d'un cacique du parti, finalement condamné pour corruption après le soulèvement de 2011.

"Le pouvoir local a bien été forcé d'accepter quelques avancées démocratiques", reconnait Yang.

Tout juste réélu, Lin Zuluan défend sa politique de conciliation. Sans le soutien des autorités, "j'ai vu des villages entiers qui trouvaient à peine de quoi se nourrir", assure-t-il.

A quelques minutes du bureau de vote, sur un terrain, vendu illégalement d'après Lin Zuluan, un hôtel tout neuf se détache d'une rangée de bâtiments néoclassiques. L'un d'eux accueille un magasin de vins importé de France. Les bouteilles valent plus de 1.000 yuans (120 euros).

Aux yeux des gens de Wukan, la luxueuse enseigne témoigne de ce que des étrangers au village profitent toujours des terres arrachées aux paysans

"Notre patron vient de la ville de Lufeng. Il amène des clients faire leurs achats ici, explique une vendeuse en époussetant des verres à vin rangés au-dessus d'un comptoir de marbre. Sinon personne ne viendrait dans un village aussi reculé".

Des élections locales ont été autorisées depuis des dizaines d'années en Chine, mais les candidats doivent être approuvés au préalable par le comité du parti communiste. Environ trois millions de responsables locaux ont ainsi été choisis dans les urnes.

"Cela donne l'impression aux gens qu'ils ont un peu plus de pouvoir", estime Kerry Brown, directeur du centre d'études chinoises de l'Université de Sidney, auteur d'un ouvrage sur les élections dans les villages.

"Ces dernières années, les élections dans les villages ont été beaucoup plus contrôlées, parce que les pouvoirs (locaux) commencent à compter", poursuit le chercheur, faisant référence aux lucratives ventes de terrains.

Des projets d'élections à un niveau plus élevé que le village ont été enterrés il y a plus de dix ans, sous la présidence de Hu Jintao.

"On a pu voir l'enthousiasme pour ce projet disparaître, remplacé par l'obsession de la stabilité", explique Brown.

De passage en Allemagne après sa visite en France, le président chinois Xi Xinping a déclaré que son pays avait expérimenté le parlementarisme et le multipartisme dans le passé, mais qu'"aucun n'avait fonctionné".

"Finalement, la Chine a suivi la voie du socialisme", a conclu le chef de l'Etat et du Parti communiste.

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